Opinion
Le combat
exemplaire de Sheikh Khodr Adnan
Fadwa
Nassar
Sheikh
Khodr Adnan
Mardi 7 février
2012 Immédiatement après
son arrestation à Arrabe, dans la
province de Jénine, le 10 décembre
dernier, sheikh Khodr Adnan,
dirigeant politique du mouvement du
Jihad Islamique en Palestine, entame
la grève de la faim, pour protester
contre les conditions de son
arrestation, puis de son
interrogatoire par les services
sécuritaires de l’Etat sioniste.
Dans les murs de la pièce servant de
lieu d’interrogatoire, les
instructeurs insultent et humilient
le dirigeant palestinien, pour
l’écraser et le détruire, moralement
et psychologiquement. Le dirigeant
proclame alors son refus de répondre
aux questions et entame une grève de
la faim illimitée. L’humiliation est
une pratique ordinaire de
l’occupant. C’est ainsi que le
colonisateur conçoit sa relation
avec le colonisé. Elle vise à
détruire la volonté du peuple
résistant, à rabaisser ses
représentants et dirigeants au rang
de « sous-humains », non seulement
par racisme et haine, mais aussi
pour se venger du peuple qui refuse
la domination et la loi de
l’occupant. C’est par la grève de la
faim que sheikh Khodr Adnan a refusé
de se plier à cette loi, en avec
pour mot d’ordre « ma dignité passe
avant ma faim et ma soif ». Très rapidement,
cependant, le dirigeant palestinien
proclame son refus de l’arrestation
et de la détention administrative
qui rafle, depuis l’occupation de la
Palestine, tous les symboles
résistants de la société
palestinienne : journalistes,
écrivains, responsables et militants
politiques et députés de l’Autorité
palestinienne. Plus de trois cent
personnalités palestiniennes de la
Cisjordanie sont des détenus
administratifs, emprisonnés et «
jugés » par un tribunal militaire à
partir de dossiers secrets,
fabriqués par les services
sécuritaires. Il s’agit de la mesure
la plus arbitraire prise par
l’occupant, pour briser le peuple
palestinien et sa volonté de
résister à l’occupation. Cette
pratique, qui s’appuie sur les lois
d’urgence de l’occupant britannique,
est appliquée dans les territoires
occupés en 1967. Dans les
territoires occupés en 1948,
l’occupant impose la « détention à
domicile » des militants qu’il juge
« dangereux » pour la sécurité de
son Etat. Voilà plus de
cinquante jours qu’il mène une grève
de la faim, et que les services
sécuritaires le transfèrent de la
prison à l’hôpital puis d’un hôpital
à un autre, le menaçant de
l’alimenter de force. Ils agitent la
carotte et le bâton, pour le faire
fléchir, mais sheikh Khodr Adnan
tient bon. Il a refusé d’être suivi
par le service de médecine de
l’occupant et a réclamé un médecin
palestinien, il a refusé de prendre
le sel, denrée pourtant autorisée
pendant les grèves de la faim,
disent les spécialistes, mais
devenue objet de chantage entre les
mains des responsables sionistes des
prisons. N’ont-ils pas retiré le sel
lors de la dernière grève de la faim
des prisonniers, au mois d’octobre
dernier, pour les obliger à cesser
leur mouvement ? Cette fois-ci,
sheikh Khodr Adnan leur a ôté ce
moyen de chantage. Il a refusé tout
simplement de s’en servir. Cette volonté
inébranlable de poursuivre la grève
jusqu’au bout, au risque de sa vie,
n’a pas été comprise, ni par les
sionistes, ni par de nombreux
commentateurs et activistes de
droits de l’homme. N’ont-ils pas
dépêché un éminent sheikh de Yafa,
pour le convaincre de cesser sa
protestation ? Mais après avoir
rencontré le dirigeant palestinien,
le sheikh a déclaré qu’au lieu de
parvenir à convaincre le prisonnier
Khodr Adnan de cesser la grève de la
faim en vue de préserver sa vie,
c’est le prisonnier qui l’a
convaincu de la justesse de son
mouvement de protestation, de la
portée de celle-ci, et que malgré
son état affaibli, sheikh Khodr
Adnan avait un moral très élevé.
Il a fallu plus d’un
mois et demi de grève de la faim
pour que la solidarité populaire
s’étende et que les prisonniers,
notamment ceux du mouvement du Jihad
islamique, commencent une grève de
la faim illimitée. Les nouvelles qui
parviennent des prisons disent que
le mouvement s’étend, sous forme de
grève illimitée ou bien de journées
de grève, dans un mouvement général
de refus de la détention
administrative. Les prisonniers du
mouvement du Jihad islamique ont été
mis en isolement. C’est la pratique
ordinaire de l’occupant, qui entend
punir ceux qui transgressent ses
lois et ses normes. Il l’avait déjà
fait lors de la grève de la faim
illimitée lancée au mois d’octobre
contre l’isolement, mesure qui
touche les dirigeants politiques et
militaires de la résistance
palestinienne. Comme la détention
administrative, l’isolement est le
moyen conçu par l’occupant pour
briser la volonté des résistants et
les humilier. Malgré la
dénonciation par les organisations
internationales de l’ONU et des
droits de l’homme de la détention
administrative et de l’isolement,
l’Etat sioniste n’est pas inquiété,
ni par l’ONU ni par les autres. Ce
ne sont pas des rapports détaillés
écrits dans un langage juridique et
pointu par des spécialistes de la
question qui risquent de changer les
choses, comme l’expérience nous le
montre, depuis l’occupation de la
Palestine. C’est pourquoi les
familles des prisonniers, dans la
bande de Gaza, ont décidé de
recevoir le dirigeant de l’ONU, Ban
Ki Moon, avec des savates et des
slogans hostiles à sa présence,
qu’ils ont jugé insultante.
Insultante parce qu’il a refusé de
recevoir les familles des
prisonniers, dont le nombre s’élève
à plus de 5000, que ce soit à Gaza
ou à Ramallah, parce qu’il a refusé
la réception d’une lettre qui lui
est adressée par ces familles et les
organisations de défense des
prisonniers, directement, préférant
se barricader dans une
pseudo-légalité, et qu’elle lui soit
remise par des tiers. Parce qu’il a
refusé de tenir compte de ces
milliers de prisonniers qui
croupissent dans les geôles de
l’occupation, et qu’il n’avait
cessé, tout au long de la capture du
soldat sioniste, de rencontrer sa
famille et de lui adresser ses
sympathies. C’est l’ONU et la
politique de l’ONU, de son dirigeant
et de ses organisations que les
familles de prisonniers ont rejeté
d’un bloc, d’autant plus qu’elles
avaient en mémoire la collusion
d’une autre organisation
internationale, le CICR, avec
l’occupant. Cette dernière a
autorisé l’occupant, à deux
reprises, d’entrer dans ses locaux
pour kidnapper les députés d’al-Qods,
qui s’y étaient réfugiés pour
protester contre la décision de leur
déportation hors de leur ville. La protestation des
familles de prisonniers a visé tout
ce qui s’est érigé en communauté
internationale, pour maintenir
l’occupation de leur pays et le
blocus de Gaza, pour faciliter la
judaïsation de la ville d’al-Qods et
pour se taire sur les conditions
inhumaines imposées aux prisonniers
palestiniens. Les familles des
prisonniers ont tenu à faire passer
ce message à la « communauté
internationale », largement partagé
par les Palestiniens, sous
occupation ou dans l’exil, et
notamment par le dirigeant
palestinien Khodr Adnan : par notre
volonté indestructible, nous
changerons la situation. Par notre
résistance, nous parviendrons à
libérer notre pays. La signification
profonde du combat mené par sheikh
Khodr Adnan est là : aucune force
dans le monde ne peut briser la
volonté d’un humain ou d’un peuple,
lorsqu’il décide d’aller jusqu’au
bout, c’est la victoire ou le
martyre, qui est également une
victoire encore plus immense.
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