Opinion
Les disciples de Goebbels à l’œuvre
contre la Syrie
Domenico Losurdo
Photo:
Sana
Mardi 22 novembre
2011
Quelle est la
nature du conflit qui investit la Syrie
depuis quelques mois ? Je voudrais avec
cet article inviter tous ceux qui ont à
cœur la cause de la paix et de la
démocratie dans les rapports
internationaux à se poser quelques
questions élémentaires, auxquelles, de
mon côté, j’essaierai de répondre en
laissant la parole à des organes de
presse et journalistes qu’on ne peut
suspecter de complicité avec les
dirigeants de Damas.
1. Il convient en
premier lieu de se demander quelle était
la condition du pays moyen-oriental
avant l’arrivée au pouvoir, en 1970, des
Assad (père puis fils) et du régime
actuel. Eh bien avant cette date, « la
république syrienne était un Etat faible
et instable, une arène pour les
rivalités régionales et
internationales » ; les événements des
derniers mois signifient le retour à la
« situation précédant 1970 ». En ces
termes s’exprime Itamar Rabinovitch,
ancien ambassadeur d’Israël à
Washington, dans The International
Herald Tribune du 19-20 novembre
2011. Nous pouvons tirer une première
conclusion : la révolte appuyée en
premier lieu par les USA et l’Union
européenne risque de ramener la Syrie
dans une condition semi-coloniale.
2. Les
condamnations et les sanctions de
l’Occident et son aspiration au
changement de régime en Syrie sont-elles
inspirées par l’indignation pour la
« brutale répression » de manifestations
pacifiques dont le pouvoir se
serait rendu responsable? En réalité, en
2005 déjà, « George W. Bush désirait
renverser Bachar al Assad, alors premier
ministre »[1].
C’est ce que rapporte encore
l’ex-ambassadeur israélien à Washington,
lequel ajoute que la politique de
regime change en Syrie est
maintenant celle que poursuit aussi le
gouvernement de Tel Aviv : il convient
d’en finir avec un groupe dirigeant qui
appuie depuis Damas « le Hezbollah au
Liban et le Hamas en Syrie » et qui a
des liens étroits avec Téhéran. Oui,
« profondément préoccupé par la menace
iranienne, Israël pense qu’enlever la
brique syrienne du mur iranien pourrait
déboucher sur une nouvelle phase de la
politique régionale. Il est clair que
soit le Hezbollah soit le Hamas avancent
à présent avec davantage de prudence ».
Donc, la cible de la révolte et des
manœuvres qui lui sont connexes n’est
pas seulement la Syrie, mais aussi la
Palestine, le Liban et l’Iran : il
s’agit d’asséner un coup décisif à la
cause du peuple palestinien et de
consolider la domination néo-coloniale
d’Israël et de l’Occident dans une aire
d’importance géopolitique et
géo-économique décisive.
3. Comment
poursuivre cet objectif ? Guido Olimpio
nous l’explique dans le Corriere
della Sera du 29 octobre : à Antakya
(Antioche), dans une région turque
frontalière de la Syrie, est déjà à
l’œuvre « l’Armée syrienne libre, une
organisation qui mène la lutte armée
contre le régime d’Assad ». C’est une
armée qui a l’usufruit des armes et de
l’assistance militaire de la Turquie. De
plus -ajoute Olimpio- (dans le
Corriere della Sera du 13 novembre)
Ankara « a exercé des menaces contre la
création d’une zone tampon de trente
kilomètres en terre syrienne ». Donc, le
gouvernement de Damas non seulement doit
faire face à une révolte armée, mais une
révolte armée appuyée par un pays qui
dispose d’un dispositif militaire de
première importance, qui est membre de
l'OTAN et qui menace d’envahir la Syrie.
Quelles qu’aient été les erreurs et les
fautes de ses dirigeants, ce petit pays
est à présent l’objet d’une agression
militaire. Depuis des années en forte
croissance économique, la Turquie depuis
quelques temps montrait des signes
d’impatience à l’égard de la domination
exercée au Moyen-Orient par Israël et
les USA. Obama répond à cette impatience
en poussant les dirigeants d’Ankara à un
sous-impérialisme néo-ottoman, contrôlé
évidemment par Washington.
4. Comme il résulte
des analyses et témoignages que j’ai
rapportés, la Syrie est contrainte à
lutter dans des conditions assez
difficiles pour garder son indépendance,
elle doit dores et déjà affronter
une formidable puissance
économique, politique et militaire. De
plus, l’OTAN menace, directement ou
indirectement, les dirigeants de Damas
de leur infliger le lynchage et
l’assassinat qui ont scellé la mort de
Kadhafi. L’infamie de l’agression
devrait être claire pour tous ceux qui
sont disposés à accomplir un ne
serait-ce que modeste effort
intellectuel. Si ce n’est que, se
prévalant de sa terrible puissance de
feu multimédiatique et des nouvelles
technologies de manipulations rendues
possibles par Internet, l’Occident
présente la crise syrienne en cours
comme l’exercice d’une violence brutale
et gratuite contre les manifestants
pacifiques et non-violents. Il ne fait
aucun doute que Goebbels, le maléfique
et brillant ministre du Troisième Reich,
a fait école ; il convient même de
reconnaître que ses disciples à
Washington et Bruxelles ont même à
présent dépassé leur maître jamais
oublié.
Publié lundi 21
novembre 2011 sur le blog de l’auteur
http://domenicolosurdo.blogspot.com/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
[1]
Erreur dans la déclaration de
l’ambassadeur israélien : Bachar
al Assad n’a jamais été premier
ministre, mais directement
président de la République, à la
mort de son père. NdT.
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dossier Syrie
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