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Ha'aretz

Une rebuffade de Ségolène Royal
Daniel Ben Simon

in Ha’aretz (version anglaise)
http://www.haaretz.com/hasen/spages/797420.html

Ce fut un moment particulièrement embarrassant. Le décor : la réception de l’Hôtel King David, à Jérusalem. Les acteurs : le porte-parole de Ségolène Royal, Julien Dray, et un représentant du CRIF, l’organisation parapluie de la communauté juive de France.

« Je n’ai rien à vous dire ! », lança un Dray ulcéré au représentant juif stupéfait.

« Vous avez vendu votre âme à l’autre camp ; vous n’avez rien à faire ici. Retournez chez votre pote Nicolas [Sarközy] : c’est lui, votre propriétaire ! »

Le représentant du CRIF tentait de convaincre Dray, en y mettant toute son énergie, que son organisation est en train d’adopter une position de stricte objectivité [sic] en ce qui concerne la compétition électorale en France. Mais Dray est resté inflexible :

« Vous allez payer très cher votre racolage unilatéral », se mit-il à hurler. « Ségolène sera président(e) ( ?), et vous allez devoir vous mettre à genoux, quand vous souhaiterez qu’elle vous reçoive ! ! »

Cet incident s’est produit dimanche matin, quelques minutes avant la conversation qu’allait avoir Royal avec des journalistes au sujet de ce qu’elle considéra comme une visite réussie en Israël. Dray, influent parlementaire du parti socialiste, exprimait la colère qui s’était accumulée dans le camp royaliste à l’encontre de la communauté juive, et en particulier contre l’organisation dirigée par Roger Cukierman [Cookie, pour les intimes : le CRIF… ndt]

Que les juifs en tant que communauté organisée aient juré allégeance au candidat de la droite, Sarközy, c’est un secret de polichinelle.

A la moindre occasion, Sarközy les rencontre et les consulte. A chaque opportunité, ils manifestent leur enthousiasme pour lui, afin de bien montrer qu’ils le soutiennent dans sa course à la présidence.

C’est la raison pour laquelle Royal n’a pas accepté une invitation à rencontrer les responsables du CRIF, au cours des derniers mois écoulés.

C’est aussi la raison pour laquelle elle a ignoré [royalement !] leur existence quand elle a décidé, à la dernière minute, d’aller faire un tour en Israël, et c’est enfin la raison pour laquelle le porte-parole du PS [Juju Dray] a eu vis-à-vis du représentant du CRIF l’attitude qu’on adopte généralement vis-à-vis d’un pestiféré.

Par le passé, des dirigeants français qui avaient l’intention de venir en visite officielle en Israël emmenaient dans leurs bagages un représentant du CRIF, afin de démontrer leur accointances avec les juifs. Royal est venue en Israël avec sa propre cour, et elle a laissé les responsables du CRIF dans leurs bureaux, à se ronger les sangs.

Ceux-ci, dans un premier temps, l’avaient snobée, voyant en elle un électron libre venu se perdre dans une bataille de titans. Par la suite, tandis qu’elle commençait à monter en puissance, ils envoyèrent des estafettes dans son camp, afin d’étudier les conditions d’une trêve, voire plus si affinités.

Quand Ségolène battit à plate couture les mecs de son camp, dès le premier tour [des primaires du PS], les responsables du CRIF prirent conscience qu’ils avaient misé sur le mauvais cheval. S’étant remis du choc de la victoire de Ségolène, ils n’en demeuraient pas moins convaincus que leur alezan, Sarközy, la coifferait au poteau, les doigts dans les naseaux. Mais aujourd’hui, les derniers sondages montrent une course extrêmement serrée, avec un léger avantage pour [la pouliche] Royal.

Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu ; qu’allons-nous faire ? Ils essaient de négocier une retraite élégante et de signaler au camp de Royal que les juifs, en réalité, n’ont pas encore décidé de qui, à leurs yeux, est le candidat préférable. Il est toutefois possible que le racolage du CRIF en faveur de Sarközy ait d’ores et déjà créé une profonde crise de confiance avec le camp royaliste…

C’est toujours ainsi que les choses se passent, dès lors que la France est confrontée à des décisions majeures : les juifs font de leur mieux pour sembler neutres. Dans une tentative désespérée de ne pas être confondus avec les forces politiques dirigeantes, ils se sont toujours efforcés d’adopter une politique de portes ouvertes dans leurs contacts avec les deux principaux partis politiques français [l’UMP et le PS, ndt]

Récemment, toutefois, ils ont été piqués par un vif désir de rivaliser avec l’American Israel Public Affairs Committee [AIPAC : le principal lobby pro-israélien, aux Etats-Unis, ndt]. Depuis des années, ce lobby américain se dresse, tel une fortification défendant les faucons israéliens. Les caciques de la droite sont fêtés en héros, à ses conférences, tandis que les personnalités de gauche quémandent – en vain – l’égalité de traitement en la matière.

Les responsables du CRIF ont donc franchi un pas, et ils n’ont pas tardé à comprendre qu’il y avait un prix à acquitter. « Il ne nous était encore jamais arrivé de ne pas avoir d’excellents rapports avec une personnalité clé dans le staff électoral d’un quelconque candidat », a reconnu une haute personnalité de l’organisation. C’est la raison pour laquelle ils tentent d’effectuer un pèlerinage en direction de Julien Dray, dans l’idée que celui-ci leur débroussaille une piste vers le cœur de la candidate… Toutefois, Dray, juif déclaré et partisan fanatique d’Israël, et dont le frère exerce la médecine ici [en Israël, ndt], leur a carrément tourné le dos.

Rien d’étonnant, par conséquent, que les premiers à lancer des accusations contre Royal à la veille de sa visite en Israël aient été les responsables du CRIF. Alors que les cercles officiels israéliens ont passé l’éponge sur les gaffes de la candidate au Liban, y voyant les erreurs d’une novice, les responsables du CRIF l’ont attaquée pour avoir osé rencontrer un député du Hezbollah. Le CRIF a publié une déclaration de condamnation absolument abracadabrantesque, dans laquelle il rappelait à Royal que l’organisation chiite est responsable de massacres de masse et que sa chaîne de télévision propage l’antisémitisme. Dans une guerre, tout fait ventre – et les deux camps aiguisent leurs couteaux, en prévision d’une poursuite des combats…

Cette situation n’est pas « bonne pour » les juifs de France, ni pour Israël, ni pour les relations entre les deux pays.

[C’est dommage…], le CRIF avait acquis son prestige en s’étant montré un pont enjambant largement les eaux tumultueuses de la vie politique française. C’est la raison pour laquelle les sages du pays, quel que soit leur camp, se donnaient la peine d’accepter la moindre de ses invitations à s’afficher devant ses membres, car ils savaient que l’organisation juive était une institution française qui s’élevait au-dessus de la mêlée politicienne…

Mais il y a encore un autre risque inhérent à cette situation. Quand l’alliance entre les juifs et le candidat de la droite à la présidentielle sera un fait coulé dans le béton, les électeurs de culture musulmane se rallieront massivement à la candidate socialiste, afin de faire contrepoids aux juifs.

Dans exactement la même mesure où les juifs attendent un renvoi d’ascenseur pour leur soutien à Sarközy, les musulmans attendront un échange de bon procédés pour leur soutien à Royal.

Si cela se produit effectivement, la distance entre les deux communautés, dont il faut être conscient qu’elles sont déjà en froid, pourrait encore s’accentuer.

 

Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier et révisé par Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de toute reproduction, à condition de respecter son intégrité et de mentionner auteurs et sources.

 


Source : Silvia Cattori


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