Opinion
Qui cherche à
impliquer les Palestiniens
dans les conflits de la région ?
Fadwa Nassar
Mercredi 24 octobre
2012 L’attentat du
quartier Ashrafieh, qui a visé le
colonel Wissam al-Hassan, chef de la
section des Renseignements dans les
FSI libanaises et le coup d’Etat
raté de l’opposition du « 14 mars »
pour revenir au pouvoir, ont de
nouveau été l’occasion pour
certaines forces et médias libanais
de remettre en cause la présence
palestinienne au Liban. Ce n’est ni
la première tentative, ni la
dernière, semble-t-il, vu la
virulence des attaques
anti-palestiniennes lancées par ces
forces et médias, chaque fois que la
situation sécuritaire au Liban est
mise à l’épreuve. Aujourd’hui, c’est
la mort d’un ouvrier palestinien,
qui a osé affronter les lignes de
tirs dans un quartier de la capitale
où l’armée libanaise était
intervenue pour instaurer le calme,
qui a déclenché cette campagne
sournoise où LE Palestinien est
devenu le « fauteur de troubles ».
Cet ouvrier aurait été armé et
aurait tiré contre l’armée. Mais,
par un heureux hasard, un passant,
admirant la bravoure de celui-ci,
avait pu filmer son trajet en train
de braver les tirs avant de
succomber, touché par des balles de
« provenance inconnue » ?! La fin
tragique des uns, dans un Liban en
crise d’identité, a une fois encore
alimenté la haine contre les
Palestiniens. Il y a quelques
mois, ce fut la révolte des jeunes
du camp de Nahr el-Bared contre le
système de contrôle installé par
l’armée libanaise, qui avait
déclenché la campagne contre la
présence palestinienne. Les
Palestiniens s’étaient révoltés
contre un système injuste qui les
empêchait de circuler même à
l’intérieur du camp, puisqu’il
fallait produire des « autorisations
» ou montrer leur identité à chaque
barrage de l’armée, installé dans le
camp même et non seulement à ses
entrées. Bien qu’il n’y ait aucune
animosité contre l’armée, sa
direction ou ses soldats, car
celle-ci ne fait qu’appliquer les
directives du gouvernement et de la
classe politique libanaise, les
jeunes Palestiniens du camp de Nahr
el-Bared ont réclamé la fin des
contrôles et des barrages, qu’ils
ont jugé humiliants. Mais des
politiciens et une certains presse
aux abois ont vite fait de dénoncer
la soi-disant participation des
Palestiniens aux combats dans le
nord du pays, contre l’armée
libanaise, aux côtés des « rebelles
» syriens qui par ailleurs,
pourrissent la vie des Libanais,
depuis que des députés du « 14 mars
» leur ont offert la possibilité de
lancer des attaques contre le régime
syrien à partir du Liban. Dans les deux cas,
les organisations palestiniennes,
nationales (Fateh, FPLP et FDLP et
FPLP-CG) et islamiques (Hamas et
Jihad islamique) ont déploré les
combats inter-libanais et appelé au
calme toutes les parties pour
l’intérêt de la nation et de la
Palestine, ont affirmé se situer à
l’écart de tous les conflits
internes au Liban et dans la région,
et ont dénoncé les tentatives de
certains d’impliquer les
Palestiniens dans leurs conflits.
Le
communiqué des forces et
organisations palestiniennes
présentes au Liban, publié ce 24
octobre, suite à leur réunion au
siège de l’ambassade de Palestine, a
affirmé ce qui suit : 1 – Nous dénonçons
l’assassinat du colonel Wissam
el-Hassan 2 – Nous affirmons
que les organisations palestiniennes
sont attachées à l’unité, à la
sécurité et à la stabilité du Liban.
Elles appellent toutes les forces et
tous les partis libanais au calme et
au dialogue pour préserver le Liban
d’une guerre civile. 3 – Nous affirmons
l’unité de la position palestinienne
au Liban : nous ne serons qu’un
élément de stabilité dans ce pays,
nous refusons les tentatives de nous
impliquer dans la crise interne
libanaise et nous ne permettrons à
personne d’utiliser les camps
palestiniens pour viser la paix
civile au Liban, comme nous refusons
toute forme de guerre civile. 4 – Nous réclamons
des forces politiques libanaises et
des médias une grande précision et
attention dans le traitment de
l’information, et leur demandons de
ne pas impliquer le peuple
palestinien dans les troubles
récents, d’autant plus que
l’ensemble des organisations
palestiniennes refusent de couvrir
tout individu palestinien dont
l’implication a été prouvée. Nous
réclamons de ne pas faire porter à
l’ensemble du peuple palestinien
toute erreur individuelle qui
pourrait survenir, comme dans toutes
les sociétés humaines. Même si certaines
voix irresponsables arabes (des «
révolutionnaires de pacotille »)
appellent les Palestiniens à
participer aux combats fratricides
qui secouent certaines parties de la
nation, par solidarité ou par
intérêt (les Palestiniens étant
considérés comme des «
professionnels » de la lutte armée),
l’expérience douloureuse des
Palestiniens, depuis le fameux
alignement de feu Arafat aux côtés
de Saddam Hussayn, contre le Koweit
et l’alliance des Etats arabes
placée sous égide américaine, est
encore dans les mémoires. Des
milliers de Palestiniens furent
expulsés du Koweit laissant des
milliers de familles palestiniennes
sans ressources, sans compter le
financement de l’OLP qui fut mis en
difficulté, celle-ci ne pouvant plus
payer ni ses bureaux, ni les
organisations palestiniennes qui y
sont affiliées. Pour la résistance
palestinienne et ses organisations,
seul le peuple palestinien paie ses
erreurs aussi lourdement,
probablement à cause de l’état
d’exil dans lequel il se trouve,
entre autres. Pour les
organisations palestiniennes au
Liban, il s’agit non seulement d’une
position de principe, mais bien
d’une position servant à protéger
les réfugiés palestiniens et la
cause palestinienne, et notamment le
droit au retour. Car le fait
d’impliquer les camps de réfugiés
dans tout conflit secondaire ou
marginal, d’autant plus qu’il ne
s’agit pas de révolutions mais de
guerres civiles, signifie
l’éparpillement des Palestiniens, au
grand bonheur de l’Etat sioniste et
de ses nombreux alliés dans le monde
occidental, qui veulent en finir
avec la question des réfugiés
palestiniens et de leur objectif de
retourner en Palestine, dans toute
la Palestine, et non seulement en
Cisjordanie et dans la bande de
Gaza. C’est l’enjeu principal, c’est
le premier enjeu d’ailleurs, de tout
le conflit dans la région : les
puissances impériales veulent
instaurer une « paix » où les
réfugiés n’ont pas le droit de
retourner dans leur pays leurs
villes et villages d’origine, et
réserver une enclave appelée Etat
palestinien, où l’Etat sioniste
contrôle non seulement les
frontières, le sous-sol et le ciel,
mais aussi la démographie et la
population, alors que la résistance
palestinienne lutte pour la
libération de toute la Palestine «
du fleuve à la mer », et le retour
des réfugiés.
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