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L'EXPRESSIONDZ.COM
ISLAMOPHOBIE AU PAYS DES DROITS DE L'HOMME BLANC
Pourquoi tant de haine ?
Chems Eddine Chitour
Photo Vitrolles PCF
Jeudi 25 décembre 2008
«Seigneur, fais de moi un instrument de Ta paix. Là où est la
haine, que je mette l’amour. Là où est l’offense, que je mette
le pardon. Là où est la discorde, que je mette l’union. Là où
est l’erreur, que je mette la vérité, c’est en pardonnant qu’on
est pardonné»
Saint François d’Assise (Prière)
Encore une fois dans l’indifférence quasi
générale des autorités officielles et de la presse «main-stream»,
la deuxième communauté de France comptabilise les agressions
faites à sa religion, à ses morts - qui pourtant sont morts pour
la France-. Elle voit ses lieux de prière devenir la cible
facile d’autres Français bien dans leur peau et apparemment sans
retenue quand il s’agit de «s’attaquer» à cette religion
que l’on dit poser problème à la République et à ce désir d’être
ensemble entre Français de souche ou à la rigueur entre
Chrétiens européens voire entre chrétiens tout court. On nous
dit que le président a protesté, qu’une enquête va être
diligentée -une de plus-. De fait divers en fait divers, on
banalise l’intolérance et l’islamophobie a vocation, de ce fait,
à structurer durablement le corps social français. On sait la
sollicitude avec laquelle les «Chrétiens persécutés» en
terre d’islam (Irak, Egypte..) trouvent une oreille
compatissante auprès des plus hautes autorités. N’a-t-on pas vu
en effet, le ministre de l’Intégration et de l’Identité
nationale accueillir avec «un zèle de bénédictin» des
familles irakiennes de cette confession. Pendant ce temps, des
dizaines de familles de réfugiés croupissent dans les centres de
rétention en attendant le «charter» qu’on leur offre pour
leur retour.
L’Islamophobie n’a pas jailli du néant, elle a été créée au fil
des ans, entretenue par des intellectuels qui ont pignon sur rue
et qui sont abonnés aux médias lourds. Je veux citer les
Alexandre Adler, Bernard Henry Lévy, responsables - sous des
dehors bon chic bon genre- de la perfusion lente mais savante de
ce poison qu’est le racisme, l’islamophobie et l’intolérance. Je
veux citer Finkielkraut aussi, concepteur du concept de racisme
anti-blanc et qui appelle à la rescousse le ban et l’arrière ban
contre tous les basanés et les mélanodermes scories de la
colonisation. Dans un article précédent, j’avais écrit que les
Musulmans du XXIe siècle pourraient avoir un sort analogue aux
Juifs lors de la Seconde Guerre mondiale. Cela ne veut pas dire
que le racisme, l’islamophobie sont une spécialité française.
L’Italie de Berlusconi n’est pas en reste. Lui-même déclare que
le christianisme est supérieur à l’Islam. Cette appréciation
surréaliste est tout à fait recevable si c’est le commun des
mortels qui le pense. Dans la bouche d’un chef de gouvernement,
c’est un appel à l’intolérance. Dans ces conditions, on comprend
le délire d’Oriana Fallaci, journaliste, qui dans un essai d’une
rare violence. «La rage et l’orgueil», déclare que «les
fils de Mohamed prolifèrent comme des rats».Alain
Finkielkraut eut à la présenter en France et à défendre son
ouvrage.
Ambivalence
Cependant, en France, une réelle ambivalence règne. D’un côté,
on martèle pour tenter de convaincre - en vain- que la France
est la patrie des droits de l’homme et qu’à ce titre, elle a des
devoirs, de l’autre- du côté de la réalité - c’est une
atmosphère de goulag qui ne veut pas dire son nom. La suspicion
est partout. Il est vrai que même sous Jacques Chirac, «l’intifada
des banlieues» fut une réponse à la karchérisation des
quartiers pour permettre, aux bons Français «qui travaillent»,
de dormir en paix. Souvenons-nous de l’Affaire Marie L. En
l’espace d’une paire d’heures tout le gouvernement, président en
tête se sont fendus de communiqués d’allégeance à la communauté
juive, sans naturellement vérifier la véracité des dires de
Marie L. qui s’avère être une malade qui a accusé injustement
des Beurs et des noirs de l’avoir agressée. «Celui qui touche
à un cheveu d’un Juif touche à la République» a martelé
Chirac. Après le constat du canular, il n’y eut pas d’excuse
envers les incriminés.
Cette dérive islamophobe a démarré vraisemblablement après les
indépendances des pays maghrébins et notamment de l’Algérie.
Tant que l’Islam était invisible, il était cantonné dans la
sphère du folklore. A partir du moment où les émigrés décidèrent
de faire souche, ils demandèrent à la République le droit de
pratiquer leur culte, non plus d’une façon clandestine mais
d’une façon visible dans des lieux appropriés, d’enterrer leurs
morts dans des endroits spécifiques. Petit à petit se consolide
un front diffus anti-algérien, anti-arabe, anti-islam, d’autant
que les médias jetant intentionnellement de l’huile sur le feu
pour alimenter le bûcher de la suspicion et de la haine en
présentant l’Islam comme une religion conquérante. On ne peut
s’imaginer le désastre, comme une phrase aussi anodine comme
l’Islam est la deuxième religion de France pratiquée par 6
millions de musulmans. En face, les églises se vident, le clergé
peine à susciter des vocations. Dans le sud-est de la France le
clergé a été contraint de vendre une église mais il s’est récusé
quand l’acheteur était la communauté musulmane qui voulait en
faire une mosquée...
Est-il normal que des tombes sont profanées par centaines, que
des agressions à caractère raciste aient lieu, que des lieux de
prière -euphémisme utilisé souvent pour désigner des garages
insalubres- soient incendiés, qu’une véritable inquisition soit
instituée au nom d’une laïcité à géométrie variable confiant,
par délégation, le dangereux pouvoir de l’inquisition à des
fonctionnaires zélés qui en rajoutent en termes de raffinement.
Cela va de la directrice d’école qui exclut une foulardée,
comptant de ce fait répondre à l’air du temps et dans le même
temps «venger la femme en s’attaquant à une valeur de l’islam».
Ceci étant dit, ce qui se passe outre- Méditerranée n’est que
l’une des nombreuses répliques de notre rapport à la religion
chrétienne. Si l’Islam protège les «gens du Livre», dans
les faits, dans notre pays notre justice est souvent tentée par
une justice expéditive comme dans le cas de l’affaire Habiba ou
des six jeunes qui priaient en privé. Pour justifier la croisade
contre un prétendu prosélytisme évangélique, les autorités
invoquent la loi du 28 février 2006. Dans les faits, la réalité
est plus triviale. A Tiaret, on a arrêté une frêle jeune femme
en possession de redoutables pièces à conviction: des Bibles! Là
où il s’agit de réaffirmer avec force la liberté de conscience,
des exégètes de bistrot invoquent la «tolérance de l’Islam
envers les gens du livre» pour concéder aux pratiquants de «cultes
non musulmans» quelques strapontins de sous-citoyens. Les
chrétiens algériens sont d’abord des citoyens. Dans une
République, les citoyens sont tous soumis aux mêmes lois, qu’ils
soient croyants ou athées...Tout comme ils ont droit au même
respect de leurs convictions et à la pratique libre de leur
culte, tant qu’ils ne les imposent pas aux autres par la
contrainte. Aux persécutions en cours, répondent,
outre-Méditerranée, les vociférations de l’extrême droite qui
exige, avec une certaine logique il faut le reconnaître,
l’application du principe de réciprocité du fait de La «christianophobie»
rampante en Algérie.
Pour revenir à l’Islamophobie, on peut sans conteste affirmer
que l’attaque des twin towers a cristallisé une haine latente
envers l’Islam. De plus, l’élection de Benoît XVI a donné un
coup d’accélérateur à la distanciation d’avec l’Islam devenu le
«tiers exclu de la Révélation abrahamique». A propos du
discours agressif de Ratisbonne, le New York Times écrit: «Le
monde écoute avec attention les propos de chaque pape. Et il est
tragique et dangereux que l’un d’eux sème la douleur, soit
délibérément, soit par négligence.» Pour Salman al Odeh,
l’une des principales personnalités religieuses d’Arabie
Saoudite, ´´Comment le pape peut-il insinuer que les musulmans
sont à l’origine du terrorisme dans le monde alors que ce sont
les adeptes du christianisme qui attaquent les pays du monde
islamique?´´. ´´Qui a attaqué l’Afghanistan et envahi l’Irak?
(...) Les déclarations du pape visent à couvrir l’injustice et
l’agression menée par le gouvernement américain contre les
musulmans´´, a-t-il dit. Le moins que l’on puisse dire est que
le pape Benoît XVI ne croyait pas au dialogue avec l’Islam, déjà
bien avant qu’il ne fût pape. Pour un pape qui parle à la fois
en tant que chef de l’Eglise catholique et chef d’Etat, il
s’agit d’un dangereux parti pris qui est loin de l’esprit de
Vatican II. Comment une personnalité disposant d’un tel magister
moral et d’un impact médiatique a-t-elle pu avoir si peu le sens
diplomatique? Il est hors de doute que ce sont des propos bien
étudiés dans le cadre d’une conférence minutieusement préparée.
On comprend dans ces conditions que les regrets ne règlent rien.
Pourtant, il reconnaît que dans un entretien à la Republica en
2004: «L’islam est en mesure d’offrir une base spirituelle
vitale pour la vie des peuples, une base spirituelle qui semble
bien avoir échappé des mains de la vieille Europe.» Mais il
souligne aussi les différences, d’où son hostilité à l’entrée de
la Turquie dans l’Union européenne. Peu avant d’être pape, il
répétait encore: «Historiquement et culturellement, la
Turquie a peu en commun avec l’Europe [...]. Il serait mieux
qu’elle devienne un pont avec le monde arabe ou qu’elle forme
avec lui son propre continent culturel.»
Evangélisation musclée
Déjà le 9 janvier 2006, Le pape avait déclaré que: «La raison
en est que, contrairement au Judaïsme et au Christianisme qui
considèrent la Bible comme étant inspirée par Dieu à des êtres
humains, et donc sujette à interprétation, l’Islam croit que le
Coran est la parole littérale et directe de Dieu...Benoît XVI a
pris ses distances avec le troisième des monothéismes en faisant
fusionner le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux
- qui comprenait l’Islam - avec celui de la culture, débarquant
du même coup le président dudit conseil, Mgr Michael Fitzgerald,
connu pour sa sympathie envers les musulmans.».
Souvenons-nous aussi: le secrétaire personnel du pape Benoît XVI
s’est ému de l’islamisation de l’Europe et a insisté sur la
nécessité de ne pas ignorer les racines chrétiennes du
continent. ´´On ne peut pas nier les tentatives pour islamiser
l’Ouest´´, aurait déclaré Monseigneur Georg Gaenswein, cité par
le magazine hebdomadaire Süddeutschezeitung, paru vendredi 27
juillet 2007. A la même époque l’influent archevêque de Cologne,
Joachim Meisner, a déclaré dans une interview à la radio
Deutschlandfunk que ´´l’immigration de musulmans a ouvert une
brèche dans notre culture allemande, européenne´´.
Allant plus loin, le pape prône une évangélisation musclée.
Propager la parole du Christ, a-t-il souligné, est plus
important encore que toutes les aides au développement accordées
aux pays pauvres de la planète. ´´Quand nous apportons aux
autres seulement la connaissance, le savoir-faire, la compétence
technique et les instruments, nous ne leur apportons pas
assez.´´ Citant l’exemple de l’Eglise catholique en Allemagne,
l’une des plus riches au monde, il a remarqué que si elle se
montrait généreuse dans l’aide au développement, elle ne faisait
peut-être pas assez pour diffuser l’Evangile. ´´L’évangélisation
devrait être la priorité´´, a-t-il dit. L’obsession de ce pape
allemand est l’effondrement de la foi et de la mémoire des
racines chrétiennes dans une Europe ´´sourde´´ à Dieu. Une
Europe sécularisée qui s’affaiblit par rapport à un Islam jugé à
tort, conquérant.(1)
Voilà, tout est dit, il faut indexer l’aide au développement à
la nécessité de perdre son âme ou de gagner le paradis, c’est
selon. Cela nous rappelle un certain cardinal Lavigerie qui
avait sévi en Algérie; on lui doit notamment la conversion
forcée d’enfants, la distribution du pain et de nourriture à des
malades en échange de leur conversion.
En définitive, les bras qui ont brûlé la mosquée de
Saint-Priest, ceux qui ont vandalisé les tombes à Lille ne sont
pas plus coupables que les architectes de ces croisades des
temps modernes et qui ne veulent pas dire leur nom. Malgré les
protestations molles des gens du culte musulman et leur désir de
mettre en place un observatoire de l’islamphobie, à l’instar des
multiples instances qui protègent la communauté juive dont un
observatoire de l’antisémitisme, les résultats seront vains tant
que la République ne regarde pas l’Islam en France et ne lui
accorde pas le même statut que les autres religions. Il est à
craindre une escalade beaucoup plus violente si la République ne
donne pas un coup d’arrêt à ces dérives.
«Au XXe siècle, pense Mohammad Khatami, le monde a été la
scène de discrimination, fracturé de misère et d’iniquité,
dirigé par une logique à deux vitesses, déchiré par le partage
inéquitable des richesses, qui ont déclenché à leur tour des
guerres les plus létales.» a déploré l’ex-président iranien.
«Qu’est-ce qui manque à ce monde, s’est-il interrogé, nous
bénéficions de sciences et de technologie, mais nous n’avons pas
de justice, nous jouissons de puissance et de science mais nous
sommes dépourvus de moralité. J’ai la ferme conviction que tout
en honorant la science et la technologie, qu’aucune nation ne
peut s’en passer, les grands absents de ce monde qui sont à
l’origine de ces problèmes, se résument dans le sourire de
Bouddha, la clémence de Jésus (béni soit-il), l’éthique de
Mohammad (que la paix divine soit sur lui et sur ses
descendants), la justice de Moussa (béni soit-il). Voilà les
grands absents de notre monde.», a déclaré l’ex-président
iranien. «Le problème, a-t-il ajouté, ne réside pas
uniquement dans l’absence de cette justice, de ce sourire, de
cette étique ou de cette clémence, le malheur est qu’ils se sont
transformés en conflit, en violence, en hypocrisie et en
répression. Il nous incombe de sauver science, art, religion et
toutes les autres manifestations de la vie humaine des griffes
des individus hégémoniques, maximalistes et bellicistes. Le
monde sera ainsi purifié de violence. Il y va du devoir de nous
tous.»(2).
(*) Ecole nationale polytechnique
1.Reuters: Le pape déplore la
déchristianisation de l’Occident 10 septembre 2006
2.Mohammad Khatami à la Conférence pour la paix et la religion.
Mardi 29 Août 2006 IRIB
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Publié le 25 décembre 2008 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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