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Ha'aretz
A travers le
miroir palestinien
Esther Zandberg
Création du premier fonds d'archives visuelles de la mémoire
palestinienne à Umm al-Fahm (Galilée). Quand d'un côté, comme
Sternhell, on évoque un miracle (http://www.lapaixmaintenant.org/article1794),
de l'autre on parle
de catastrophe. Hag sameah¹ (joyeuses fêtes) à ceux qui ont fêté
Pessah¹ (Pâque juive) ou le fêteront demain. NdT
Ha'aretz, 18 avril 2004
http://www.haaretz.com/hasen/spages/975727.html
Pour le moment, les archives sont locales et encore dans les
limbes, mais
ceux qui en sont les artisans espèrent que « cela constituera le
noyau d'un
projet national d'écriture et de formulation de l¹histoire
collective
palestinienne », dit l'historien Dr. Mustafa Kabha, professeur
d'histoire et
de communication à l¹université ouverte de Tel-Aviv et
conservateur du musée
d'Umm al-Fahm.
Les fondations
Ces archives se sont constituées à l¹initiative du directeur de
la galerie
d'art d'Umm al-Fahm, Saïd Abou Shakra, et elles sont au c¦ur
d¹un plan plus
important qui a pour ambition de créer dans la ville un musée
d¹art et de
culture arabes : « Nous voulons permettre aux gens de regarder
leur passé,
et ce sont les fondations. »
Le travail sur les archives a commencé il y a un an. Le
responsable, Mahmoud
Abou Anas Agbaria, fils de Hadara et d¹Ahmad, habite Umm al-Fahm.
Des
milliers de documents ont été réunis, numérisés et catalogués.
Ils seront
bientôt visibles sur Internet.
Les premiers documents feront l¹objet d¹une exposition, fin mai,
dans la
galerie d¹art. Ils seront accompagnés de photos récentes
commandées à des
photographes arabes et juifs, dont des photos du projet Aloni et
des
interviews en vidéo de dizaines d¹habitants de Wadi Ara âgés de
plus de 75
ans.
« C¹est un voyage pour sauver la mémoire », dit Saïd Abou Shakra.
« Nous
n¹avons rien d¹autre que les souvenirs des gens, et ils
commencent à
disparaître. C¹est la raison pour laquelle nous sommes allés
d¹abord vers
les anciens, avant qu¹il ne soit trop tard. »
Jusqu¹il y a un an, les agglomérations arabes de la région de
Wadi Ara
(Galilée, y compris Umm al-Fahm, n¹avaient pas d¹histoire
photographique,
dit Gaï Raz, responsable de l¹exposition : « L¹histoire
photographique
n¹avait été compilée sous forme d¹archives ou de livres, et
n¹avait fait
l¹objet d¹aucune exposition. L¹entreprise de Saïd et de Mustafa
est un
projet très compliqué. Etre responsable d¹une exposition comme
celle-ci,
sans archives, cela veut dire créer à partir de rien la première
mémoire
historique visuelle d¹une région de 100 000 personnes. C¹est
une tâche sans
fin, et je retrouve tous les jours de nouveaux documents. »
Ce n¹est pas un hasard si le recueil de documents pour cette
exposition est
si difficile. Car la question est politique.
« L¹histoire vue du côté palestinien souffre d¹un manque de
documents, à la
fois à cause de la Nakba (catastrophe) de 1948, qui a totalement
détruit
l¹héritage palestinien culturel et historique, et parce que les
centres
urbains arabes ont subi des dégâts physiques », dit Mustafa
Kabha. « Ainsi,
les processus d¹urbanisation nécessaires à la création d¹une
société
moderne, avec son histoire, ont été stoppés.
Le trou noir dans lequel vit le peuple palestinien depuis 1948,
son statut
de réfugié et sa marginalisation rendent particulièrement
difficile de
rendre un récit unifié fondé sur une mémoire collective. »
Le traumatisme d¹après 1948, ajoute Gaï Raz, et le sentiment de
mal à l¹aise
et de peur chez les Palestiniens, ont provoqué « un manque de
conscience à
l¹égard de l¹importance et la préservation d¹un héritage. »
Mustafa Kabha,
pour sa part, espère que ces archives rempliront un vide dans
les documents
visuels de la mémoire collective palestinienne : « En tant
qu¹historien, je
n¹ai pas la prétention de reconstituer une version complète de
l¹histoire.
Si elle se crée, tant mieux. Mais, avant tout, ce qui
m¹intéresse, c¹est de
créer un fonds de documents bruts. Les deux récits, le récit
sioniste et le
récit palestinien, sont chacun à un stade différent de leur
développement.
Le récit sioniste est développé et institutionnalisé.
Naturellement, un
courant critique est apparu en son sein, les nouveaux
historiens. Le récit
palestinien, lui, n'est pas encore solidifié, et nous
contribuons à son
développement. En tant qu¹optimisme par nature, je pense que,
dans une
génération, il y aura de nouveaux historiens palestiniens qui
seront plus
critiques et moins dévoués à la cause.»
« Arabe avec âne »
Depuis l¹invention de la photographie, la « Terre Sainte » a été
photographiée à de multiples reprises par des pèlerins et des
touristes,
chrétiens et juifs, par des équipes d¹archéologues, par des
occupants et des
« libérateurs ». En général, ces photographies reflétaient un
point de vue
romantico-colonialiste et orientaliste, ou sioniste et
nationaliste. « Pour
eux, les indigènes faisaient partie du paysage et ne
présentaient aucun
intérêt », dit Kabha. « On les appelait OArabe avec âne¹, etc. »
Tout cela
est bien connu.
La région de Wadi Ara n¹a pas été aussi bien couverte que les
lieux saints,
dit Raz. Depuis la création de l¹Etat d¹Israël, la plupart des
photographes
étaient juifs. Ils ont photographié surtout des événements comme
la remise
des villages de Wadi Ara au gouvernement militaire israélien en
1949 (dans
le cadre des accords d¹armistice avec l¹Irak, ndt) ou les
événements
d¹octobre 2000 (manifestations de la population arabe israélienne au début
de la 2e Intifada, durement réprimées, ndt).
L¹exposition, l¹une des premières étapes de la création des
archives, a donc
été conçue pour entamer la constitution d¹un fonds visuel, dans
un contexte
arabe-palestinien-israélien, qui servira aux fondations d¹un
musée. Les
photos ont été obtenues à partir d¹archives officielles en
Israël, au
Royaume-Uni et aux Etats-Unis, chez des particuliers (qui ont eu
besoin
d¹une bonne dose de persuasion, selon Raz), de photographes
privés, de films
et d¹archives télévisuelles.
Ces images, qui seront montrées pour la première fois,
comprennent des
photos provenant des archives des kibboutz de la région Megiddo-Ramot
Menashe, dont certains ont été créés sur des terres arabes
désertées. Il y a
également des images montrant la construction du quartier Solel
Boneh à Umm
al-Fahm en 1967, qui a été avalé dans le paysage urbain,
pratiquement sans
laisser de traces ; de la route 65, élargie entre 1959 et 1975 ;
et des
photos actuelles de maisons, d¹entreprises, de barrages
militaires et de la
clôture de séparation. Une très longue liste de photographes
juifs et arabes
ont contribué à ce travail, dont Azaria Alon, Miki Kratsman (1)
et Ahlal
Basul.
Des vidéos des anciens des villages seront projetées au cours de
l¹exposition, et l¹on contera leurs histoires en arabe. Comme le
dit Mahmoud
Abou-Anas, la plupart des histoires tournent autour de la Nakba. Toutefois,
dit Abou Shakra, il est purement fortuit que la création de ces
archives
coïncide avec le 60e anniversaire de l¹Etat d¹Israël, et que sa
cérémonie de
clôture soit proche du jour de l¹Indépendance et jour de la
Nakba : « Quand
nous avons fondé ces archives, je savais qu¹au moment où nous
les
montrerions, la question du conflit des mémoires serait
soulevée. Mais cette
création ne marque aucune date en particulier. L¹événement a un
caractère
politique, mais non polémique. Je n¹ai pas besoin de la Nakba ou
des 60 ans
pour justifier ka création de ces archives. Elles possèdent leur
force
propre, il s¹agit d¹une nécessité existentielle. »
(1) sur ce photographe, voir son histoire personnelle « Où Miki
Kratsman retrouve Youssef Salah Haji »
http://www.lapaixmaintenant.org/article1090 Trad. : Gérard
pour
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