Opinion
La démission de
Berlusconi et le déclin de l'Occident
Dmitri Kossyrev
Photo: RIA
Novosti - © REUTERS/ Max Rossi/Files
Mardi 15 novembre
2011
Le premier ministre italien Silvio
Berlusconi a démissionné samedi soir,
comme cela avait été annoncé à l’avance
la semaine dernière. Cette démission
est, à l’instar de l'événement similaire
qui vient de ce produire en Grèce, une
partie du plan de sauvetage de l’une des
principales économies de l’UE. Il sera
peut-être possible de stabiliser ainsi
la zone euro et préserver l’Union
européenne de l’effondrement, mais le
départ de l’une des personnalités les
plus marquantes de l’Europe
contemporaine suggère qu’à l’avenir
l’Europe sera différente.
Qui faut-il
appeler?
Cette citation de Henry Kissinger est
déjà devenue un classique : "Qui dois-je
appeler si je veux parler avec l’Europe?
". Autrement dit, où est le véritable
leader de l’espace européen?
L’Europe traverse une crise, et pas
seulement financière. La situation est
bien plus grave. L’Europe tout entière
ne peut plus bénéficier du mode de vie
qu’elle considérait comme normal et
habituel. Elle empruntait de l’argent
pour conserver ce train de vie, et voici
le résultat.
Et dans cette situation l’Europe en tant
qu’ensemble se voit priver des
personnalités les plus marquantes qui
l'incarnaient aux yeux du public et
d’autres régions du monde. Berlusconi
était un homme politique marquant. On a
dit et on dira à son sujet beaucoup de
choses désagréables, peut-être même à
juste titre. Ses parties de campagne
avec des jeunes filles et son apparence
faisaient rire, irritaient ou
impressionnaient. La situation du magnat
de la presse devenant premier ministre
(autrement dit, contrôle à la fois le
deuxième et le quatrième pouvoir),
paraissait douteuse du point de vue de
la démocratie européenne. Et beaucoup
d’autres choses chez Berlusconi étaient
déplaisantes. Mais personne ne l’a
jamais qualifié de personnalité terne.
Quel autre personnage de type reste-t-il
en Europe? Peut-être Nicolas Sarkozy,
mais il ne sera certainement pas réélu
vu sa cote de popularité très basse.
Angela Merkel est loin d’être comme
Sarkozy ou Berlusconi, mais son règne
touche à sa fin.
Il est à noter la particularité de ces
deux dirigeants qui sont encore au
pouvoir : ils réfléchissent et agissent
dans le cadre de l’Europe, voire même
plus loin. Angela Merkel le fait de
manière souple. Mais on est habitué à
rire des initiatives diplomatiques de
Sarkozy – tantôt il tente de lier
l’Europe avec d’autres pays de la
Méditerranée, tantôt il propose de
régler les problèmes financiers
mondiaux, toujours en vain. Mais au
moins il essaye.
Mais on n’assiste même pas à un
changement de chevaux au milieu du gué,
mais les Européens semblent vouloir
troquer les chevaux pour des ânes avant
la traversée. La crise sans les leaders,
seulement avec des fonctionnaires
ennuyeux qui craignent d’irriter les
électeurs avec un mot de trop. A quoi
cela pourrait conduire?
L’Europe
entière est touchée
Lorsque la crise a tout d’abord frappé
les pays situés à la périphérie de
l’Europe
(l’Irlande, l’Islande, la Grèce), il
semblait que les pays européens touchés
étaient une exception et non pas une
règle. Mais l’Italie, c’est le cœur de
l’Europe, sans parler du fait que c’est
la huitième économie mondiale. Et voici
qu’aujourd’hui, en se préparant à la
démission de Berlusconi, le magazine
américain Foreign Policy a simplement
énuméré tous les problèmes de l’Italie.
Il est à noter que la dette publique de
2.600 milliards de dollars est citée en
tant que conséquence de ces problèmes.
L’énumération commence par la réduction
de la natalité et du nombre d’habitants,
et de cette manière l’économie ne peut
pas se passer de l’immigration. Ensuite,
le nombre de retraités est plus élevé
que celui des travailleurs, et 14% du
PIB sont nécessaires pour les premiers.
De plus, les Italiens n’aiment pas payer
leurs impôts, et Berlusconi a un jour
lui-même déclaré que les taxes étaient
si élevées qu’éviter de les payer était
un sorte de "droit inné". (Lui-même est
également accusé de fraude fiscal.)
Il y a également l’éternel problème du
ramassage des ordures, les querelles
entre le nord et le sud, la passion
excessive pour les petites entreprises
et un taux de chômage de 30% parmi les
jeunes.
Tout ce que l’on constate en Italie sont
des problèmes typiquement européens, un
étrange hybride de socialisme et
d’individualisme. Et notons que Silvio
Berlusconi, en dépit de son caractère
marquant, n’aspirait pas
particulièrement à se montrer en tant
que gestionnaire efficace et à faire
quelque chose pour lutter contre les
maux internes de la société.
D’ailleurs, Margareth Thatcher a été
probablement la seule en Europe à
concevoir la société comme un objet de
changement. Elle a impitoyablement
réduit la classe ouvrière et a
transformé le Royaume-Uni en un pays de
classes moyennes. C’était dans les
années 80. Depuis cette époque, les
sociétés européennes considéraient les
autorités comme des responsables
contractuels pour préserver le système
en l'état.
Et c’est ce qui distingue les autorités
européennes (australiennes et même
américaines) de ce qu’il est possible
d’observer dans le reste du monde. Dans
le monde, les autorités doivent tout
changer et améliorer. Dans le système
occidental c’est l’inverse. D’ailleurs,
c’est l’une des causes pour laquelle les
tentatives des Européens ou des
Américains d’exporter leurs valeurs sont
accueillies dans diverses régions avec
une incompréhension indulgente dans le
meilleur des cas.
Cette situation va-t-elle durer?
Peut-être pas.
Oswald
Spengler avait probablement raison
Ce livre est né de l’intitulé – Le
déclin de l’Occident. L’auteur en a eu
l’idée au début de la Première guerre
mondiale, en août 1914, et livre a été
publié en 1918. Il est évident que son
auteur, le philosophe allemand Oswald
Spengler (il n’était pas apprécié à
l’époque d’Hitler, mais on le laissait
tranquille) a été "inspiré" par son
époque qui a été terrible pour l’Europe.
Mais on s’en souvient toujours car il
avait prévu le véritable déclin de
l’Occident pour l’année 2000. Et s’il
avait eu raison? Bien sûr, on pourrait
dire que l’Occident se couche et se lève
périodiquement. Le XVe siècle a été un
cauchemar, au XVIe lorsque l’Europe a
commencé à conquérir le monde, sa
situation s’est améliorée.
Mais l’idée de la finitude du
développement d’une culture est
intéressante. Quelle est la situation
actuelle en Europe? Des électeurs qui
veulent que tout demeure comme la veille
et rejettent l’idée du leadership, en
répandant au lieu de cela le concept des
fonctionnaires ennuyeux qui se succèdent
et craignent de s’exprimer franchement
pour ne pas irriter le public? Cela
évoque l’époque de la stagnation sous
Brejnev.
Mais le fait est que les crises changent
beaucoup de choses. L’Europe estime
qu’actuellement en Italie et en Grèce,
le moment pour les élections ou les
référendums est mal choisi – l’électeur
a déjà fait suffisamment de mal.
En Grèce et en Italie on cherche à
nommer au poste de premier ministre des
hommes politiques représentés par
pratiquement toutes les forces
politiques. C’est une autre Europe et un
autre système politique. Et ensuite,
faut-il s’attendre à un changement dans
la manière de penser et à l’apparition
de nouveaux leaders, qui craignent
probablement à l’heure actuelle de
proposer une idée concernant la marche à
suivre pour l’Europe? Qui sait. En tout
cas, Franklin Roosevelt a été au départ
considéré comme un politicard, un as
patient du compromis et de la manœuvre,
et il n'a été considéré que bien plus
tard comme l'homme qui a sauvé les
Etats-Unis de la crise.
L’opinion de l’auteur ne coïncide
pas forcément avec la position de la
rédaction
© 2011 RIA
Novosti
Publié le 16 novembre 2011
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