Palestine
Se réapproprier la
Palestine
Fadwa Nassar
Samedi 7 septembre 2013
Depuis l’occupation
de la Palestine en 1948, les
autorités sionistes procèdent à la
judaïsation de ce pays
arabo-musulman, ancré dans
l’histoire millénaire de la région.
La judaïsation signifie l’invention
d’une histoire et d’un patrimoine
juif sur cette terre, qu’ils ont
occupée pour des raisons
stratégiques, pour servir de pont
d’accès aux impérialismes et forces
de la domination mondiale,
l’allégation d’une histoire juive en
Palestine n’ayant servi qu’à assurer
un soutien occidental et à mobiliser
les juifs, que rien ne relie par
ailleurs, mis à part leur croyance
en une même religion. Le sionisme a
voulu transformer une religion en
nation dans la pure tradition du
racisme occidental.
La judaïsation de
la Palestine est le processus par
lequel les sionistes qui ont envahi
ce pays ont d’abord expulsé son
peuple, le peuple arabe palestinien,
et tentent de poursuivre ce
nettoyage ethnico-religieux, puis à
détruire le paysage palestinien et
son patrimoine vieux de plusieurs
millénaires, et ses maisons,
mosquées, églises et autres lieux
saints comme les maqams, ou à les
utiliser en modifiant leur
destination : les maisons
palestiniennes sont pillées, les
pierres ayant servi à leur
construction arrachées pour bâtir
les maisons des colons (ils ont
récemment arraché les dalles de
l’église du village détruit
d’al-Bassa, au nord d’al-Jalil), ou
prises d’assaut par les colons, les
mosquées transformées en musées ou
lieux de débauche, quand les
sionistes ne les transforment pas en
synagogues, les églises interdites
d’accès et profanées. Pour les
sionistes qui ont envahi la
Palestine, il faut détruire, masquer
et enterrer tout ce qui peut
rappeler l’histoire millénaire
non-juive de cette terre.
Après la destruction
ou la modification des traits et de
la destination du patrimoine
arabo-musulman palestinien, les
sionistes procèdent à cacher le
crime, en plantant des forêts,
recouvertes d’arbres qui poussent
rapidement, tout aussi éphémères que
leur entité coloniale. Des centaines
de villages palestiniens détruits ou
semi-détruits sont ainsi cachés par
des forêts plantées par diverses
associations sionistes dans le
monde. Les pancartes qui servaient à
indiquer leur chemin ont été
arrachées. Ils sont là, mais aux
yeux de l’entité coloniale, ils
n’existent pas. Cette frénésie
« verte » de l’occupation a été
saluée par les amis des sionistes
dans le monde comme étant le fait
d’avoir « fait fleurir le
désert » !!
Avant même
l’occupation de la Palestine, les
savants de l’impérialisme
britannique avaient déjà mené la
première phase de la judaïsation de
la nomenclature palestinienne. En
effet, La « Palestine Exploration fund » fondée en 1864, avait établi
plusieurs cartes de la Palestine, en
calquant les noms cités dans la
Bible sur la topographie
palestinienne, croyant avoir
retrouvé des lieux bibliques en
Palestine. Ce travail soit-disant
académique va fournir la base de la
judaïsation à laquelle vont procéder
les sionistes, sans qu’aucune preuve
matérielle ne soit apportée sur une
quelconque présence juive antique en
terre palestinienne.
Après l’occupation
de la Palestine, le nom même du pays
sera modifié pour « Eretz Israël ».
Cette judaïsation sera suivie par le
changement de tous les noms
historiques ou relativement récents
des lieux palestiniens (villes,
villages, lieux-dits, montagnes,
vallées et rivières). En 1948 est
créée une commission gouvernementale
pour modifier les noms. Au fur et à
mesure que les noms palestiniens
étaient changés en noms juifs, les
autorités sionistes imposaient aux
administrations et aux écoles, même
arabes, de ne plus utiliser les noms
d’origine, mais seulement les noms
judaïsés. C’est ainsi qu’ont procédé
les colons pour arracher l’histoire
du pays de la mémoire des
Palestiniens qui vivent sous
occupation. De nouvelles cartes du
pays occupé furent émises, où
disparaissent les lieux palestiniens
au profit des lieux judaïsés. Les
noms adoptés par les sionistes
proviennent de plusieurs sources,
dont l’ancien testament, le Talmud,
des personnages historiques tels des
rabbins, écrivains, symboles
sionistes, ou militaires ayant
appartenu aux groupes terroristes.
Certains noms arabes furent altérés
en modifiant certaines lettres,
d’autres traduits de l’arabe, ou
alors tout simplement des noms en
hébreu pour désigner la nature du
lieu (élevé, planté, etc..), et des
noms de personnalités mondiales
ayant soutenu le sionisme. Pour les
sionistes, c’est l’appartenance
arabe de la Palestine qu’il fallait
surtout masquer.
Mais les
Palestiniens, dans l’exil ou sous
occupation, veillent. Il est vrai
que nombre de noms judaïsés sont à
présent couramment utilisés, dans le
monde et même par les Palestiniens
vivant sous occupation. Cependant,
depuis quelques années, des efforts
sont consacrés par de multiples
associations et centres, des
chercheurs, historiens et écrivains
pour se réapproprier la Palestine
arabe et balayer, envers et contre
tous, toute cette couche de noms,
factice et falsifiée, ajoutée à la
terre palestinienne.
Les historiens
palestiniens vivant dans les
territoires occupés en 1948, qui
furent les plus ciblés par cette
judaïsation, décrivent depuis
quelques années les rues et les
quartiers des villes comme Haïfa,
Yafa, Akka, en citant leurs vrais
noms, afin que les jeunes se
réapproprient les lieux tels qu’ils
étaient et non tels que les
sionistes les ont altérés. Des
visites organisées depuis une
dizaine d’années par diverses
associations, et commentées par des
guides, permettent aux jeunes de
renommer les quartiers et les rues,
mais aussi les villages et les
lieux-dits, couverts parfois par la
forêt de la colonisation. Dans al-Naqab
même, ces visites organisées
permettent non seulement aux
Palestiniens des autres régions de
connaître cette partie du pays, mais
aussi de se réapproprier les noms
arabes de centaines de villages
détruits, de sites historiques, de
rivières et vallées, que les
sionistes ont voulu faire
disparaître de l’histoire et sur
laquelle ils essaient de construire
une autre histoire.
Tout récemment, un
groupe de jeunes issus de plusieurs
villages d’al-Jalil, dont le village
détruit de Saffuriyé, ont lancé une
campagne médiatique pour rejeter les
noms judaïsés de lieux de la
Palestine et se réapproprier les
noms d’origine, les noms
palestiniens, qui ont été forgés,
comme l’affirme un professeur
d’université, par l’histoire, et non
par décision idéologique, comme le
sont les noms judaïsés. Des
centaines de noms de villages,
recouverts par la judaïsation,
reviennent à la surface. Des
concours sont organisés, des
documentaires diffusés, des
photographes amateurs sillonnent le
pays pour faire redécouvrir aux
réfugiés le paysage palestinien et
leurs villages et villes.
Mais cette
réappropriation de la Palestine
dépasse le rejet de la judaïsation
des noms. Elle couvre à présent les
villages détruits qui accueillent,
tous les ans, des centaines de
jeunes décidés à reconstruire les
maisons et les lieux saints, comme
ce fut le cas cet été pour les
villages d’al-Bassa, Iqrit,
Ghabsiyyé, et Kfar Bar’em (dans al-Jalil)
et tant d’autres lieux dans d’autres
régions, que les Palestiniens ont
décidé de se réapproprier. C’est une
des nombreuses batailles menées par
les Palestiniens de l’intérieur
contre l’occupation. C’est notre
pays, la Palestine occupée,
disent-ils, et non « Israël ».
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