Opinion
Alors que
l'année 2011 a été «horrible» 2012 sera
décisive pour le Monde
Chems Eddine Chitour

Samedi 31 décembre
2011
«Il faut que tout
change pour que tout redevienne comme
avant.»
Giussepe Tomasi di Lampedusa (Il
Gattopardo)
Cette célèbre affirmation du neveu du
Prince Salina, Tancredi dans «le
Guépard»,suggère que la révolution
correspondrait à une rotation, comme
lors de la révolution de la Terre autour
du Soleil, qui revient toujours à son
point de départ. En clair, malgré les
convulsions de l'année 2011, rien de
nouveau sous le soleil, le «Printemps
arabe»: qui, pour une grande part, a été
fabriqué dans les officines
occidentales, a d'une certaine façon
tenu ses promesses. Les nouveaux
pouvoirs arabes sont plus que jamais
inféodés à l'Occident qui les a adoubés
au même titre que les tyrans d'avant.
Chronologie de la débâcle des dirigeants
arabes
2011 fut une année qui ne fut pas un
long fleuve tranquille. Les pays arabes
connurent des secousses. L'histoire
pourrait-on dire, commence à Sumer. En
l'occurrence, à Sidi Bouzid par
l'immolation de Mohamed Bouazizi
provoquant le début d'une vague de
manifestations contre le pouvoir. Les
pouvoirs occidentaux, à l'instar de la
France, ont voulu conforter Ben Ali-en
lui envoyant des munitions et en
proposant de l'aider à mater la
jacquerie- puis, le mouvement prenant de
l'ampleur, les Occidentaux changent de
cheval, comme ils l'on fait en lâchant
le shah d'Iran en 1979, le 13 janvier
2011, Zine El Abidine Ben Ali s'enfuit
de Tunisie pour se réfugier en Arabie
Saoudite. Le 1er février, moins d'une
semaine après la première manifestation,
place Tahrir, au Caire, réclamant son
départ, Hosni Moubarak, 83 ans, annonce
qu'il ne briguera pas de sixième mandat.
Les manifestations quotidiennes et la
prise de distance progressive de l'armée
auront raison de sa détermination. Il
démissionne le 11 février, la
Constitution est suspendue, le Parlement
est dissous.
Oussama Ben Laden aura moins de chance.
Le 2 mai, il est tué au Pakistan par les
forces spéciales américaines qui
prennent d'assaut le complexe d'Abbotabad
où il s'était réfugié. Six mois après le
soulèvement parti de Benghazi, dans
l'est du pays, le 15 février, et avec
l'aide des forces de l'Otan, les
insurgés libyens atteignent Tripoli et
font chuter le régime. Les combats se
déplacent vers Syrte, sa ville natale,
où le Guide de la révolution meurt
lynché le 20 octobre, peu après sa
capture. Au Yémen, Ali Abdallah Salah
est attaqué puis après trois mois de
soins en Arabie Saoudite a du céder le
pouvoir. A Bahrein, les manifestants
furent durement réprimés par le pouvoir
aidé par l'Arabie Saoudite venue prêter
main forte à l'émir. La presse
occidentale est muette et les pouvoirs
occidentaux regardent ailleurs,
Bachar el Assad est en train de vivre un
scénario à la libyenne. Enfin, tous les
gouvernements du Maroc, Tunisie, Lybie
et Egypte ont vu le triomphe des partis
religieux qualifiés, pour les besoins de
la cause, par l'Occident de modérés
Dans la même charrette de la protection
des intérêts de l'Empire et de ses
vassaux, Laurent Gbagbo- ne pouvant plus
servir- est arrêté le 11 avril à
Abidjan, laissant la place au nouveau
adoubé. Il sera transféré vers le CPI le
30 novembre pour être jugé.
Les désastres planétaires
L'année fut aussi horrible riche en
catastrophes. Le 13 mars, un tsunami
dévaste Fukushima détruisant du même
coup les centrales nucléaires qui
deviennent incontrôlables jetant dans
l'atmosphère des particules
radioactives; fin décembre la réaction
est sous contrôle, les autorités parlent
de quarante ans pour démonter les
réacteurs. La région de Fukushima est
devenue stérile. Contre toute attente,
l'AIE annonce un renforcement du
nucléaire à l'horizon 2030. L'échec de
Durban concernant les changements
climatiques laisse la porte ouverte à
l'aventure. Plus rien n'est
contraignant, le protocole de Kyoto est
mort et un pays comme le Canada annonce
qu'il sort du protocole. Il ne
respectera plus son quota de pollution.
Par ailleurs, des inondations et des
tempêtes sans précédent ont frappé
l'Asie, l'Europe, l'Océanie. Selon les
spécialistes, il faut s'habituer à ces
phénomènes météorologiques violents.
Plus de mille personnes ont été victimes
du typhon Washi aux Philippines. Des
vagues de froid et des chutes de neige
en Europe suivi d'un brusque
réchauffement ont entraîné des
inondations dans plusieurs régions.
«L'inondation en Australie est une
première dans l'histoire de la
météorologie australienne», a déclaré le
chef du département de la climatologie
de l'Institut de géographie de
l'Académie des sciences de Russie Andreï
Chmakine. «L'homme ne saurait présager
ni prévenir les précipitations dans tel
ou tel endroit», considère le
climatologue. Il est temps de s'habituer
aux anomalies naturelles. «Les
catastrophes naturelles ont été plus
nombreuses qu'en 2010. Nous vivons dans
un climat extrême qui change
brusquement. Les phénomènes
météorologiques enregistrés en 2011 le
confirment».(1)
2011 année de l'indignation?
Les journaux occidentaux, notamment
français, arriment le ras-le-bol
planétaire à un petit opuscule écrit par
Stephane Hessel , ancien résidtant
frnaçais , qui a particpé à la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homem
aux Nations Unis . Cet opuscule a servi
de catalyseur à un malaise préxistant et
qui ne demandait qu’à s’exorimer : «Les
internautes du Monde.fr ont désigné
comme personnalité de l'année cet
infatigable défenseur des droits de
l'homme, âgé de 94 ans. Pas étonnant,
quand on sait que son livret
judicieusement intitulé
«Indignez-vous!», continue de provoquer
un tourbillon planétaire. C'est donc
lui! Le gentleman indigné, dont
l'espérance est contagieuse. Une
quarantaine de pays ont désormais accès
au petit livre magique. L'Espagne lui a
fait un triomphe. L'Allemagne aussi, qui
en est à sa seizième réimpression. Les
Etats-Unis - où les indignés de Wall
Street brandissaient l'ouvrage - en sont
à une cinquième réimpression. (...) Et
ravi que ce joli mot d'indigné soit
désormais repris par les jeunesses du
monde entier pour marquer un sursaut, un
élan, un refus de la fatalité, une prise
de conscience collective.» (2)
Il est vrai que le désordre étant
planétaire, les peuples se révoltent,
certains en priorité pour la liberté,
d'autres pour les conditions de vie
devenues de plus en plus difficiles. «En
2011, lit-on dans le journal Le Monde,
le peuple a fait son grand retour sur la
scène de l'actualité, renversant des
dictateurs, dénonçant les marchés
financiers. Au sein de ces mouvements,
des inconnus qui souvent s'engageaient,
pour la première fois... (...) Ils ou
elles sont égyptiens, russes, japonais,
tunisiens, syriens, américains,
israéliens, espagnols, norvégiens.
Pourtant, ces inconnus ont, chacun à
leur manière, bouleversé, en 2011, le
cours de l'Histoire. Sans eux, pas de
«Printemps arabe», de mouvement des
«indignés», de mouvement organisé de
solidarité lors de la catastrophe de
Fukushima.» (3)
«En 2011, bon nombre de puissants de ce
monde ont chuté et une foule d'anonymes,
de Tunis à Tripoli, de la place Tahrir à
la Puerta del Sol, en passant par Aden,
Manhattan ou Tel-Aviv, a surgi d'un peu
partout. Des jeunes, de 20 à 30 ans,
souvent diplômés, férus de nouvelles
technologies et déçus par un monde en
pleine dislocation économique et
sociale, que les systèmes politiques
n'arrivent plus à contrôler. En 2011,
d'un seul clic, la génération Facebook
est passée du virtuel au réel, de
l'indignation à l'engagement, le jour
dans la rue, la nuit devant l'écran...
Le 15 mai en Espagne, «los indignados»
envahissent la Puerta del Sol. Ils
disent: «Nous n'avons rien inventé. Nos
pères sont les manifestants du
«Printemps arabe». Nous ne faisons que
reproduire leur combat car nous luttons
aussi contre une dictature, celle des
marchés.» (...) Et le 17 septembre, New
York. Des dizaines de milliers de
personnes veulent occuper Wall Street et
se définissent comme «les 99%», par
opposition au 1% des Américains qui
totalisent à eux seuls 42% de la
richesse du pays.»(...) (3)
Dans une contribution d'Euractiv, nous
découvrons jutement le nouveau concept:
«L'année horrible»: «Il y a un an,
lit-on, les analystes qualifiaient
l'année 2010 d'«annus horribilis» pour
l'Europe. (...) C'est bien entendu la
crise de la dette qui a fait les gros
titres. Les décideurs politiques
commencent à craindre un démantèlement
de la zone euro et de l'UE, ils parlent
de la «pire époque depuis la Seconde
Guerre mondiale», alors que le fossé
entre les Européens se creuse et que le
populisme foisonne. Les pays de l'UE
donnent l'impression d'une suite de
dominos qui s'effondre au fil des chocs
économiques: après la Grèce, la Pologne
et l'Irlande en 2010, la pression s'est
intensifiée sur l'Espagne et l'Italie.
(..) Les Grecs, outrés par les mesures
d'austérité prises par leur
gouvernement, sont descendus dans les
rues ».(4)
« Les «Indignés» ont manifesté contre le
chômage et le capitalisme en Espagne.
(...) Après la promesse d'un Printemps
arabe, est arrivé l'automne qui a été
synonyme de désenchantement pour
l'Union. Les élections en Tunisie ont
propulsé un parti islamiste au pouvoir.
Les élections égyptiennes ont eu lieu
dans la violence. En Libye, l'Otan a
participé une guerre menée par la
Grande-Bretagne et la France sous
prétexte de mettre en place une zone
d'exclusion aérienne. Le leader libyen,
Kadhafi, a été tué dans des
circonstances plus que suspectes. (...)
Herman Van Rompuy, a écrit sur Facebook:
2011 pouvait ressembler à une «annus
horribilis», mais qu'elle se révèlerait
une «annus mirabilis». (4)
Indignés contre les pouvoirs de
l'argent, unissez-vous!
Robert Fisk s'en prend aux journalistes
coupables, s'en prend, et violemment,
aux banquiers et aux agences de notation
qui agissent en propriétaires des pays
et des peuples, aidés par des
gouvernements veules et des journalistes
soumis. J'ai le sentiment, écrit-il, que
le journalisme censé traiter de
l'effondrement du capitalisme a atteint
de nouveaux tréfonds que même le
Moyen-Orient ne peut surpasser en termes
de soumission sans frein à ces
institutions et à ces «spécialistes» de
Harvard qui ont justement contribué à
déclencher tout ce désastre criminel.
Commençons par le «Printemps arabe» - en
soi une distorsion verbale grotesque du
formidable éveil arabo-musulman qui
ébranle le Moyen-Orient - et les
parallèles minables avec les mouvements
de contestation sociale dans les
capitales occidentales. Nous avons été
abreuvés d'articles sur comment les
pauvres ou les défavorisés de l'Ouest
auraient «puisé» dans le manuel du
Printemps arabe, comment les
manifestants aux Etats-Unis, au Canada,
en Grande-Bretagne, en Espagne et en
Grèce auraient été «inspirés» par les
gigantesques manifestations qui ont fait
tomber les régimes en Egypte, en
Tunisie... C'est idiot ». (5)
Pour lui, il n'y a pas à faire de
comparaison: «Ce qui a poussé les
Arabes, écrit-il, à descendre par
dizaines de milliers, puis par millions
dans les rues des capitales du
Moyen-Orient, c'est une dignité
revendiquée, ainsi que le refus
d'admettre que les dictateurs locaux et
leurs familles étaient de fait les
propriétaires de leurs pays. Les
Moubarak, Ben Ali et autres Kadhafi, les
rois et émirs du Golfe (et de Jordanie)
et les Assad s'imaginaient tous qu'ils
jouissaient de l'usufruit de l'ensemble
de leurs nations. L'Egypte appartenait à
Moubarak Inc., la Tunisie à Ben Ali &
Cie (et à la famille Traboulsi), la
Libye à Kadhafi & Fils, et ainsi de
suite. Les martyrs arabes contre la
dictature sont morts pour prouver que
ces pays appartenaient à leurs peuples.
(...) Et c'est là que réside le vrai
parallèle avec l'Occident. Les
mouvements de protestation visent
effectivement le monde des affaires -
une cause tout à fait juste - et les
«gouvernements»(5).
« En revanche poursuit Robert Fisk , ce
qu'ils ont découvert, un peu tard,
certes, c'est que depuis des décennies,
ils ont foi dans une démocratie
frauduleuse: ils votent sagement pour
des partis politiques, qui confient
ensuite leur mandat démocratique et le
pouvoir du peuple aux banques, aux
cambistes en produits dérivés et aux
agences de notation». Concluant avec
lucidité, Robert Fisk désigne les
dictateurs en Occident: «Les banques et
les agences de notation sont devenues
les dictateurs de l'Ouest. (...) Goldman
Sachs et la Royal Bank of Scotland sont
désormais les Moubarak et les Ben Ali
des Etats-Unis et du Royaume-Uni, chacun
engloutissant la richesse du peuple sous
forme de primes et de bonus bidons
offerts à leurs patrons sans pitié,
animés d'une cupidité infiniment
supérieure à ce que pouvaient imaginer
leurs frères en dictature arabes,
pourtant rapaces. (...)Cela me rappelle
tellement la façon tout aussi veule
qu'ont tant de journalistes américains
de couvrir les événements au
Moyen-Orient, évitant bizarrement toute
critique directe d'Israël et expliquant,
aiguillonnés par une armée de lobbyistes
pro-Likoud, pourquoi la «médiation»
américaine dans le conflit
israélo-palestinien est digne de
confiance, pourquoi les gentils sont des
«modérés» les méchants des
«terroristes»(.) Nous, en Occident - nos
gouvernements -, avons créé nos
dictateurs. Mais contrairement aux
Arabes, nous ne pouvons pas y
toucher.»(5)
Et en Algérie où en sommes-nous?
Robert Fisk pense que le Monde arabe a
changé, Nous pensons qu’il n'en est
rien! Tout est comme avant, les chevaux
ont changé de cavaliers mais celui qui
règle les courses est toujours
l'Occident. Cela nous donne
l'opportunité de parler de l'Algérie qui
est à la veille du 50e anniversaire.
Beaucoup ont cru que la contagion arabe
allait atteindre l'Algérie. Il n'en fut
rien, après une jaquerie pour les
matière premières vite éteinte avec
quelques barils de pétrole, tout
redevient comme avant. Le peuple las et
«ayant eu son printemps en 88,» a payé
sa dîme, 200.000 morts plus tard.
Pendant que tous les peuples arabes
contemplaient ce qui se passait dans le
laboratoire de l'islamisme en Algérie.
Ceci étant dit ce sont de fausses
certitudes! Il est vrai que les
Etats-Unis ont définitivement décidé que
notre pays est sur la «bonne voie». Il
n'est donc plus question de nous
prodiguer un «printemps».
Ce qui restera en 2011 en Algérie après
que les partis politiques aient torpillé
les fondements des réformes c'est le
travail du Cnes dont le président a
sillonné le pays prodiguant çà et là, la
bonne parole, à telle enseigne que l'on
croyait à une diversion du pouvoir pour
gagner du temps. Et pourtant, c'est un
véritable programme de gouvernement
auquel aboutit cet audit du peuple d'en
bas, de ses espoirs dans cette feuille
de route qui contient objectivement des
avancées majeures si elles venaient à
être mises en oeuvre; la e-adminsitration,
une nouvelle vision de l'éducation et un
plaidoyer pour «une utilisation durable
des ressources énergétiques».
Le temps presse, il nous est compté, il
faut mettre à profit ce sursis pour
mettre en place sans délai les réformes
en tournant le dos aux légitimités du
passé. Ce n'est certainement pas
l'agitation frénétique des partis qui
fera émerger des députés fascinés par
l'avenir. 2012, année du cinquantenaire,
sera décisive pour l'Algérie et plus
largement pour la paix du monde.
1.
http://www.alterinfo.net/2011-bilan-des-cataclysmes_a68406.html
2. Annick Cojean: Stéphane Hessel,
gentleman indigné. Le Monde.fr 23 12
2011
3.
http://www.lemonde.fr/m/article/2011/12/23/les-anonymes-heros-de-l-histoire-en
marche_1621786_1575563.html#xtor=EPR-32280513-[NL_M_le_magazine_du_monde]-20111223-[titres_haut]
4. Ana-Maria Tolbaru, Georgi Gotev 2011-annus-horribilis-ou-annus-mirabilis
euractiv.com/fr/ -news
5. Robert Fisk The
Independenthttp://www.courrierinternational.com/article/2011/12/26
/les- banques
-et-les-agences-de-notation-sont-les-dictateurs-de-l-occident
Professeur Chems
Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 31 décembre 2011 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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