Comment je
vois le monde
Élection d'un
nouveau secrétaire général au FLN
De quoi sera fait l'avenir ?
Chems Eddine Chitour
Samedi 31 août 2013
«(...)
Le FLN ne doit pas être le parti d'une
faction, mais celui du peuple - de tout
le peuple - de la même manière qu'il l'a
été durant la lutte armée. (...) Ce
retour aux divisions du passé est la
négation même du FLN.(...)»
Lettre de démission de Ferhat Abbas
président de l'Assemblée nationale
Le FLN, ex-parti unique en Algérie, est
au pouvoir depuis la création du régime
en 1962, il a réussi, à s'y maintenir
grâce aux multiples scrutins, décriés
pour leurs caractères douteux. On
apprend que le coordonnateur du bureau
politique (BP) du parti du Front de
libération nationale (FLN), Abderrahmane
Belayat, a qualifié, jeudi à Alger,
d'illégale la réunion du comité central
(CC) qui se tient à l'hôtel El-Aurassi
(Alger). Il n'a pas pu cependant
empêcher le déroulement d'une mascarade
qui a intronisé Amar Saâdani jetant une
fois de plus le discrédit sur la classe
politique algérienne au point d'en faire
la risée du monde. Même ´´Le Conseil
d'Etat que naïvement nous avons crû
au-dessus de la mêlée s'est fait déjuger
par un modeste juge qui a autorisé la
tenue de la zerda. Le FLN post-1962 a
élu ce jeudi un nouveau secrétaire
général à l'issue d'une session du CC la
plus courte que ce parti ait connu.
Il s'agit en fait du prévisible retour
de Amar Saâdani, ancien président de
l'APN à la tête du FLN. Candidat unique,
Saâdani a été plébiscité par le comité
central du parti. Cela intervient sept
mois après la destitution de l'un de ses
´´parrains´´, Abdelaziz Belkhadem.
M.Saâdani a souligné que «hier, le
Conseil d'État avait renvoyé le dossier
au tribunal administratif qui, lui, a
tranché ce matin en notre faveur»,
explique-t-il. Pour lui, l'affaire dite
«des 3200 milliards» n'existe qu'à
travers les articles de presse. «Puisque
au niveau de la justice, on ne
retrouvera aucune trace de ce dossier»,
insiste-t-il.
Né le 17 avril 1950 à Tunis, Amar
Saâdani, a commencé sa «carrière» dans
l'industrie du pétrole. Devenu,
coordonnateur général des comités de
soutien au programme du président de la
République, il a occupé plusieurs postes
politiques et syndicalistes, notamment
député à plusieurs reprises et membre du
comité exécutif national de l'Union
générale des travailleurs algériens. Il
connaîtra l'apogée de sa carrière en
2004 après son élection à la présidence
de l'ANP, pour un mandat de trois ans.
«Ça y est, résume Rafik Benasseur! Que
tout le monde rentre dans les rangs...Au
FLN, l'heure est désormais à la
mobilisation, forcée pour certains,
derrière Amar Saâdani, virtuel nouveau
secrétaire général. L'homme qui est loin
d'être un foudre de guerre, plus connu
pour les blagues qui circulent à son
compte, devrait ainsi hériter d'un poste
prestigieux réservé à un cercle
restreint d'hommes politiques depuis
l'indépendance. Il est dit quelque part
que, le «perchoir» du FLN n'est plus ce
qu'il était. Amar Saâdani qui incarne
pour de nombreux observateurs
«l'arrivisme politique» par excellence
est adoubé aujourd'hui comme s'il était
l'homme d'exception. C'est sans doute
tragique pour un grand parti comme le
FLN ». (1)
« Feu Abdelhamid Mehri devrait se
retourner dans sa tombe comme le
feraient tous les valeureux martyrs qui
lui ont donné naissance lors de la
réunion des 22. N'ayant ni l'aura ni la
compétence pour prétendre à la
magistrature suprême, il aura pour seule
feuille de route, de mettre l'appareil
en ordre de bataille pour le candidat du
«consensus» que le pouvoir aura choisi
pour avril 2014. De ce point de vue là,
il ne pose aucun problème pour ses
parrains. Il fallait donc sonner
l'alarme pour que tout le monde range
les couteaux et remette ainsi l'appareil
sur les rails. A sept mois de la
présidentielle et à trois mois de la
convocation du corps électoral, le
pouvoir tient à respecter sa feuille de
route pour être dans les délais afin
d'ouvrir la voie au candidat
providentiel du régime. (1)
Le FLN
historique sur tous les fronts
Devant l'anomie actuelle du parti, je
veux porter témoignage qu'il n'en a pas
été toujours ainsi et le FLN n'était pas
ce qu'il est devenu synonyme de
passe-droits, de combines en tout genre
pour s'accaparer le pouvoir et les
prébendes qui vont avec... Non! Mille
fois non! Je ne veux garder du FLN que
l'héroïsme de chacun pendant la
révolution. A côté des glorieux
combattants qui ont tout quitté,
affronté la mort, qui dans les maquis
qui dans les prisons et la guillotine,
qui dans le monde diplomatique où - à
titre d'exemple - le travail de
Abdelkader Chanderli et de Mohamed Yazid
aux Nations unies était remarquable. Ces
militants n'avaient pour tout viatique
que leur foi, leur engagement envers
l'Algérie: «Oua akadna el azma an tahya
el Djazair» il y eut un FLN multifacette
qui en sept ans et demi d'un conflit
sanglant a marqué le monde au point que
des thèses un peu partout dans le monde
se soutenaient.
Je veux rapporter deux facettes de ce
FLN mythique: d'abord la glorieuse
équipe du FLN. Nous lisons sur
l'encyclopédie Wikipédia: «L'Équipe du
Front de libération nationale algérien
de football surnommée aussi le onze de
l'indépendance, est une formation
constituée principalement de joueurs
professionnels qui évoluent en France
métropolitaine avant de rejoindre le
mouvement révolutionnaire pour
l'indépendance de l'Algérie, le Front de
libération nationale (FLN), et de
l'aider en organisant entre autres des
matchs de football. L'équipe est fondée
le 13 avril 1958. Le rôle de cette
équipe est avant tout psychologique pour
montrer aux Français de métropole que
même des footballeurs professionnels
s'impliquent dans cette cause, quitte à
renoncer à leur statut. L'équipe du FLN
signe une tournée mondiale d'environ
quatre-vingts rencontres, notamment en
Europe, en Asie et en Afrique. Ces
matchs font connaître à travers le monde
la cause algérienne et sa guerre
d'indépendance. L'équipe existe de 1958
à 1962, laissant place en 1963 à
l'équipe d'Algérie de football.. Selon
le FLN, le sport peut être exploité pour
l'indépendance de l'Algérie, comme cela
a déjà été fait dans le secteur
militaire, syndical, étudiant ou
culturel en créant des organisations ou
des syndicats autonomes et musulmans. De
plus, afin d'établir une équipe de
football capable de se confronter aux
meilleures équipes du monde, il semble
nécessaire qu'elle se compose de joueurs
professionnels selon les membres de la
direction du FLN, et ceci afin de
contrer la tentative de la France de se
garantir une hégémonie culturelle dans
ses colonies.
Le communiqué du FLN du 15 avril 1958
qualifie ces joueurs de patriotes prêts
à tout sacrifier pour l'indépendance de
leur nation et les présente comme un
exemple de courage pour les jeunes
Algériens. Effectivement beaucoup de
joueurs qui avaient fait une carrière,
exceptionnelle ont, du jour au lendemain
tout abandonné (confort, carrière, voire
provisoirement leur famille). Ils ont
quitté clandestinement la France. Dans
son ouvrage Rabah Saâdallah a tenu à
rendre hommage, à sa manière, à cet
irrésistible ambassadeur du peuple
algérien que fut l'équipe de football du
Front de libération nationale.
Il y eut aussi la troupe artistique du
FLN. Elle eut un rôle important en ce
sens qu'elle devait combattre la tabula
rasa et affirmer l'identité algérienne à
travers son histoire. Cette troupe a été
créée en 1958 par feu Mustapha Kateb,
homme de théâtre, qui en a assuré la
direction, pour dire, tout au long de
son parcours, et cela jusqu'à
l'indépendance, et à travers ses
tournées dans différents pays comme les
pays arabes ou comme la Chine, la
Yougoslavie et l'ex-Urss, les
souffrances du peuple algérien. C'est
pour dire aussi l'Algérie en guerre. La
troupe artistique du FLN se constituait
comme une représentation diplomatique
populaire, puisqu'elle a représenté
l'Algérie à l'étranger. Ces exemples ne
sont pas fortuits, ils sont là pour
montrer que le moteur des actions des
Algériens de ce temps était l'amour du
pays et non une quelconque position
sociale pour l'accès au râtelier de la
République pour en user et en abuser.
Le «FLN
historique» au musée avec les honneurs,
et la patrie reconnaissante
Il est curieux de constater que toutes
les organisations, structures du FLN
ont, après leur indépendance, fait leur
mue et n'ont à aucun moment pris en
otage les institutions en en faisant un
fonds de commerce comme l'a fait le FLN,
une structure coquille vide mais qui a
été rapidement remplie par des
apparatchicks dont la valeur ajoutée est
discutable et qui n'avaient qu'un
lointain rapport avec la philosophie du
FLN fondateur au point que Mohamed
Boudiaf - l'un des fondateurs du
FLN-interrogé après l'indépendance eut
cette réponse sans appel: «Le FLN est
mort en 1962, expliquant par cette
phrase que le FLN a rempli sa mission
historique. De fait, le FLN est
actuellement une coquille vide mais qui
dispose d'une capacité de mobilisation
ou de nuisance c'est selon, capable avec
les réseaux de l'argent pouvoir
continuer du moins le pensent-ils- à
peser d'une façon illégale
irrationnelle, dépassée sur le destin du
pays au point de remettre aux calendes
grecques toute sortie du tunnel.
Souvenons-nous de l'Appel du 1er
Novembre: «A vous qui êtes appelés à
nous juger, notre souci en diffusant la
présente proclamation est de vous
éclairer sur les raisons profondes qui
nous ont poussés à agir en vous exposant
notre programme, le sens de notre
action, le bien-fondé de nos vues dont
le but demeure l'indépendance nationale
dans le cadre nord-africain. (...)Ce
sont là, nous pensons, des raisons
suffisantes qui font que notre mouvement
de rénovation se présente sous
l'étiquette de Front de libération
nationale, se dégageant ainsi de toutes
les compromissions possibles et offrant
la possibilité à tous les patriotes
algériens de toutes les couches
sociales, de tous les partis et
mouvements purement algériens, de
s'intégrer dans la lutte de libération
sans aucune autre considération. But:
l'indépendance nationale par: la
restauration de l'Etat algérien
souverain, démocratique et social dans
le cadre des principes islamiques. Le
respect de toutes les libertés
fondamentales sans distinction de races
et de confessions. (...) Algérien!(...)
Ton devoir est de t'y associer pour
sauver notre pays et lui rendre sa
liberté; le Front de libération
nationale est ton front, sa victoire est
la tienne». (Appel du Premier Novembre)
Le FLN
actuel, un hold-up du FLN historique
Ceci étant dit et à des degrés divers,
tous les partis politiques prenant
exemple sur le FLN postrévolution, sont
assistés par l'Etat. Honnêtement combien
y a t-il de militants sincères qui
cotisent, qui prennent sur leur temps en
dehors de leurs heures de travail pour
militer et porter la bonne parole fruit
de leur conviction et de leur amour pour
le pays. En clair, quelle est la valeur
ajoutée d'un militant, d'un chef de
parti, d'un député outre le fait qu'ils
attendent tous que l'Etat ne les oublie
pas en fin de mois, qui du loyer d'un
bâtiment du siège, loyer qui se chiffre
pour certains, à plusieurs dizaines de
millions, accaparés indûment au nom
d'une capacité de nuisance réelle et
d'une surface électorale supposée. (2)
Dans une lettre prophétique qui n'a pas
pris un pli et d'une rare lucidité,
Ferhat Abbas, le premier président du
Gpra de l'Algérie combattante, parlait
déjà du FLN et de son
instrumentalisation. «On le voit, les
combines actuelles ne sont pas
nouvelles! Là aussi il y a un héritage!
Ferhat Abbas décrit ce que devrait être
le parti: «Le Parti devant être la
«Conscience» et le «Guide» de la nation,
sa formation doit être entourée de
toutes les garanties. (...) Nous ne
sommes pas encore au stade d'un régime
policier. Mais, si nous n'y prenons pas
garde, nous y arriverons à brève
échéance.» (3)
Il nous faut rendre à César ce qui
appartient à César. Le FLN pour lequel
tant de vaillants patriotes ont milité,
souffert et en définitive donné leur vie
n'est pas le FLN actuel. C'est un
hold-up qui perpétue le malaise de la
fausse direction dénoncée par le
président Abbas lors de sa lettre de
démission. Il faut restituer le FLN
marqueur indélébile de la dignité et de
l'Histoire de l'Algérie, à toutes les
Algériennes et tous les Algériens sans
exception et non le laisser otage d'une
´´évanescente famille révolutionnaire´´
dont on ne connaît aucune prouesse
capable d'être signalée sinon celle
d'émarger et d'avoir une capacité de
nuisance, notamment en monopolisant les
médias lourds, s'intronisant les seuls
dépositaires de l'immense Révolution
algérienne. La vraie identité des
Algériens est ce droit et ce devoir de
«vivre ensemble que l'on soit de l'Est
ou de l'Ouest, du Nord ou du Sud».
Qui
sommes-nous et quels sont nos défis?
Nous sommes un petit pays qui se
cherche, nous sommes un pays rentier qui
n'invente rien, qui se contente de gérer
une rente et en tentant de calmer la
société par une distribution de biens
accentuant encore plus la certitude que
dans ce pays, il ne faut pas travailler
pour réussir socialement, il faut faire
des émeutes, À bien des égards, ce qui
nous arrive, est arrivé parce que nous
n'avons jamais placé l'intérêt supérieur
du pays au-dessus des intérêts
personnels.
Justement, nous sommes en 2013. Trois
Algériens sur quatre sont nés après
l'Indépendance. Ils n'ont qu'un lointain
rapport avec l'Histoire de leur pays
qui, il faut bien le dire, a été mal
enseignée. Les jeunes de 2013 sont aux
antipodes des combines des partis. Il
est illusoire de croire que des leçons
de morale à l´ancienne peuvent emporter
l´adhésion d'une jeunesse facebookisée.
Elle a besoin pour être convaincue d´une
vision globale de société qui ne doit
abdiquer aucune des composantes de sa
personnalité. La seule façon de faire
est avant tout de présenter une
«carrière propre» et surtout d´avoir un
projet crédible qu´il faudra,
naturellement expliciter pour le rendre
attrayant et emporter ainsi l´adhésion
de cette jeunesse qui doit être la
priorité des priorités.
Ce qui s'est passé jeudi 29 aout est
triste et dangereux, c'est un indicateur
d'une continuation des mêmes travers à
savoir, une vue courte dans un monde de
plus en plus dangereux qui fait que nous
sommes de plus en plus vulnérables. Pour
sauver l'Algérie, il faut d'urgence
tourner le dos aux réflexes du siècle
précédent et miser sur le savoir et la
compétence, tout le reste est creux et
sonore et ne garantit en rien un avenir
à cette jeunesse en panne d'espérance
Cette citation qui s'applique
merveilleusement à la gabegie actuelle:
«Un homme politique pense aux prochaines
élections, un homme d'Etat pense aux
prochaines générations.» Où est l'homme
providentiel, fédérateur compétent,
honnête dont la seule mission comme au
temps de la Révolution, est de sauver
l'Algérie? A quand encore une fois, la
légitimité de la compétence, du neurone,
celle capable de faire sortir l'Algérie
des temps morts et du piège du roukoud
multiforme qui fait son miel d'une rente
gaspillée frénétiquement?
1. Rafik Benasseur http://www.algerie
1.com/zoom/le-fln-
redresse-au-bonheur-de-saidani/
2. Chems Eddine Chitour
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/sanctuarisation-du-fln-du-1er-103503
3.Lettre de démission de Ferhat Abbas de
la présidence de l'Assemblée nationale
constituante 1963 Alger, le 12 août 1963
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
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