Depuis la
parution, le 16 mai, de l’article du
Washington Post sur un afflux
d’armes aux forces d’opposition
syriennes, le projet du gouvernement
Obama d’une guerre par procuration
contre la Syrie est devenu encore plus
évident.
Le Post
a dit que parvenait aux opposants « une
quantité nettement plus importante
d’armes plus puissantes, financée par
les pays du Golfe persique [Arabie
saoudite et Qatar] et coordonnée en
partie par les Etats-Unis, » sur la base
d’une perspective selon laquelle «
l’expansion d’une confrontation armée
était inévitable. »
L’Arabie
saoudite et le Qatar ont envoyé des
armes avec l’approbation de Washington
qui jouit de « vastes contacts avec les
forces d’opposition pour procurer aux
pays du golfe des évaluations de la
crédibilité des rebelles et de
l’infrastructure de commandement et de
contrôle. »
Une source
additionnelle d’armement sont les Frères
musulmans qui disposent de « leur propre
voie d’approvisionnement aux rebelles en
recourant aux ressources de riches
individus privés et à l’argent provenant
des pays du Golfe, dont l’Arabie
saoudite et le Qatar, a dit Mulham al-Drobi,
un membre du comité de direction des
Frères musulmans. »
Le Post
a conclu en faisant remarquer, « Le
Pentagone a préparé des options pour la
Syrie qui vont jusqu'à envisager des
frappes aériennes pour détruire les
défenses aériennes du pays. »
Dans le
quotidien Daily Telegraph du 22
mai, Michael Weiss, directeur des
communications et de recherche de Henry
Jackson Society, écrivait que « Des
sources rebelles à Hatay m’ont dit hier
soir que non seulement la Turquie livre
des armes légères à des commandants de
bataillons choisis, mais qu'elle
entraîne aussi des Syriens à Istanbul. »
Il a poursuivi
en disant, « Ces derniers jours, des
hommes, dans l’unité desquels j’étais
embarqué (« embedded »), ont été
informés et sélectionnés par le service
de renseignement turc et d’importantes
livraisons de fusils d’assaut AK-47 ont
été transportées par l’armée turque à la
frontière turco-syrienne… Du matériel
est entreposé à Damas, à Idlib près de
la frontière turque et à Zabadani à la
frontière libanaise. »
Weiss souligne
la réponse du porte-parole de la Maison
Blanche, Jay Carney, faite à un article
paru dans le Washington Post et
qui équivaut difficilement à un démenti.
« Nous continuons à fournir une
assistance « non létale à l’opposition,
» a-t-il dit. « Et, alors que je ne peux
que parler pour les Etats-Unis, nous
savons que d’autres continuent d’envoyer
différents types de soutien, et je vous
conseillerais de vous adresser à eux
pour caractériser la nature de leurs
actions. »
Weiss conclut
en disant, « La Turquie n’agirait pas
dans ce sens sans l’autorisation ou
l’encouragement clair américain. Je ne
pense pas non plus que le sénateur
américain, Joseph Lieberman, qui réclame
des frappes aériennes chirurgicales et
la création de zones tampon en Syrie,
indiquerait que le gouvernement
s’approche d’une réponse militaire à la
crise humanitaire que le grotesque
‘cessez-le-feu’ de Kofi Annan n’a
nullement contribué à endiguer, à moins
d’être suffisamment sûr que c’est
effectivement le cas. »
Un article
exclusif du 22 mai paru sur le site
Internet DEBKAfile précise que «
Les rebelles syriens ont reçu leurs
premières armes antitanks de ‘troisième
génération’, 9K115-2 Metis et Kornet E.
Elles ont été livrées par des agences de
renseignement saoudites et qatari après
avoir reçu un message secret du
président Barack Obama leur conseillant
d’augmenter leur participation dans
l’effort d’évincer Assad. »
DEBKAfile,
qui est proche des sources
néo-conservatrices américaines, décrit
ces livraisons comme n’étant « qu’un
aspect du développement du plan
américain pour la crise syrienne…Le
service de renseignement turc a reçu le
feu vert pour armer les rebelles syriens
en leur procurant des IED (engins
explosifs improvisés) appelés ‘roadside
bombs’ conçus pour le théâtre de guerre
syrien et pour apprendre intensivement
aux dissidents à utiliser les
installations militaires turques. » Ceci
équivaut à une première intervention
militaire directe d’Ankara en Syrie.
La Turquie
agit depuis quelque temps comme un front
organisationnel pour une intervention
impérialiste en Syrie et visant à
évincer le régime pro-iranien de Bachar
al-Assad. La Turquie abrite le Conseil
national syrien (CNS) et son bras armé,
l’Armée syrienne libre (ALS) – qui
organise ses offensives en franchissant
la frontière longue de 910 km que la
Turquie partage avec la Syrie.
Le Liban et la
Jordanie servent aussi de base pour
organiser l’insurrection. Des contacts
récents ont également été établis avec
des groupes kurdes qui sont réticents à
se joindre aux Frères musulmans et à
d’autres éléments sunnites sectaires
jugés comme étant inféodés à leur ennemi
de longue date, la Turquie.
En ce qui
concerne l’Arabie saoudite, le Qatar et
la Turquie, l’implication du Liban en
tant que force intermédiaire est fondée
sur le fait d’attiser une hostilité
sectaire contre l’Iran chiite et le
régime alaouite d’Assad – en élargissant
le conflit intérieur avec le Hezbollah
chiite qui est financé par Téhéran et
Damas.
Ces dernières
semaines, on a assisté à une
intensification des affrontements
sectaires au Liban et qui ont coûté la
vie à plusieurs personnes. Les combats
ont atteint la capitale, Beyrouth, après
l’arrestation à un point de contrôle au
Nord du pays d’un religieux anti-syrien
et de son garde du corps et de
l’arrestation d’un dirigeant sunnite
Shadi al-Mawlawi accusé de faire partie
d’un groupe terroriste et qui a
maintenant été libéré sur caution.
Les tensions
se sont encore accrues après
l’enlèvement par 40 tireurs de l’ALS de
13 pélerins libanais chiites. Ceci a
occasionné des protestations à Beyrouth
qui ne se sont apaisées qu’après
l’intervention du dirigeant du
Hezbollah, cheikh Hassan Nasrallah.
Dans une
décision visant une fois de plus à
isoler l’Iran et la Syrie en écrasant
une insurrection chiite à Bahreïn,
l’Arabie saoudite cherche à créer une
union dans le Golfe avec les six membres
de l’actuel Conseil de Coopération du
Golfe – le Bahreïn, Koweït, Qatar,
l’Arabie saoudite et les Emirats arabes
unis.
Des plans pour
une union préparatoire initiale entre
l’Arabie saoudite et le Bahreïn ont
incité des milliers de personnes d’une
population majoritairement chiite de
Bahreïn à protester dans une
manifestation qui s’est étendue sur près
de 5 kilomètres. L’Iran a qualifié cette
proposition de « plan américain
d’annexion du Bahreïn et de l’Arabie
saoudite. »
Le Bahreïn est
totalement tributaire des forces
saoudiennes qui étaient entrées au
Bahreïn en mars dernier afin d'écraser
des protestations dans le pays.
Des projets
pour une union plus large ont été rangés
au placard après que se sont tenues
cette semaine à Ryad des discussions
initiales présidées par le roi Abdallah.
Le prince Saud al-Faisal a dit qu’un
délai était nécessaire pour « rassembler
tous les membres et pas seulement deux.
»
La Ligue arabe
a jeté son poids dans la balance pour
soutenir le projet en avertissant l’Iran
de mettre fin à sa campagne médiatique «
et aux déclarations des responsables
iraniens » à l’encontre d’une union
politique et militaire des Etats du
Golfe.
«Toute
démarche d’union entre le Bahreïn et
l’Arabie saoudite est une question
souveraine concernant ces deux Etats et
d’autres pays du Golfe et aucun autre
pays n’a le droit de s’immiscer, » a dit
le secrétaire général de la Ligue arabe,
Nabil Elaraby.
La Syrie est
également durement touchée par les
sanctions internationales qui ont coûté
4 milliards de dollars à son secteur
pétrolier, selon le ministre du Pétrole
et des Ressources minières, Sufian Allaw,
et qui ont entraîné de fortes
augmentations de prix et des pénuries
pour ses citoyens. La production de gaz
de la Syrie ne couvre que la moitié des
besoins du pays et les prix pour un
réservoir de gaz de cuisine ont plus que
quadruplé.
Le secrétaire
général des Nations unies, Ban Ki-moon a
une fois de plus mis en garde hier
contre une guerre civile imminente en
Syrie en cas d’échec du soi-disant plan
de paix actuel.
Le même jour,
le roi Abdallah d’Arabie saoudite
écrivait être « profondément préoccupé »
par la violence sectaire au Liban. Dans
une lettre adressée au président Michal
Sulaiman, il a averti que « Du fait de
la gravité de la crise et de la
possibilité qu’elle provoque un conflit
sectaire au Liban en le remettant dans
la guerre civile, nous contemplons… vos
efforts de mettre fin à la crise… et de
tenir le Liban à l’écart des luttes
étrangères notamment de la crise
syrienne toute proche. »
Toutes ces
déclarations sont cyniques. Les Nations
unies sont tout à fait conscientes que
Washington est en train de poursuivre
une politique délibérée de
déstabilisation de la Syrie pour
justifier une guerre en faveur d’un
changement de régime menée par ses
alliés – avant tout à Ryad, Ankara et
Doha – avec le soutien militaire de
Washington. Avec des efforts plus larges
entrepris à présent pour forger une
alliance fondée sur les Sunnites des
pays anti-Iran, ceci pourrait mettre le
feu à une guerre totale dans la région
qui aurait des conséquences
dévastatrices.
(Article
original paru le 25 mai 2012)
Copyright 1998 - 2012 - World Socialist
Web Site - Tous droits réservés
Publié le 26 mai 2012 avec l'aimable
autorisation du WSWS