Opinion
Tenter de démêler le
vrai du faux, au fil de l'info...
Daniel Vanhove
Samedi 4 septembre 2010
La concentration des médias dominants entre
les mains de quelques groupes privés est un réel danger pour
la démocratie. Et si certains citoyens commencent à le
comprendre, il n’en demeure pas moins que ces médias
continuent à faire la pluie et le beau temps, en fonction
des intérêts qu’ils poursuivent. Intérêts économiques la
plupart du temps, mais intérêt idéologique également,
puisque par la pérennité de leur idéologie, les intérêts
économiques poursuivis pourront se développer d’autant plus
aisément.
Ainsi, ces derniers mois, que ne lit-on,
n’entend-on ou ne voit-on dans ces mêmes médias, à propos de
la situation au Moyen-Orient !? Entre les menaces –
supposées – d’un Iran nucléaire et celles – réelles – d’une
déflagration majeure qu’entraînerait son attaque ; le
retrait d’Irak de l’armée américaine n’y laissant plus
« que » 50.000 hommes malgré la
recrudescence des attentats dans un pays qu’ils ont ruiné ;
le Pakistan dévasté par les inondations mais secouru par
largage de colis humanitaires par ceux-là mêmes qui en
poursuivent le bombardement avec leurs drones ; l’accrochage
meurtrier à cause d’un arbre à la frontière libanaise, ou
encore la polémique suscitée par la reprise des pourparlers
directs entre un 1er ministre sioniste allié à une extrême
droite profondément raciste et un président palestinien
agissant sans mandat… comment s’y retrouver ?
Devant le flot d’informations apparemment
contradictoires, ces mises en scène – car, c’est bien de
cela dont il s’agit – visent pourtant toutes le même
objectif : asseoir et conforter encore et toujours la loi du
plus fort, de la pensée dominante et tenter de brimer la
voix des peuples bien que majoritaire mais privée de moyens
équivalents pour se faire entendre, aux seules fins d’en
tirer un maximum de profits.
Ainsi, lorsqu’en l’espace de quelques jours
sont exploitées l’image de la jeune Aisha défigurée, celle
de Sakineh qui risque la lapidation, ou tout récemment celle
d’Ebrahim, jeune homosexuel menacé de pendaison, afin de
mobiliser l’opinion publique à l’encontre des régimes
politiques qui utilisent de telles méthodes, ne devrait-on
pas s’interroger sur l’absence de mobilisation de cette même
opinion face aux massacres quotidiens auxquels s’adonnent
nos « forces coalisées » dans ces mêmes
pays qu’elles prétendent vouloir « libérer »
et qui ne font l’objet que d’un entrefilet dans les médias ?
Au-delà des drames qu’ils constituent, cette focalisation
sur ces cas particuliers, scrupuleusement identifiés,
n’est-elle pas une manipulation pour nous donner bonne
conscience et nous indiquer ainsi que malgré nos
interventions à coup d’armes de destruction massive contre
des populations démunies de l’élémentaire – eau,
électricité, nourriture, habitat, médicaments, soins – nous
n’aurions pas perdu notre sens altruiste – et qui à vrai
dire, escamote de la sorte notre mentalité toujours
imprégnée d’un esprit colonial ? Nous soucier soudain de ces
cas parmi des milliers d’anonymes que nous ignorons la
plupart du temps nous dédouanerait-il de nos méfaits et de
notre indifférence coutumière !? Nous sauverait-il notre
restant d’âme !? La belle affaire ! Et surtout, la
magistrale hypocrisie : il est effectivement plus facile de
brandir ces cas particuliers et d’ignorer la loi du grand
nombre que l’on continue à asservir et massacrer avec nos
redoutables technologies… au point d’en rendre impossible
par la suite l’exploitation des corps déchiquetés,
pulvérisés, méconnaissables en Une de magazines à
sensations… Nous voilà de la sorte, parvenus à stigmatiser
sans sourciller, la « barbarie » de l’un
ou l’autre cas… pour mieux cacher la nôtre qui poursuit ses
largages de bombes à fragmentation, au phosphore, à
l’uranium appauvri quand ce n’est pas ses mines
antipersonnel qui continueront à tuer des innocents une fois
que nos « boys » auront plié bagages et
rentreront au pays en héros, fiers du
« travail accompli ». Se sentir appartenir à cette
société-là ne tient plus d’un mauvais rêve, mais d’un vrai
cauchemar !
L’autre évènement qui devrait retenir notre
attention dans la manipulation de l‘information est la
dernière attaque de la résistance palestinienne à l’encontre
de quatre colons israéliens dans la région de Hébron, au sud
de la Cisjordanie. Comme toujours dans pareil cas,
l’information qui nous est relayée en boucle souligne la
sauvagerie de l’agression face au chagrin inconsolable de la
communauté endeuillée. Nulle part n’entendrez-vous que
quelques heures auparavant, une poignée de colons de cette
même région de Hébron a mitraillé une dizaine de
Palestiniens travaillant dans leurs champs. Après tout, ce
fait divers est courant sinon quotidien. Et que sont ces
Palestiniens, autrement dit ces Arabes, face aux pieux
israéliens établis là pour expier nos crimes et
« parce que Dieu leur a donné cette terre » !?
Et nulle part non plus, n’est signalé que Hébron est
probablement la ville palestinienne où sévissent les colons
les plus radicaux que l’on puisse trouver en Palestine – en
vérité, de vrais timbrés ! Tous ceux qui se sont rendus dans
la région peuvent en témoigner. Comme nulle part non plus
n’est rappelé par ces médias tellement consciencieux que
TOUTES les colonies ont été déclarées illégales par l’ONU.
En revanche, il ne faut pas longtemps pour qu’ils insistent
sur le soutien de cette action par les diverses
organisations de résistance – traitées, cela va sans dire,
de « terroristes » – et dans le même
temps, sa condamnation par les autorités officielles…
s’abstenant de blâmer la présence de ces colons à cet
endroit !
Et à bien lire ces condamnations répétées,
que peuvent encore faire les Palestiniens ?
- Ils ne peuvent ni fomenter des attentats
kamikazes à cause du risque de tuer des civils – nous seuls
y sommes autorisés avec nos armes redoutables… sous prétexte
d’apporter la « civilisation » en pays
barbares ;
- Ni envoyer des roquettes à l’aveugle, lié
au même risque de tuer des civils – nous seuls sommes
habilités pour ce genre d’opération et à l’aide de nos
drones… nous ne laissons que des « dommages
collatéraux » ;
- Ils ne peuvent pas s’opposer au vol de
leurs terres par la poursuite de la construction du Mur –
qu’une large majorité de pays a bien décrété comme illégale,
via la Cour Internationale de Justice de La Haye en 2004…
mais dont nous sommes toujours incapables d’ordonner
l’arrêt ;
- Il leur est interdit de s’armer pour se
défendre d’une occupation que la Communauté internationale
reconnaît pourtant comme illégale à travers de multiples
Résolutions onusiennes… inappliquées ;
- Sans parler de Gaza, ce laboratoire où ils
sont encagés tels des rats, et où l’occupant y expérimente
le pire, les obligeant d’ailleurs à creuser des galeries
pour survivre sans qu’aucun Etat occidental n’ait le courage
de condamner sans la moindre ambiguïté l’entité sioniste
pour l’ignominie de ses crimes ;
- Ils peuvent tout au plus défiler
pacifiquement, et encore, en évitant le jet du moindre
caillou vers l’armée d’occupation… sous peine de finir dans
les geôles israéliennes pour quelques années ;
- Et ils sont en outre, priés de garantir la
sécurité de l’occupant en traquant tous ceux qui veulent lui
résister – ce à quoi s’emploie très bien les représentants
de l’autorité palestinienne du président non élu M. Abbas…
transformés ainsi en collabos actifs.
Et derrière les blabla d’un
processus-de-paix-de-papier, à quoi assiste-t-on ? A rien
d’autre que la poursuite quotidienne de la colonisation de
la Palestine par l’entité sioniste avec à la clé, un énième
round de négociations dont tout le monde sait que les dés
sont pipés d’avance. L’âne palestinien Abbas pousse donc son
vieux museau vers le bœuf Netanyahu dont il sait ne rien
devoir attendre. Pourquoi l’âne, me direz-vous ? Parce qu’il
n’y a qu’un âne que l’on fait avancer avec une carotte d’une
main, et le bâton US de l’autre ! Et pourquoi le bœuf
alors ? Parce que le 1er ministre sioniste me semble en
avoir l’attitude grossière. Mais cette fois, ceux-là ne
seront pas penchés sur un nouveau-né. Ils ne pourront que
constater l’avortement programmé d’un Etat croupion qui ne
s’établira jamais sur les quelques parcelles émiettées que
lui destine l’occupant obtus du bout de ses naseaux.
Daniel Vanhove –
Observateur civil
Auteur
02.09.10
© LE GRAND SOIR - Diffusion non-commerciale
autorisée et même encouragée.
Merci de mentionner les sources.
Publié le 4 septembre 2010
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