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LE CALVAIRE PALESTINIEN
Annapolis on veut tant y croire
Pr Chems Eddine Chitour


Mahmoud Abbas et Ehoud Olmert

29 novembre 2007

«Celui qui essaie ce qui a déjà été essayé, a l’esprit dérangé». Proverbe libanais cité par Ramadan Shallah

27 novembre: Annapolis: Bush annonce en présence de 40 délégations, dont la plupart des pays arabes, un accord israélo-palestinien pour le démarrage de négociations. Pour rappel, ce conflit qui dure, en fait, depuis 1917, depuis, cette fameuse déclaration de Balfour de novembre 1917, a connu dans les années 90 des rounds de négociations sans succès. On se souvient de l’espoir des accords d’Oslo, Why River. A partir de l’an 2000, pas moins de 6 rencontres. Ainsi, le 27 janvier 2001, au Sommet de Taba (Egypte), pour la première fois, les négociateurs du gouvernement Barak se disent prêts à reconnaître la responsabilité de l’Etat juif vis-à-vis des réfugiés palestiniens. Tout en refusant la restitution des anciennes propriétés, ils acceptent de contribuer à la résolution de ce problème. Les Israéliens, en pleine campagne électorale, interrompent les discussions. M.Barak est battu par Ariel Sharon lors de l’élection du 6 février. Les 27-28 mars 2002, le Sommet de la Ligue arabe à Beyrouth (Liban) adopte à l’unanimité une «initiative» de paix soumise par le prince héritier saoudien Abdallah Ben Abdel-Aziz. Elle consiste en une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes en échange d’un retrait de l’Etat hébreu de tous les territoires occupés depuis la guerre des Six Jours, en juin 1967 (Cisjordanie, hauteurs du Golan et enclave de Chebaa, au Liban). Il n’y eut pas de réponse de la part d’Israël.
Le 4 juin 2003 au Sommet d’Akaba (Jordanie) la «feuille de route», visant à la création en trois étapes d’un Etat palestinien au plus tard le 31 décembre 2005, est lancée. Rédigée par le Quartette (Etats-Unis, Union européenne, Russie, Nations unies), elle est adoptée par les Palestiniens et par les Israéliens mais avec des réserves. L’application de ce plan de paix s’interrompt dans les faits avec la démission du Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, le 6 septembre. La première phase, impliquant le démantèlement des «infrastructures terroristes» palestiniennes et «le gel de la colonisation» israélienne, ne sera jamais appliquée. Le 1er décembre 2003, les négociations engagées à Taba en 2001 ont été poursuivies par un groupe informel composé des même hommes: l’Israélien Yossi Beilin et le Palestinien Yasser Abd Rabbo. Les deux hommes proposent un plan de paix alternatif appelé «Initiative de Genève». Le texte est rejeté par Ariel Sharon. Le 15 août 2005, le plan unilatéral d’évacuation de la Bande de Ghaza annoncé par Ariel Sharon en février 2004 est mis en oeuvre. Israël lance le processus d’évacuation des colons de la bande. Le 25 juin 2007, le Sommet de Charm El-Cheikh (Egypte) a lieu une semaine après l’effondrement du Fatah dans la Bande de Ghaza et la prise du pouvoir par le Hamas, le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, très affaibli par ce revers, se rencontrent sans succès à Charm El-Cheikh.

Que dit d’essentiel la déclaration israélo-palestinienne tant attendue?

Le 26 novembre 2007 enfin, à Annapolis, Washington se réengage sur le dossier israélo-arabe. Le premier ministre israélien, Ehud Olmert, et le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, parviennent à s’entendre sur un document commun au préalable du démarrage des négociations qui vont durer une année. On constate que depuis l’avènement de l’ère Bush, pas moins de six tentatives se sont soldées par des échecs et l’on constate objectivement que les concessions arabes (notamment la reconnaissance d’Israël) ne sont pas appréciées à leur juste valeur, ou plutôt Israël considère qu’elle n’a rien à céder et surtout qu’elle passe outre aux dizaines de résolutions des Nations unies, notamment la 242 de novembre 1967. On le voit à l’impuissance des Nations unies étrangement absentes.
La déclaration lue par Bush stipule: Les représentants du gouvernement de l’Etat d’Israël et de l’Organisation de libération de Palestine (OLP), réunis à Annapolis (Maryland) sous les auspices du président des Etats-Unis, George W.Bush, et avec le soutien des participants de cette conférence internationale, ont conclu l’accord conjoint ci-dessous: Nous exprimons notre détermination à mettre fin à l’effusion de sang, aux souffrances et aux décennies de conflit entre nos peuples; à ouvrir une nouvelle ère de paix, fondée sur la liberté, la sécurité, la justice, la dignité, le respect et la reconnaissance mutuelle; à diffuser une culture de paix et de non-violence; à nous attaquer au terrorisme et à la provocation, qu’ils émanent des Palestiniens ou des Israéliens...Nous convenons de nous engager dans des négociations vigoureuses, continues et déploierons tous les efforts possibles pour parvenir à un accord avant la fin 2008. Dans ce but, il a été conclu qu’un comité de pilotage mené conjointement par le responsable de la délégation de chaque partie se réunira régulièrement. La première rencontre de ce comité de pilotage aura lieu le 12 décembre 2007. Les parties s’engagent également à remplir immédiatement leurs devoirs respectifs édictés par la «feuille de route» sur une solution permanente à deux Etats résolvant le conflit israélo-palestinien telle qu’elle a été mise en place le 30 avril 2003 par le Quartette, et conviennent de former une structure américano-palestino-israélienne, dirigée par les Etats-Unis, destinée à suivre l’application de la feuille de route.
On revient à cette «feuille de route» de juin 2003 qui mène à une impasse...En clair, nous avons pour le moment des voeux pieux et malgré tout l’optimisme et l’espoir dans chaque négociation, force est de constater qu’il n’y a pas de décisions majeures de la part d’Israël. De plus, aucun dans chaque camp n’a les mains libres pour négocier. Olmert affaibli par son échec dans la lutte au Liban et les scandales financiers et Mahmoud Abbas affaibli par le refus du Hamas -légalement élu -de collaborer. Ce dernier, on l’aura compris, rejette tout compromis: «Nous sommes contre toutes les tentatives de normalisation directe ou indirecte.»
Dans son discours, M.Bush a aussi déclaré qu’Israël devait être reconnu comme «la patrie des Juifs». Il s’agit là d’une question éminemment conflictuelle entre Israéliens et Palestiniens. Ceci est nouveau, pour la première fois un Etat s’assume comme étant théocratique, ce qui augure des mauvais jours pour les Arabes israéliens musulmans et chrétiens. Au même moment, des territoires palestiniens en passant par le Liban et l’Iran, sans oublier les colons israéliens, les opposants à la conférence de paix d’Annapolis se sont fait entendre mardi au Proche-Orient. De violentes manifestations ont éclaté, à Ghaza, en Cisjordanie et à Hébron. Même dans le camp américain, il n’y a pas d’unanimité: Mme Bumiller, auteur du livre Condoleezza Rice: An Americain Life (Condoleezza Rice: une vie américaine), écrit: Annapolis traduit le passage de Mme Rice du statut de participant passif à celui de diplomate actif. Mme Rice est prête à rompre avec M.Cheney et d’autres conservateurs, sceptiques quant au rôle des Etats-Unis au Proche-Orient.
Plusieurs sujets essentiels restent très conflictuels: le statut de Jérusalem, le sort de plus de quatre millions de réfugiés palestiniens dispersés dans le monde, le sort des colonies juives dont les Palestiniens réclament le démantèlement et le partage des ressources en eau. Les opposants à la conférence d’Annapolis se sont fait entendre dans le même temps au Proche-Orient, des territoires palestiniens en passant par le Liban et l’Iran, sans oublier les colons. Abbas a toutes les chances d’être confronté à un Hamas renforcé qui aura beau jeu de pointer un doigt accusateur vers lui en se targuant de ´´l’avoir prévenu´´. Cela n’a certainement pas échappé aux Israéliens. La plupart des Palestiniens n’attendent pas grand-chose de cette conférence. Même la duplicité d’Israël et ses faux cadeaux sont dénoncés par les journaux israéliens. Ainsi le quotidien Haaretz écrit: «Le Premier ministre israélien a annoncé la libération prochaine de 440 détenus palestiniens.» Une décision présentée comme un geste de bonne volonté à l’approche de la conférence d’Annapolis. Mais, pour Ha’Aretz, ce n’est qu’un marchandage qui altère la crédibilité de la justice israélienne. Au cours des années 1990, Israël a libéré 10.000 détenus dans le cadre des accords d’Oslo, mais les prisons se sont à nouveau remplies, si bien qu’aujourd’hui 10.000 Palestiniens se trouvent à nouveau derrière les barreaux. En prévision de la conférence d’Annapolis, il y a eu plusieurs séries de libérations: 250 prisonniers [en juillet 2007] à l’occasion du Sommet de Charm El-Cheikh [25 juin 2007], 90 à l’occasion des fêtes du Ramadhan [octobre 2007] et 440 aujourd’hui, à quelques jours de la conférence. L’utilisation de prisonniers comme une monnaie d’échange est contraire aux règles de la justice.(1)
Dans une interview sur la chaîne Al Jazeera, Ramadan Shallah, le secrétaire général du Jihad islamique, définit les traits de la période présente en montrant la vanité des espoirs de ceux qui accourent vers les propositions américano-sionistes. Ecoutons-le: (..) La région est encore soumise à une vaste attaque supposée engendrer le nouveau Moyen-Orient, une attaque américaine qui a commencé en Irak, qui a touché la Palestine, qui menace la Syrie, le Liban et l’Iran, ce nouveau Moyen-Orient et cette nouvelle carte qu’ils espèrent instaurer par les canons, dans la région, les populations de la région continuent à les refuser et à leur résister...«Ceux qui veulent la guerre, ce sont Israël et le front américano-israélien, qui dessinent le parcours de cette guerre prochaine, si jamais elle a lieu. Je vais reprendre la description faite récemment par un des orientalistes israéliens connus, un Américain-Israélien, Martin Kramer, qui se trouve actuellement à Harvard, un élève de Bernard Lewis. Concernant la relation d’Israël avec la région, le conflit avec Israël, il a défini trois étapes: la première, l’étape arabo-israélienne, lorsque la région a résisté et refusé la présence d’Israël, mais les Arabes ont subi des défaites, et cette étape s’est achevée, d’après lui, en 1979 lorsque l’Egypte s’est désengagée du conflit arabo-israélien».(2).
Puis il parle d’une seconde étape, celle du conflit palestino-israélien qui, selon Kramer, s’achève avec la mort de Arafat. La troisième étape qui commence est celle du conflit islamo-israélien, que les Etats-Unis considèrent comme un conflit islamo-occidental, et dans lequel ils se sont engagés dans le monde entier sous le slogan de lutte contre le terrorisme islamique. Pour Kramer, la guerre israélienne contre le Liban en 2006 n’est pas une sixième guerre israélienne, mais une guerre israélo-islamique, ce qui veut dire que pour Israël et les Etats-Unis, qui veulent la guerre, Israël fait face à un danger qui menace son existence, danger représenté par l’alliance islamique, qui englobe les mouvements de la résistance, soutenue par la Syrie ainsi que par de nombreux mouvements et groupes nationalistes et islamiques arabes, ce qui s’appelle le front de la résistance et du refus. Au congrès de Herzelia, qui s’est tenu au début de cette année, les six études stratégiques présentées évoquent le danger qui menace l’existence d’Israël. Israël affirme aujourd’hui qu’il est menacé d’éradication de la carte de la région, et c’est pourquoi il veut éradiquer tous ceux qui refusent Israël dans la région. Si nous revenons à l’analyse de Kramer, il considère que le danger vient de l’alliance islamique, dont la principale base est l’Iran et le Hizbullah, qu’ils qualifient de Shi’ites, pour ouvrir le conflit et la guerre interne entre Sunnites et Shi’ites. C’est ainsi que les Israéliens et les Américains préparent une stratégie délimitant l’Iran pour cible, ils ne veulent pas se lancer dans une attaque contre les Arabes, c’est-à-dire la Syrie. (...)Ils veulent que l’Autorité revienne à la mission qu’ils lui ont inventée à Oslo, celle de préserver la sécurité d’Israël, de poursuivre les résistants en Cisjordanie, de fournir les renseignements et de collaborer avec les forces sécuritaires de l’occupation. (..) Tout ce à quoi cela aboutira, c’est un échange de terrains, ils prennent des terres de la Cisjordanie et nous donnent en échange des terrains situés dans le Naqab, à l’Est de Ghaza, quelques mètres tout au plus. Ils parlent de démantèlement des colonies, mais regardez ce qui s’est passé dans la Palestine historique, où il y a trois regroupements de population, à Tel-Aviv, dans Al-Quds et à Haïfa. Concernant les réfugiés, pour eux, il n’y a pas de retour des réfugiés. Il y a un mensonge grossier officiel, arabe et palestinien. Cent mille Palestiniens seront autorisés à retourner, dans un laps de plusieurs années, Israël définira leur âge, leur appartenance, leur poids, leur hauteur, ce qu’ils doivent manger et ce qu’ils doivent boire. Ils ont dédouané Israël de la question des réfugiés, qui ne se sentira plus obligé, moralement, de considérer ce qui se passe hors des frontières de ce qui s’appelle Israël. Que reste-t-il donc? Al-Quds? La Knesset israélienne a l’intention de prendre une décision relative à l’indivisibilité d’Al-Quds, qui sera la capitale de l’Etat d’Israël.(2)

Au pied du mur

Désormais, les deux protagonistes sont au pied du mur. Une fois les discours d’Annapolis oubliés, le compte à rebours va commencer. Tout le monde a dit et répété qu’il s’agit sans doute de la négociation de la dernière chance pour créer un Etat palestinien. La seule question qui compte est de savoir si la caution internationale donnée à la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien sera suffisante. Il ne faudra pas attendre longtemps avant de le savoir. Pour prendre le risque de la paix, il faut du courage et de la détermination. Et il faut appliquer ces qualités pour faire des compromis, car seul le compromis -donc le renoncement à toutes les aspirations, de chaque côté- peut ouvrir la voie au succès. Tsipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères, a «conseillé» les délégués des Etats arabes lors du forum Euromed de Lisbonne le 6 novembre dernier de la façon suivante: «Si vous [les Etats arabes] voulez imposer le résultat final, nous aurons des problèmes. Si vous voulez voir la paix advenir, encouragez les négociations. Si les Arabes s’étaient comportés différemment, les Palestiniens auraient pu célébrer leurs 60 années d’indépendance, ou au moins 7 années d’existence de leur propre Etat. Le monde arabe devrait venir à la conférence [d’Annapolis] sans préconditions, au lieu de dicter à l’avance ce sur quoi doit aboutir cette réunion». En clair, c’est la liberté du renard dans le poulailler. Voilà comment les Arabes doivent se comporter pour, en définitive, aboutir à un hypothétique Etat en peau de léopard, véritable Banthoustan sur ce qui reste des 22% de la Palestine originelle.

1.Les prisonniers palestiniens, une réserve inépuisable. Ha’Aretz. Courrier International 22 nov. 2007
2.Ramadan Shallah «Le sommet d’Annapolis doit servir à masquer l’échec américain» Interview par Al Jazeera: jeudi 15 novembre 2007.

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Publié le 30 novembre avec l'aimable autorisation de
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Source : L'Expression
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