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Au-delà de la conférence d’Annapolis
Denis Charbit

5 décembre 2007

La Conférence d’Annapolis aura été marquée par une déclaration commune de Mahmoud Abbas et Ehoud Olmert, promettant de s’engager dans des négociations immédiates destinées à mettre un terme au conflit pour la fin 2008. Une initiative déjà condamnée par le Hamas.

Rien de bien neuf au Moyen-Orient. Lorsque c’est la guerre, nous ne lésinons pas sur les moyens : cela saigne à flots, et l’histoire est faite alors de cette matière dont Shakespeare a composé ses tragédies et Churchill ses discours : du sang, de la sueur et des larmes. En revanche, lorsqu’il s’agit de résoudre le conflit, le climat est semblable à l’ambiance qui règne dans les pièces de Tchekhov : derrière le maquillage, les rides craquent, derrière les bons mots et la bienveillance, surgissent le scepticisme et le cynisme. Amertume, déception, ennui, le cœur n’y est plus, et l’idéal a les ailes coupées. Simulacre, illusion, le spectacle d’Annapolis n’aura-t-il été que le théâtre des apparences ?
Avant même l’ouverture du Sommet, chacune des deux parties préparait son alibi. Personne n’entend endosser le mauvais rôle, et surtout pas les Palestiniens qui, à leurs risques et périls, sont apparus comme les principaux responsables de l’échec du Sommet de Camp David en 2000. Ô certes, on ne dira pas qu’Olmert s’est rendu à Annapolis à reculons, comme ce fut le cas d’Yitzhak Shamir lors de la Conférence de Madrid. Mais les relations extérieures se décident, non en vertu de l’intérêt national, mais en fonction de l’état de la coalition et de l’opinion. Avigdor Liberman et Eli Ishaï à sa droite plombent la marge de manœuvre du Premier ministre tandis qu’Ehoud Barak, en dépit de l’électorat qu’il est censé représenter, s’est bien gardé d’apporter son appui à l’initiative diplomatique.

Crise de confiance
Quant à l’opinion publique, et plus particulièrement cette partie de l’opinion que l’on appelle depuis des lustres le « camp de la paix », elle a brillé par son absence et son mutisme. Une pétition ici, une lettre ouverte là, un débat public ici ou là, bref une piètre moisson. Ce n’est pas là de sa part un signe d’indifférence, mais l’expression tangible du doute relatif à la crise de confiance et l’absence de crédibilité des leaders actuels d’Israël. Olmert peut bien avoir de la bonne volonté, il n’est pas tenu pour l’homme de la situation. Si peu d’Israéliens ont estimé que Sharon avait conçu son plan de désengagement pour échapper à la justice, ce machiavélisme-là, attribué à Olmert, lui sied bien plus. C’est qu’il n’a pas grandi dans le giron du Parti travailliste, pas plus qu’il ne s’est usé la voix dans les rassemblements de « La Paix Maintenant ». Sharon avait su séduire cette opinion en préconisant une mesure concrète, fut-elle d’envergure limitée : le démantèlement des implantations de la bande de Gaza. Que peut bien faire Olmert pour se hisser à la hauteur de celui dont il a pris la difficile succession ? Exactement le contraire : une mesure potentielle, symbolique, mais d’une grande portée. Autrement dit, un accord de paix sur tous les sujets qui font le contentieux israélo-palestinien : frontières, implantations, Jérusalem, réfugiés, mais dont l’exécution serait liée aux conditions politiques régnant dans les Territoires et par l’envoi d’une force internationale pour renforcer la police palestinienne incapable de faire le poids face au Hamas, à l’instar du modèle appliqué en 2006 au Sud-Liban.

Ambiguïté israélienne
Ce n’est pas la Conférence d’Annapolis en elle-même qui compte : Sharm-El-Sheikh, Taba, Akaba, on en a connu et on en verra d’autres de ces cérémonies rituelles; ce n’est pas même la fameuse déclaration commune visant à mettre un terme définitif au conflit d’ici fin 2008 qui importe. Il suffit que les protagonistes aient repris les négociations et alors, qu’ils s’engagent solennellement et impérativement à ne les interrompre que lorsqu’elles auront abouti à l’accord espéré; autrement dit, plus aucun attentat palestinien, plus aucun bombardement israélien qui frapperait des civils ne pourront plus freiner ou suspendre la poursuite des négociations.
Aujourd’hui, ce ne sont plus les intentions de Mahmoud Abbas qui suscitent la méfiance, mais sa faiblesse. Que les conditions ne soient pas actuellement remplies pour mettre à exécution l’accord hic et nunc, soit. Mais si son accomplissement peut être différé avec consentement de l’autre partie, sa rédaction ne peut plus attendre. Outre le gain diplomatique qu’Israël y gagnerait, un accord en bonne et due forme n’offrirait-il pas à Mahmoud Abbas -s’il souhaite se représenter- ou bien à son successeur -s’il désigne un dauphin- les moyens non seulement d’assurer son élection, mais de donner à cette victoire la légitimité populaire dont on ne sait plus depuis la victoire du Hamas de quel côté elle se situe ? Il est temps que l’ambiguïté israélienne cesse et que le gouvernement annonce la couleur. Même si une troisième intifada n’est pas aussi imminente et automatique que le prévoient ceux qui redoutent l’échec de ces nouvelles négociations, l’inquiétude croît.

***

Un dialogue sans concessions
Le dialogue politique avec les Palestiniens n’est pas aussi récent qu’on le croit et n’a pas commencé avec les conversations secrètes menées alors par Yossi Beilin avec le soutien discret de Shimon Peres en 1992. Bien avant la création de l’Etat d’Israël, Ben-Gourion multipliait les échanges avec les leaders arabes de Palestine qui ne furent pas tous unis comme un seul homme derrière le mufti de Jérusalem. Plus audacieux encore, les élites politiques et intellectuels réunis au sein du Brit-Shalom élaboraient des plans fédéraux et confédéraux conjointement avec des responsables politiques de la partie adverse. Il est vrai toutefois que le charisme du mufti, la confusion de ses fonctions politiques et religieuses ont vite fait de balayer l’impact de toute opposition dressée sur son chemin. Même s’il fut de courte durée, le plan de partage de 1947 fut la consécration de ce qu’il faut bien considérer comme une option palestinienne.
Le principe de deux Etats pour deux peuples allait avoir la vie dure, même si l’Histoire se montre rebelle à le réaliser. Désespérant de trouver un interlocuteur palestinien capable de consentir à la revendication minimum d’un Etat-nation pour les Juifs, le nouvel Etat d’Israël se mit en quête de partenaires de substitution. Le nationalisme palestinien étant de constitution récente, ayant atteint les élites sans avoir touché pleinement les masses, on imaginait encore possibles son absorption et sa récupération par des leaders voisins, au premier rang desquels les chefs de la Transjordanie, les rois Abdallah et Hussein de Jordanie. Exit l’option palestinienne et bienvenue à l’option jordanienne. Lorsqu’en 1949, à Lausanne, des notables prièrent la délégation israélienne de soutenir le principe d’un Etat arabe de Palestine à côté d’Israël, ils furent éconduits faute de représentativité. La guerre des Six-Jours ne fit qu’accentuer cette tendance. Face à un nationalisme palestinien trempé au radicalisme révolutionnaire et tiers-mondiste et préconisant la destruction d’Israël, il fallut la clairvoyance de deux ministres du gouvernement Rabin, Victor Shemtov et Aharon Yariv, pour poser les conditions d’un futur dialogue politique avec l’OLP : l’abandon de la Charte et de la lutte armée. L’option palestinienne renaissait. Il fallut passer néanmoins par l’épreuve de la guerre du Liban et la première intifada pour que le gouvernement israélien ad-mette enfin que le sort des Palestiniens devrait être déterminé par une négociation avec une représentation politique palestinienne. L’OLP n’était pas encore explicitement désignée, mais ce n’était là qu’une question de temps. Les conversations secrètes présidées par Pierre Mendès-France au milieu des années 1970 ne furent pas vaines, même si elles n’ont abouti que vingt ans après : Israël reconnaissait l’OLP comme unique représentant du peuple palestinien tandis que l’OLP reconnaissait l’Etat d’Israël. La méfiance fut-elle pour autant définitivement brisée ? Les représentations de l’adversaire ont peu changé : pour les Israéliens, les Palestiniens souhaitent encore et toujours le retour au statu quo ante avant l’arrivée des sionistes tandis qu’aux yeux des Palestiniens, les Israéliens n’ont nullement renoncé à étendre leur domination sur l’ensemble de la Palestine mandataire. Et pourtant, ce bloc de méfiance n’échappe pas à l’érosion grâce aux liens tissés et aux ponts érigés au-dessus de la violence.

© CCLJ 2005
Publié le 6 décembre 2007 avec l'aimable autorisation du CCLJ



Source : CCLJ
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