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L'EXPRESSIONDZ.COM
OÙ VA L'ALGÉRIE ?
Le danger d'une stagnation
Chems Eddine
Chitour
Samedi 29 janvier 2011
«La révolution, c’est l’irruption du peuple
dans le domaine où se règlent ses propres destinées»
Trotsky
La rue arabe est dit-on, en ébullition
après la contagion de la révolte légitime des jeunes en Tunisie.
Ce ras-le-bol des jeunes qui représentent plus de deux cent
millions des trois cents millions d’Arabes, se décline
différemment.
La situation est différente entre les différents pays, le seul
point commun de ces révoltes- on parle à tort de révolution
portant différents parfums (rose, oeillets, et jasmin)- est
l’entêtement à se maintenir au pouvoir des différents chefs
d’Etat ou de leurs proches créant de ce fait des républiques
dynastiques à côté des royautés autoproclamées comme issues d’un
droit divin. Pourtant, un célèbre dicton arabe martèle «Addin
lillah ou alhoukmou lil Djami’e» (La religion est à Dieu et le
pouvoir est à tous). En clair, le pouvoir temporel s’inspire
dans son essence des préceptes religieux, mais n’en fait un
fonds de commerce comme c’est le cas dans les pays arabes dans
leur ensemble.
D’une certaine façon, les révoltes actuelles dans le monde
arabe, ont d’une façon ou d’une autre, pris exemple sur Octobre
1988, ou les espoirs confisqués. On se souvient que ce
ras-le-bol pour un changement total de régime a débouché sur la
tragédie nationale qui, à bien des égards, a servi d’exemple aux
autres peuples en ce sens que l’Islam politique a totalement
perdu la bataille entraînant dans sa chute, il faut le
regretter, l’Islam par une diabolisation occidentale récurrente
et partant, un refus de ses valeurs, ne zoomant que sur les
épisodes sanglants, dont se gardera de rapporter en honnêtes
courtiers les prémices à savoir, l’attaque incessante des pays
musulmans (tous les conflits actuels font appel, d’une façon ou
d’une autre, à un soubassement religieux). Le chaos irakien, la
crise libanaise, le conflit afghan en sont des exemples, La
manipulation dit-on des câbles wikiLeaks révélant le bradage de
la Palestine au profit d’Israël par l’équipe d’un autre satrape
Mahmoud Abbas, ses dénégations peinent à convaincre..
Pourtant les valeurs de l’Islam bien compris, sont des repères
religieux, voire identitaires dans un monde de plus en plus
dangereux. On découvre depuis quelque temps, les banques
islamiques et tous les pays occidentaux ont permis l’ouverture
de banques, où les risques sont partagés entre la banque et le
client. Contrairement à la nouvelle religion occidentale de
l’argent déclinée de différentes façons,
mondialisation-laminoir, prédations de la finance, ajustement
structurel qui rend caduques toutes les politiques sociales de
l’Etat. Ce mimétisme est encore plus tragique au sein des pays
arabes car aucun d’eux ne crée de la richesse, ils vivent en
satrapes sur le fonds de commerce de la nature, tels que le
pétrole, le gaz, et d’une certaine façon, le tourisme qui sont
des mannes qui profitent, dans une large mesure, aux dirigeants
qui permettent pour se maintenir, l’avènement de toute une faune
prédatrice qui fait de la corruption le fondement de son
«éthique».
Le pouvoir temporel
Enfin, un autre paramètre qui sera de plus en plus mis en oeuvre
est celui des divisions ethniques au sein des pays fragiles.
Plus rien ne doit s’opposer au capitalisme et à l’idéologie
sioniste et judéo-chrétienne.
Les Etats nations des pays arabes seront, à n’en point douter,
s’il n’y a pas de prise de conscience rapide, atomisés en
ethnies.
La dernière attaque a concerné le Soudan coupé en deux à la fois
du point de vue ethnique, religieux et en termes de ressources
énergétiques devant le silence coupable et honteux des potentats
arabes.
L’exemple du Soudan guette les pays arabes et il ne faut pas
croire que nous en sortirons indemnes si on continue sur cette
lancée depuis l’indépendance de la ‘accabya et du régionalisme.
On peut reprocher sans doute beaucoup, de choses au défunt
président Boumediene, à son crédit la mise en place d’un Service
national, véritable creuset de la nation, qui avait permis un
temps de contribuer au brassage des Algériens. Que reste-t-il de
tout cela? Il faut le dire: pas grand-chose. La culture en
Algérie a folklorisé dans le sens du chant et de la danse
l’identité algérienne en invitant dans le plus pur mimétisme des
Mille et Une Nuits, au farniente et à l’enivrement des vapeurs
du narguilé pendant que le monde développé en est au Web3.0, que
la Chine a rattrapé les Etats-Unis en concevant l’avion furtif
et que les Israéliens se sont imposés dans la fabrication des
drones qui se vendent comme des petits pains et qui font des
ravages dans les populations afghanes musulmanes. Les émissions
et les «qua’date» sont en fait des soporifiques qui nous
remémorent un passé nostalgique et perdu, mais qu’avons-nous
fait, nous, pour donner aux jeunes cette fierté d’être algérien
comme le martelait à sa façon monsieur Nahnah: «Mine Tamanrasset
ila Tizi Ouzou, oua min Tlemcen ila Tebessa»
Que faut-il faire alors? Est-ce que le fait de procéder à des
aménagements qui ressemblent à des cataplasmes sur une jambe de
bois suffira-t-il? Est-ce que le fait d’ânonner qu’il faut la
démocratie suffira? Il faut remarquer que le champ politique
est, à des degrés divers, cohérent.
«L’opposition» est en fait, un faire-valoir d’autant qu’elle
participe d’une façon ou d’une autre par APN interposée, à la
gestion calamiteuse du pays. On nous arguera qu’elle a protesté,
est-ce suffisant de protester, en ne rendant pas carrément son
tablier? Est-ce normal que les espérances des jeunes soient
récupérées d’une façon ou d’une autre?
Amen
Non! Il est nécessaire de repartir du bon pied en tentant de
rattraper ce qui peut l’être encore. Le destin de l’Algérie ne
doit pas être dicté de l’extérieur.
Le moment est venu, une fois de faire émerger à côté encore des
légitimités historiques, les nouvelles légitimités du XXIe
siècle. Chacun devra être jugé sur sa valeur ajoutée non pas en
tant que remueur de foule, voire comme professionnel de la
politique.
A ce propos, je me suis souvent interrogé sur l’apport personnel
de nos chers élus- ce terme a une connotation biblique- en
clair, que sait faire un élu en dehors de l’APN?
Le moment est venu, le croyons-nous encore une fois, de
réconcilier les Algériennes et les Algériens avec leur Histoire
de telle façon à en faire un invariant qui ne sera pas récupéré
d’une façon ou d’une autre.
Après cela, il faut remettre ce peuple au travail en mettant à
plat nos forces et nos faiblesses.
Enfin, le chantier le plus urgent consistera à revoir de fond en
comble le système éducatif responsable de la débâcle actuelle
et, notamment l’enseignement supérieur qui doit tourner le dos à
une colonisation mentale qui fait que nous sous-traitons le
destin scientifique de l’Algérie à l’ancienne puissance
coloniale. Ce qui est scandaleux, nous l’avons vu avec la
débâcle des «Ecoles préparatoires» où le destin des jeunes est
perverti. Je suis sûr qu’un état des lieux sans complaisance
dans tous les domaines, notamment dans le domaine de l’énergie,
permettra à cette Algérie d’offrir une perspective à ces jeunes
qui ne demandent qu’à rester, qu’à prouver qu’ils sont Algériens
qui veulent vivre, non pas se suicider par le feu ou se brûler «harraga»
par la mer. Ils donneront alors la pleine mesure de leurs
talents. Amen.
Pr Chems Eddine Chitour,
Ecole nationale polytechnique
Droits de reproduction et de diffusion
réservés © L'Expression
Publié le 29 janvier 2011 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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