Opinion
Genève II: Est-ce
pour préparer la paix ?
Djerrad Amar
Mardi 25 juin 2013
Chaque jour qui passe sur le terrain
des combats, en Syrie, révèle que la
guerre contre ce pays n’est pas ce
que l’on rabâche depuis plus de 2
années, à savoir «un soulèvement
populaire spontané » contre ses
dirigeants pour recouvrer sa dignité
et sa liberté, mais bien d’un
complot pour déstabiliser cet État,
considéré gênant les objectifs et
les visées impérialistes dans la
région.
Pour ce faire, les États-Unis, la
Grande-Bretagne, la France, le
Qatar, la Turquie, l'Arabie
Saoudites et Israël ont engagé tous
les moyens pour permettre aux
groupes armés affublés «thouar»
(révolutionnaires) - la plupart
mercenaires islamistes - pour mener
une guerre, sans merci, contre
l’État syrien et renverser son
gouvernement, dans le but
d’affaiblir l’axe de résistance, en
admettant pour cela les pires
atrocités.
Par l’origine diverse des groupes
armés islamistes, hier «terroristes»,
métamorphosés , aujourd’hui,
momentanément «révolutionnaires»
rétribués sous la fausse bannière «djihadistes» ;
par la provenance de l’armement en
leur possession ; par les objectifs
visés ; par les agissements et les
réactions des pays manipulateurs
engagés, il est indéniable que cela
obéit à un plan réfléchi, destiné à
instaurer le chaos sur une
géographie déterminée, pour ensuite
recomposer selon les désidératas et
objectifs prévus. Ce projet
américain est consacré dans ce qui
est appelé le «Grand Moyen-Orient»
auquel est intégré le projet
israélien dit «Yinon» destiné
à assurer la supériorité d’Israël.
Deux années de guerre, de
destructions de toutes natures, de
sanctions et de pressions - contre
un État souverain où tous les moyens
illégaux, même les plus immoraux et
abjects, ont été utilisés - n’ont
pas permis de venir à bout d’un
peuple résistant, d’une armée forte
et unie. Deux années sans voir
l’effondrement prévu malgré les
sommes colossales engagées par les
bailleurs arabes vassaux ainsi que
la formidable guerre médiatique
soutenues par d’éminents hommes de
cultes, corrompus, chargés de
l’endoctrinement des masses
musulmanes par la religion. L’échec
de l’aventure semble bien consommé
et les cartes jouées.
Depuis les derniers développements
avec la récupération d’Al Quseir et
de sa banlieue - localité hautement
stratégique pour les planificateurs
américano-sionistes qui devait
aboutir à la prise de Damas - par
l’armée syrienne des mains des
«insurgés», tous les calculs ont été
bouleversés et les objectifs
compromis. Avec cette récupération
surprise, suite à une offensive
‘éclair’ et décisive, de cette
petite ville où se sont solidement
concentrées les forces ''wahabo-takfiristes'',
on annonce déjà des échecs sur
d’autres fronts. Cette bataille d’Al
Quseir a été particulièrement
déterminante par l’appui, à la
frontière libanaise, des éléments du
Hezbollah qui n’ont laissé, aux
groupes armés, aucune possibilité
d’infiltration, d’exfiltration ou
d’approvisionnement. Une assistance
inattendue qui a été condamnée par
la…Ligue arabe. L’autre élément est
que l’armée syrienne a su se
convertir, en la circonstance, en
une redoutable force
contre-guérilla.
Les résultats d’Al Quseir sur le
plan militaire et tactique, avec ses
effets ravageurs sur les autres
groupes, ont créé un climat de
défaite, une situation d’impasse
mettant les groupes armés dans un
état de déroute et les
commanditaires dans une profonde
confusion. C’est donc bien les
résultats sur le terrain des combats
qui dictent ou imposent la nature
des changements.
Il ne restait que l’annonce par les
deux «Grands», les USA et la Russie,
d’une conférence «internationale»
sur la Syrie, prévue à Genève, qui
se veut l’ultime round pour sceller
cet encombrant et dangereux dossier
par la voie politique, malgré
l’agitation et les élucubrations des
autres protagonistes qui soutiennent
une solution militaire.
Tant que l’on pouvait encore
financer et remplacer les groupes
anéantis, tant que l’on disposait
encore de ‘cartes’ de pressions
politiques et économiques, tant que
les étapes du Plan tracé avançaient,
il n’était pas envisageable de
négocier quoi que ce soit. Avec la
bataille d’Al Quseir, qui avait
bouleversé, les données les
commanditaires étaient contraints,
dans la précipitation, d’adopter une
série de
manœuvres aussi insensées que
dangereuses.
Dès que les principaux groupes
armés, que domine Al Nosra, ont été
laminés ou réduits, il ne restait
aux stratèges américano-sionistes et
leurs suppôts arabo-monarchiques que
de présenter du «réchauffé» en
rabâchant les mensonges éculés, sans
preuve voire sans conviction, ou
tenter d’autres diversions et
agissements dans l’espoir de
disposer d’arguments et de moyens de
pression consistants lors cette
Conférence dite de «Genève II». Mais
le reste du monde connait ces
manœuvres, s’en méfie, les réprouve.
Voyant leurs plans foirer, on
réitère la fallacieuse histoire de
l’utilisation, par l’armée syrienne,
des armes chimiques que réfute Carla
del Ponté en affirmant que ce sont
les groupes armés qui les ont
utilisés contre l’armée syrienne et
les civils. Même la demande syrienne
d’une enquête, in- situ, de l’ONU a
été capotée par les EU qui voulaient
l’étendre à tous les endroits de
stockage éventuels de ce genre
d’armes. En dépit de toutes les
preuves filmées montrant des scènes
de préparation de ces armes par les
groupes armés, rien n’y fait, les EU
accusent l’armée syrienne en
concoctant un autre plan de
communication sur les armes
chimiques depuis la Jordanie en le
faisant coïncider avec les exercices
militaires en préparation dans ce
pays. La France a été chargée par le
biais du journal «Le Monde»
de lancer la propagande, d’en
fournir les éléments de preuves,
même inconsistantes, pour en faire
un motif d’intervention militaire
extérieure. La Russie rejette ces
accusations d’utilisation d’armes
chimiques par les troupes
gouvernementales syriennes, mais
annonce par Poutine, en conférence
de presse, lors du sommet du G8 à
Lough Erne (Irlande du Nord), que
son pays était prêt à participer à
la vérification des cas
d’utilisation de ces armes en Syrie
et à soumettre les résultats au
Conseil de Sécurité.
On tente aussi de relancer le projet
illégal et dangereux d’une zone
d’exclusion aérienne depuis la
frontière jordanienne cette fois,
qui serait de 40 km, pour permettre,
en fait, de recomposer les groupes
anéantis, faciliter l’acheminement
des armes et des ravitaillements. Ce
‘no-fly zone’, qui coûterait 50
millions de dollars/jour, sera non
seulement une violation d’un pays
souverain, s’il ne passe pas par le
Conseil de sécurité, mais est de
nature à enflammer la région, car la
Syrie sera en droit de riposter à
toute violation de son territoire et
son espace aérien sera très risqué
aux pilotes qui s’y aventureront
surtout si elle dispose des
redoutables missiles S300, en plus
de son arsenal offensif.
On relance, tambour battant, le
désir d’armer les groupes avec des
armes modernes comme si les armes
utilisées, jusque-là, venaient du
néant ! La question qui les effraye
est le risque de voir ces armes se
retournent contre eux une fois le
problème de la Syrie réglé dans les
deux cas de figure. De ce fait,
classer ‘Al Nosra’ organisation
terroriste était le seul moyen de
faire éliminer cet encombrant
groupe. L’autre crainte est de voir
aussi ces armes récupérées par
l’armée syrienne comme toutes celles
laissées par les groupes éliminés.
Au même moment, au vu des
difficultés à recruter, on fait
organiser, en Égypte, une conférence
des oulémas musulmans à leur tête Al Qaradhaoui pour, essentiellement,
lancer un appel demandant aux
musulmans du monde de venir faire le
Djihad en Syrie contre le «régime de
Bachar» ; chose qui n’a jamais été
faite contre le régime sioniste
d’Israël qui ne cesse depuis plus de
60 ans de spolier et d’assassiner
les palestiniens. Ce projet d’armer
et condamné par la Russie qui y voit
une volonté de poursuivre les
tueries et donc contraire au but de
la Conférence qui veut instaurer la
paix. La Russie réfute le pendant
fait avec sa livraison d’armes
défensives qui obéissent, selon
elle, à des contrats légaux avec un
gouvernement légitime, telles les
batteries antimissiles russes S-300
qui ne peuvent pas servir à réprimer
l’opposition armée.
Toutes ces agitations et
gesticulations ne seraient pas
apparues s’il n’y avait pas
domination par l’armée syrienne du
terrain des combats. Lorsque les
groupes armés occupaient des pans
entiers de territoire, imposant
leurs lois en martyrisant les
populations, détruisant les
infrastructures économiques,
sociales et culturelles, foulaient
des pieds les lois internationales
et la morale, l’Occident
encourageait en espérant la
généralisation du chaos sur toute la
Syrie pour le projeter à tous les
États de l’axe de la résistance avec
en ligne de mire l’Iran, mais
lorsque la situation s’est renversée
par la reprise en main des choses
par l’armée syrienne avec risque
d’anéantissement de toute la
stratégie tracée pour ce
Moyen-Orient, le voilà exhiber les
«lois internationales» pour faire
condamner la Syrie de crimes de
guerre non avérés ou commis par
leurs hommes pour en accuser
l’adversaire.
La Conférence dite de "Genève II" a
pour but de trouver une solution
politique à la crise syrienne que
soutiennent de nombreux pays. S’y
présenter sans éléments de pression
serait absurde. D’où l’activisme de
l’Occident à vouloir s'y présenter
forts d'arguments leurs permettant
de soutirer un maximum de
dividendes. Ce qui explique qu'en
même temps les Américains
s’activent, parallèlement, à vouloir
armer plus et mieux les «rebelles»
et à instaurer une zone d'exclusion
aérienne. Ce contraste ne peut que
viser à éloigner l’échéance de la
Conférence dans l’espoir, sans aucun
doute, de gagner du temps afin de
glaner des cartes de pression
politique plus avantageuses, via
leurs troupes. Un certain Driss
Salim, du commandement de l’ASL,
aurait promis de défaire les forces
armées syriennes en… six mois si
l’Occident lui fournit les armes
nécessaires. Les Américains n’étant
pas dupes, il est fort probable que
leur Plan prévoit une option plus
handicapante visant à éterniser la
présence des terroristes à
l'intérieur et autour de la Syrie en
créant un foyer permanent prêt à en
faire usage à tout moment et ce, à
défaut de la victoire immédiate
souhaitée.
Nous avons donc, après plus de deux
ans :
- Une Syrie engagée dans une guerre
sanglante contre une «rébellion»
hétéroclite composée de milliers
d’éléments étrangers soutenus
militairement et financièrement par
une coalition de pays impérialistes
pro-sionistes, la Turquie, le Qatar
et l’Arabie Saoudite appuyés par des
ONG affidées et des milieux
religieux musulmans sectaires.
- Une domination de l’armée
syrienne sur le terrain des combats
et des groupes armés, composés de
plusieurs nationalités, en
débandade.
- Un camp agresseur dans une grande
confusion et indécis qui veut armer,
pour «équilibrer les forces» dit-il,
des groupes dont il craint qu'ils se
retournent contre lui tout en
spéculant sur une intervention
militaire directe hasardeuse.
- Une Turquie d’Erdogan qui se
retrouve dans la situation de
«l’arroseur-arrosé» qui n’arrive
plus à finir sa mission de
déstabilisation de la Syrie.
- Une Égypte de Morsi - empêtrée
dans des problèmes économiques,
sociaux et institutionnels - qui se
permet de suggérer sa disposition à
assumer le rôle de la Turquie par
des signaux en coupant toute
relation avec la Syrie et en
affichant son intention d’impliquer
son armée.
Chose que les hautes
instances militaires jugent
irréalisables contre tout pays
«frère».
- Deux puissants
‘blocs’ qui s’affrontent pour un
partage d’influence et d’intérêts.
L’un croyant à la force militaire
pour pouvoir étendre son hégémonie
et l’autre qui veut montrer que le
monde n'est plus unilatéraliste et
qu’il est vain d'en nier l’évidence
au risque d’un conflit généralisé.
Il faut être aveugle pour ne pas
voir, à travers la guerre imposée à
la Syrie de l’extérieur, une volonté
de tailler à la hache toutes les
nations de la région pour les
affaiblir, les piller, les
assujettir pour des siècles de «
transition démocratique ».
Djerrad Amar
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