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Opinion
Pourquoi pas un
référendum ?
Denis Sieffert
Denis Sieffert
Jeudi 9 septembre 2010
Au soir de l’impressionnante journée de mobilisation
de mardi, nous sommes sans doute nombreux à poser la même
question : et maintenant ? Personne n’est en effet assez
naïf pour imaginer que le gouvernement, prenant acte du
nombre de manifestants qui ont battu en rangs serrés le pavé
de nos villes, va aimablement rendre les armes. Pas même
sous la forme apaisée de l’ouverture d’une négociation. Il
ne le fera pas pour deux raisons. L’une est souvent, et à
juste titre, invoquée dans les commentaires : ce serait pour
Nicolas Sarkozy une défaite personnelle qui hypothéquerait
gravement ses chances pour 2012. L’autre est plus profonde.
La réforme des retraites va en effet bien au-delà de ce que
ces deux mots suggèrent.
C’est une commande du Medef, et elle constitue la matrice
d’une offensive sociale généralisée. Elle codifie un nouveau
rapport de force qui aggraverait dans tous les secteurs de
la société les déséquilibres et les injustices en les
inscrivant dans la loi. Le « sarkozysme » faillirait donc à
sa mission s’il renonçait après une journée de
manifestations, fût-elle d’une ampleur exceptionnelle.
La défaite ne serait pas seulement celle d’un homme et d’un
gouvernement, mais d’une caste et d’une classe. Nous sommes
ici dans le dur de la réalité sociale. Dans cette zone où
Nicolas Sarkozy ne s’appartient plus tout à fait. On ne
bougera donc pas de ce côté. Ce qui revient à dire que notre
question, celle qui est sur toutes les lèvres après la
journée de mardi, s’adresse à la gauche politique et
syndicale, et à elle seule. Oui, et maintenant ? Quand vous
lirez ces lignes, vous aurez déjà une petite idée de la
réponse. Selon la proximité ou l’éloignement de la prochaine
journée de manifestation, on mesurera la détermination des
directions syndicales. Celles-ci devaient, mercredi matin,
fixer la date du prochain rendez-vous dans la rue. Mais il
ne faut pas s’y tromper : les enjeux étant ce qu’ils sont,
il faudra placer très haut la barre de la mobilisation pour
espérer obtenir un recul du gouvernement. Car c’est
finalement un trait singulier de nos institutions qu’il
convient de méditer. Celles-ci ne connaissant en vérité
qu’une seule élection – celle du président de la République
au suffrage universel direct –, et cette élection se jouant
de plus en plus grossièrement à l’émotion, l’exécutif peut
agir sans l’ombre d’un mandat. Et les institutions ne nous
proposent aucun recours. Aurions-nous seulement à notre
portée des élections de mi-mandat, comme aux États-Unis, que
le gouvernement serait contraint de prendre en considération
la colère populaire. Faute d’une telle échéance, c’est la
rue, et elle seule, qui peut entraver le projet
gouvernemental. Notre système, qui concentre tout sur une
présidentielle qui se gagne à coups de slogans approximatifs
et anxiogènes, invite à la brutalité des rapports sociaux.
D’autant plus que, depuis 1958, aucun président n’a jamais,
à ce point, abusé de ce pouvoir conquis à l’esbroufe. En
témoigne le mépris avec lequel il traite ces jours-ci la
représentation, parlementaire, imposant un débat précipité
mené par un ministre moralement disqualifié.
C’est à ce dilemme que se trouve confrontée la gauche
aujourd’hui. Plusieurs voix se sont élevées pour demander un
référendum. Ce serait en effet une réponse à la carence
démocratique de notre système. Même au PS l’idée a ses
(rares) partisans. Elle a aussi quelques adversaires
résolus. Tant de considérations entrent en jeu ! Ne
serait-ce que la hantise de devoir prendre des engagements
au cas où le PS viendrait à gouverner en 2012. Qui jurerait
aujourd’hui que M. Strauss-Kahn, si c’était lui (et pour ne
parler que de lui), ferait une politique des retraites très
différentes de celle de M. Sarkozy ? Qui oserait affirmer
que le directeur du FMI représenterait des intérêts
différents de ceux qu’incarne l’actuel président de la
République ? Pas nous, en tout cas.
C’est donc naturellement du côté du Front de gauche et de
Jean-Luc Mélenchon que l’idée d’un référendum est affirmée
avec le plus de force et de constance. Bien entendu, elle ne
s’oppose pas à la nécessité d’une mobilisation puissante et
prolongée. L’une est même l’absolue condition de l’autre.
Syndicats et partis politiques pourraient ainsi jouer chacun
leur partition. Les premiers maintenant la pression de la
rue, et les autres proposant une sortie démocratique de la
crise. En dépit de l’immense succès de la journée de mardi,
nous n’en sommes pas encore là.
Politis à la fête de l’Huma
Comme toujours, nous serons à la fête de l’Humanité,
qui se tient vendredi, samedi et dimanche dans le parc
départemental de La Courneuve. Notre stand sera dans le
« Village du livre ». Nous offrirons à nos lecteurs qui
veulent rencontrer la rédaction un pot amical dimanche midi.
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