Afrique
Afrique : Missions
d'espionnage privées américaines
Craig
Whitlock
Photo: Ben
Curtis - AP
Jeudi 21 juin 2012
(revue de presse: traduction et
synthèse* - Washington Post, 15/6/12)
Sous un soleil de
plomb, quatre avions de passagers, de
couleur blanche, sont garés devant un
hangar, sans aucun marquage, à
l’exception du numéro d’immatriculation
US. Ce sont des Pilatus 12,
appareils préférés des forces spéciales
américaines en raison de leur apparence
ordinaire. Rien n’indique qu’ils
disposent de senseurs hypersensibles et
de caméras pouvant filmer à 10 kms de
distance des cibles de la taille d’un
homme.
Les Etats-Unis
sous-traitent, depuis quelques années,
leurs missions d’espionnage à des
compagnies privées qui fournissent tant
les appareils que les pilotes, les
mécaniciens, les personnels capables
d’interpréter les informations
électroniques collectées au-dessus de
l’Ouganda, du Congo, du Sud-Soudan, du
Tchad et de la République Centrale
Africaine. Cette pratique est la pierre
angulaire des activités secrètes des
militaires US sur le continent africain,
dans cette région et en Afrique du nord
où un programme de surveillance a pour
cible les affiliés d’Al-Qaïda.. En
octobre dernier, Obama a envoyé 100
soldats d’élite en Afrique centrale pour
ratisser le terrain à la recherche de
Joseph Kony, le chef de l’Armée de
Résistance d’Ouganda dans le cadre d’une
opération nommée Le Sable de
l’éléphant, mais les compagnies
américaines ont, depuis plus longtemps,
depuis 2009, traqué Kony depuis le ciel.
Le Haut
commandement US en Afrique qui contrôle
les opérations militaires refuse de
discuter les missions spéciales ou les
raisons de cette sous-traitance et
considère que si quelque chose dérive,
les sous-traitants sont seuls
responsables. Pour le commandement, «
ils recevront la même assistance que
n’importe quel citoyen américain, s’ils
devaient être en danger ».
Il existe des
précédents à cette sous-traitance. Les
militaires ont eu recours à de telles
compagnies pour une surveillance
aérienne en Amérique Latine dans les
années 1990 et au début des années 2000,
avec parfois des résultats désastreux.
Des conséquences
graves
En 2003, par
exemple, un Américain et trois autres
furent pris en otage par les guérillas
colombiennes après que leur avion se fut
écrasé dans la jungle. Ils travaillaient
pour Northrop Grumman pour le
programme anti-narcotique du Département
de la Défense et restèrent cinq ans en
captivité. Peter W. Singer, du
Brookings Institution, explique que
le Pentagone cherche ainsi la
possibilité de « pouvoir nier »
mais ajoute que cela « ne se termine
jamais comme ça ». Et les compagnies
opérant au sein de cette mission en
Afrique craignent que « tout accident
survenant à un appareil pourrait avoir
des conséquences graves, du type
prisonnier/otage, ou pire, si les forces
hostiles arrivent sur le lieu en premier
mais pourrait aussi affecter
sérieusement AFRICOM et les Américains
» écrit un technicien de technologie
aérienne d’une compagnie de défense
d’Oklahoma.
Quand Tusker Sand a
été initié fin 2009, ce programme ne
disposait que d’un seul PC12 dans
le hangar militaire à l’aéroport
d’Entebbe qui abrite aussi un appareil
Gulfstream pour les déplacements
du président Yoweri Museveni.
L’appétit du
Commandement US pour la surveillance
s’est vite fait sentir. Le 11 juin 2010,
le commandement africain a participé à
une « Journée de l’Industrie » en
Ouganda pour attiser l’intérêt de plus
de 50 sous-traitants qui y participèrent
et furent invités à développer les
programmes de Tusker et de Creek Sand ,
destiné à Al-Qaïda au Maghreb
islamique, à partir du Mali en
fournissant quelque 44 personnes, tous
des vétérans en tous domaines, afin de
ne pas nécessiter une période de
formation ou un stage de survie, et
plus, si le Commandement en Afrique
désirait pousser encore plus les
opérations. C’est ainsi que le nombre de
vols de surveillance a considérablement
augmenté.
Tusker Sand a, de
plus, reçu un soutien sans précédent de
la part du Sénateur républicain J.M.
Inhofe (Oklahoma), en mars
dernier demandant à l’administration
Obama de fournir au Commandement
Africain tous les « moyens » en
termes de surveillance aérienne et
d’équipement pour capturer Kony et pour
d’autres missions de contre-terrorisme.
Il a depuis reçu toutes les assurances
que son message a été entendu : la
Commission des services armés du Sénat a
autorisé qu’une somme de 50 millions de
dollars soit attribuée au Département de
la Défense pour « étendre et
améliorer » l’assistance aux forces
ougandaises et régionales dans cette
traque sans qu’aucune critique ouverte
ne soit faite à l’utilisation de
compagnies privées dans cette optique
sauf une référence liminaire dans le
texte de la loi au rôle primordial des
compagnies privées d’espionnage «
dans la collecte d’informations pour une
chasse à l’homme qui s’avère, sans
aucune raison, très onéreuse et ne
satisfait pas aux besoins des forces
militaires ».
* Traduction et
synthèse: Xavière Jardez
Texte original:
http://www.washingtonpost.com/...
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 21 juin 2012 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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