|
RIA Novosti
Relations
franco-russes : Nicolas Sarkozy deviendra-t-il «l'ami Sarko» ?
Elena Cherternina
Nicolas Sarkozy - Photo RIA Novosti
8 octobre 2007
Les 9 et 10 octobre le président français Nicolas Sarkozy est
attendu à Moscou où il rencontrera son homologue russe Vladimir
Poutine pour la deuxième fois depuis son accession à l'Elysée.
Pour la première fois, les deux hommes se sont rencontrés en
juin dernier, en marge des travaux du sommet du G8 à Heiligendamm.
A l'époque, les présidents russe et français ont même réussi
à intriguer les journalistes accrédités et suivant les
discussions habituellement ennuyeuses. Alors que MM. Poutine et
Sarkozy, se rendant à une nouvelle rencontre, s'entretenaient
paisiblement, le portable du président français s'est mis à
striduler. Après avoir parlé une minute, Sarko a passé le téléphone
à Poutine. Il s'est avéré plus tard qu'il ne s'agissait pas de
problèmes de première importance et de portée mondiale. Tout
simplement, Cécilia Sarkozy et Lioudmila Poutina voulaient savoir
ce que leurs époux faisaient. Suivant un programme spécial, les
"First Ladies" ont réussi à trouver assez rapidement
un langage commun. Et tout porte à croire que leurs époux sont
restés, eux aussi, satisfaits l'un de l'autre.
Quoi qu'il en soit, en parlant du président russe, Nicolas
Sarkozy a confié un jour aux journalistes français qu'il avait
"trouvé un homme très au fait de ses dossiers, très calme,
très intelligent",.. que c'était "un homme avec qui on
pouvait parler". Ce disant, il a beaucoup étonné les
analystes qui avaient prédit à Moscou et à Paris un retour
quasi immédiat à l'époque de la "guerre froide" après
l'arrivée de Sarkozy au pouvoir.
En effet, au cours de la campagne électorale, le candidat à
la présidence française Nicolas Sarkozy n'était guère
bienveillant pour la Russie et prenait ostensiblement ses
distances vis-à-vis de la politique de Jacques Chirac qui avait
tenu, depuis de très longues années le rôle de principal avocat
de Moscou en Europe. Le candidat-Sarko exigeait, par exemple, que
Poutine s'explique au sujet de la Tchétchénie et sur sa position
à l'égard de la Géorgie et de l'Ukraine". Il se disait
aussi en désaccord catégorique avec les paroles du président
russe qui considérait l'éclatement de l'URSS comme la plus
grande tragédie du XXe siècle (Quand une dictature s'écroule,
et l'Union Soviétique était bien une dictature, c'est toujours
une bonne nouvelle, a affirmé M. Sarkozy). Et à une question sur
ses alliés, il répondait que si on lui demandait s'il était
plus proche des Etats-Unis ou de la Russie qui se comportait comme
on le voyait en Tchétchénie, il se déclarerait évidemment plus
proche des Etats-Unis.
Le fait que Nicolas Sarkozy soit effectivement plus proche des
Etats-Unis, et non seulement sur le plan politique, il l'a lui-même
manifesté, en se rendant dans ce pays pour ses premières
vacances présidentielles. Toutefois, il a décidé à ne pas se
limiter à une simple partie de pêche, mais de joindre aussi
l'utile à l'agréable, en allant notamment voir George W. Bush
dans sa résidence familiale de Kennebunkport. Or, choisir
l'endroit de ses vacances et décider qui rencontrer durant ses
loisirs, c'est une affaire personnelle. Mais les médias
occidentaux affirment ces derniers temps que
l'"atlantisme" de Sarkozy a déjà exercé un impact déterminé
sur la Maison-Blanche. A ce qu'il paraît, l'administration Bush
se propose de remplacer son principal allié en Europe, en
"punissant" le premier ministre britannique Gordon Brown
pour sa décision d'amorcer le retrait des troupes d'Irak. Le rôle
de nouveau principal lobbyiste des intérêts américains au sein
de l'Union européenne (UE) serait désormais attribué à Sarkozy
qui a déjà réussi à s'illustrer en tant que bon ami des
Etats-Unis". Un ami non moins sûr qu'autrefois Tony Blair.
Il va sans dire que le qualificatif de "meilleur ami de
Washington" n'ajoutera rien à la popularité de Nicolas
Sarkozy en France. Aussi, évoquant ses plans politiques extérieurs,
le président français choisit-il très prudemment ses mots. Quoi
qu'il en soit, cela ne change rien dans les faits. Sur les deux
principales questions de politique internationale - l'Iran et le
Kosovo - il soutient ouvertement les Américains. Quant à l'Iran,
il insiste sur de nouvelles sanctions, et le Kosovo doit être indépendant,
affirme-t-il. Ce disant, Nicolas Sarkozy positionne à priori
l'attitude de la France à l'opposé de cette de la Russie.
Qui plus est, Sarkozy s'oppose ouvertement à la politique énergétique
du Kremlin: "La Russie impose son retour sur la scène
mondiale en jouant avec une certaine brutalité de ses atouts,
notamment pétroliers et gaziers". Peu après, cette déclaration
explicite a été suivie de mesures concrètes, le groupe national
Gaz de France décidant d'adhérer au projet de gazoduc
transcaspien devant contourner la Russie.
Par ailleurs, dans les relations franco-russes un autre facteur
irrite Moscou. Tant Nicolas Sarkozy que le ministre français des
Affaires étrangères Bernard Kouchner, qui a récemment visité
Moscou, ont plus d'une fois signalé aux fonctionnaires russes la
nécessité de respecter les droits de l'homme, en leur rappelant
le meurtre d'Anna Politkovskaïa et la situation au Caucase. Ils
ne cachent pas non plus leur opinion sur la situation politique en
Russie. M. Kouchner a été parmi les premiers à réagir à la déclaration
de Vladimir Poutine selon laquelle le président russe n'excluait
pas d'occuper à l'avenir le poste de premier ministre. Même la
Maison-Blanche et l'Union européenne ont qualifié cette
manoeuvre d'"affaire interne de la Russie". Mais le chef
de la diplomatie française a tout de suite repris son sujet
favori:"L'opposition, tout le monde le sait, a beaucoup de
difficultés" en Russie. Après cela, il s'est déclaré
d'accord avec la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice,
qui avait, selon lui, absolument raison d'exprimer sa préoccupation
face à la centralisation excessive du pouvoir en Russie.
Et pourtant. Si, au premier abord, il semble que plus le séjour
de Sarkozy au pouvoir se prolonge, moins la Russie et la France
ont de points communs sur les principales questions, en réalité
il n'en est rien. Au bout du compte, la France ne veut pas de
guerre en Iran, elle n'entend pas s'ingérer dans le conflit
irakien et, en dépit de toutes les spéculations, il est peu
probable qu'elle revienne un jour à la participation plein format
à l'Alliance de l'Atlantique Nord. En outre, la France est tout
à fait capable de tenir compte des intérêts de la Russie aux négociations
sur l'adhésion à l'OTAN de l'Ukraine et de la Géorgie. Et
encore. Quoique les "politologues proches du Kremlin"
parlent d'une "amitié particulière" entre Mikhaïl
Saakachvili et Nicolas Sarkozy, des sources françaises tout aussi
bien informées n'en savent rien.
On a dû effectivement oublier l'axe "Moscou-Paris-Berlin"
avec le départ tout d'abord de Gerhard Schröder et ensuite de
Jacques Chirac. Néanmoins, Vladimir Poutine a réussi à trouver
un langage commun avec Angela Merkel, bien que tout le monde ait
prédit une détérioration des relations russo-allemandes juste
à la fin de la "diplomatie du sauna et de la bière" de
l'époque Schröder. Une tâche en tout point semblable se pose à
présent aux politiques russes dans les relations avec la France,
à savoir essayer d'organiser les relations bilatérales sur la
base du pragmatisme, même sans utiliser le qualificatif
"l'ami Sarko".
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2007 RIA
Novosti
|