Opinion
Etats-Unis - Chine
- Russie : Le partage du monde
Chems
Eddine Chitour
Pr Chems
Eddine Chitour
Jeudi 23 février
2012
«Si vis pacem
para bellum»
«Qui veut la paix, prépare la guerre.»
Végèce
Des bruits de bottes annoncent une année
2012 qui ne sera pas de tout repos pour
les damnés de la Terre. Le Printemps
arabe s'est terminé dans le chaos le
plus total pour les peuples qui ont
compris qu'ils ont été manipulés, que
l'ancien ordre avec les tyrans laïcs a
fait place, avec la bénédiction du même
Occident, à des dirigeants dont l'Islam
serait «modéré», tout aussi complaisants
avec l'Occident, notamment en leur
ouvrant grandes les portes du pays pour
qu'ils se servent et dans le même temps,
ils ont l'autorisation de faire ce
qu'ils veulent pourvu qu'il n'y ait pas
trop de vagues... A titre d'exemple, on
dit que le chaos règne en Libye -110
morts aux derniers accrochages-et que
chaque ville a son seigneur de la
guerre. L'insécurité règne à telle
enseigne que les Occidentaux s'attachent
les services de sociétés spécialisées
pour leur sécurité. Pour l'histoire,
cela a commencé en Irak avec les
sociétés privées qui faisaient la guerre
par procuration. Tout le monde se
souvient des méfaits de Blackwater. Il
semble que la guerre va de plus en plus
être privatisée.
Manlio Dinucci nous en parle: «Quel est
le métier le plus dangereux dans les
forces USA/Otan en Afghanistan? Pas
celui de soldat, comme il pourrait
sembler, mais de contractor
(sous-traitant, NdT). Selon les données
officielles, ont été tués en
Afghanistan, l'an dernier, plus de
contractors de compagnies militaires
privées états-uniennes que de soldats de
l'armée états-unienne: 430, contre 418.
(...)Selon les données officielles,
opèrent en Afghanistan pour le compte du
Pentagone, plus de 113 mille contractors
de compagnies privées, tandis que les
soldats états-uniens sont environ 90
mille. Les contractors sont pour 22% des
citoyens états-uniens, pour 31% d'autres
pays et 47% des Afghans. Dans la zone du
Commandement central états-unien, qui
comprend aussi l'Irak, les contractors
du Pentagone sont plus de 150
mille.(...) Ceux-ci sont fournis par un
oligopole de grandes compagnies,
structurées comme de véritables
multinationales. Parmi les plus
qualifiées, la Xe Services Llc
(auparavant connue comme Blackwater) qui
fournit des «solutions innovantes» au
gouvernement états-unien et à d'autres.
La DynCorp International, qui s'autodéfinit
comme une «entreprise globale
multiforme», spécialisée en «imposition
de la loi, peacekeeping (maintien de la
paix... NdT) et opérations de
stabilité». (...)La stratégie des
privatisations, avec laquelle on démolit
le bien public à l'avantage des élites
économiques et financières dans les
mains desquelles se trouve le pouvoir
réel, est donc valable aussi pour la
guerre. (...)Ce qui n'est par contre,
pas privatisé c'est la dépense pour la
guerre qui, payée en deniers publics,
accroît la dette qui retombe sur la
majorité des citoyens. (1)
La réalité des guerres
Il ne faut pas croire que les guerres
n'obéissent pas à une logique implacable
qui est celle de la suprématie
multidimensionnelle. Depuis quelque
temps, les médias occidentaux reprochent
à la Chine et à la Russie leurs
instincts guerriers en modernisant leurs
armées. La guerre, le racisme et la
discorde, moteurs de notre Histoire et
déterminants historiques, piliers des
religions judéo-chrétiennes, fondements
de l'Ancien Testament, sont omniprésents
dans notre culture occidentale. Au
contraire, les textes fondateurs de
l'Empire du Milieu sont remarquables
pour leurs réflexions sur la paix,
l'importance de la diplomatie et de
l'équilibre.
Dans une contribution percutante lue sur
Agoravox, nous lisons à propos de la
Chine et des Etats-Unis la comparaison
des vertus guerrières: «La Chine,
deuxième puissance économique et
militaire du monde, avec quatre fois
plus d'habitants que les Etats-Unis,
n'est à l'origine, sur le théâtre
international depuis 30 ans, que de très
peu de guerres et de coups d'Etat,
relativement aux Etats-Unis. Nous
connaissons aujourd'hui le nombre de
pays où la CIA a organisé des coups
d'Etat contre des dirigeants élus
démocratiquement. Tout le monde se
souvient des images poignantes des
derniers moments de Salvador Allende au
Chili, mais le moindre historien peut
répertorier des dizaines d'autres pays
d'Amérique latine, du Moyen-Orient ou
d'Asie, où des gouvernements ont été
renversés par les Etats-Unis pour mettre
en place des régimes favorables et
souvent liberticides. (...) La guerre
donc, et la conquête par la force,
omniprésente dans les textes fondateurs
de notre culture, est le fondement des
empires coloniaux occidentaux, et de
l'Empire américain, qui est le
prolongement naturel de ceux-ci ». (2)
« Après l'écroulement du bloc
communiste, les Etats-Unis ont bénéficié
d'un court moment historique, où ils ont
dominé le monde sans rival. Aujourd'hui,
un nouveau monde bipolaire est en train
de voir le jour sur la scène
internationale, et un bras de fer a lieu
à l'endroit où nos guerres se jouent
depuis toujours, sous le sable de
Syrie... Il se terminera ensuite en
Iran. Et nous irons soit vers la Guerre
- si les occidentaux ne transigent pas
sur leur vision du monde-, soit vers la
paix- s'ils se mettent d'accord avec la
Chine qui ne veut rien d'autre qu'un
monde dans lequel elle puisse étendre
son empire économique. Autrement dit, il
ne reste plus aux Occidentaux que le
choix d'embrasser la Chine, ou
d'embraser le monde avec la première
véritable guerre mondiale.(...) Mais
comme d'habitude, les véritables enjeux
sont économiques. Le temps est compté
pour les Américains et ils le savent. Il
leur faut agir vite, et les «révolutions
arabes» sont peut-être l'autre nom,
d'une dernière opération désespérée de
l'empire américain pour verrouiller une
région stratégique. (2)
On l'aura compris, les Chinois observent
avec agacement les velléités américaines
de mettre un cordon sanitaire. Ils
voient d'un très mauvais oeil la
tentative d'encerclement par le
déploiement jusqu'à 2 500 marines en
Australie. Selon une dépêche de l'AFP,
le président chinois Hu Jintao a appelé
mardi 6 décembre à la marine de se
préparer pour le combat militaire, au
milieu de la montée des tensions
régionales sur les différends maritimes
et d'une campagne américaine de
s'affirmer comme une puissance du
Pacifique. S'adressant à la puissante
Commission militaire centrale, Hu a
déclaré: «Notre travail doit étroitement
encercler le thème principal de la
défense nationale et la construction
militaire.» L'agence de nouvelles
officielle Xinhua a cité le président
que de dire que la marine chinoise
devrait «faire des préparatifs pour la
guerre prolongée». (3)
Une analyse sur le site Oulala permet
d'expliquer pourquoi la Chine modernise
son armée «étant donné qu'au stade
impérialiste de développement économique
mondial, tous les marchés, toutes les
zones de ressources naturelles et toutes
les aires d'exploitation de la
main-d'oeuvre sont déjà accaparés par
l'une ou l'autre des puissances
impérialistes en piste, la Chine n'a
pour alternative que de mener des
guerres commerciales, financières et
monétaires de conquête afin de
repartager les zones d'influence et
d'exploitation hégémoniques. Pour le
moment, les méthodes d'expansion
chinoise sont différentes des méthodes
utilisées par les États-uniens. Pour sa
première phase d'expansion impérialiste,
la Chine joue la conciliatrice et tente,
autant que faire se peut, d'apaiser le
jeu de la concurrence entre les trois
blocs impérialistes opposés, l'Union de
l'Euro, l'Alena du Dollar, l'Alliance de
Shanghai du Yuan -. Mais cette retenue
et cette diplomatie ne doivent pas faire
mirage, la Chine impérialiste commence à
s'armer et quand les États-Unis
deviendront trop menaçants - eux qui
viennent de déplacer leurs flottes de
guerre vers le Pacifique, l'Empire du
Milieu sera prêt à riposter.(4)
L'auteur nous donne ensuite un aperçu de
la puissance de frappe technologique de
la Chine: «Voici le portrait d'un géant
au pays des superlatifs. Prenez garde
cependant, ces statistiques éloquentes
de puissance dissimulent la Chine d'en
bas, celle de l'arrière-pays, la Chine
du tiers-monde. Son Produit intérieur
brut (PIB) est de 8765 MM $ (2e) et il
croît en moyenne de 9 à 11% par année
(contre 1 à 3% hors inflation pour les
pays impérialistes en déclin) (3). Le
PIB par habitant est de 8600 $ (95e),
par contre, 55 millions de Chinois
gagnent plus de 45.000 $ par année et la
Chine compte 271 milliardaires «rouges»
et 960.000 millionnaires
«pourpres»;(...) La Chine consomme 2,43
milliards de tep d'énergie annuellement
(1er). Elle produit 4,206 TWh
d'électricité majoritairement d'origine
thermique (charbon) dont 721 TWh
d'origine hydroélectrique. (...) Le
million quatre cent mille chercheurs
chinois (2e) oeuvrant dans plus de mille
centres de recherche ont déposé 391.000
demandes de brevets d'invention (2e). Le
rythme d'augmentation de ces dépôts est
de 20% par année depuis 2003 (1er). La
Chine est déjà le deuxième dépositaire
de brevets en nanotechnologie.. »(4)
«Enfin, la Chine consacre 1,75% de son
PIB à la R&D. Le 12e Plan quinquennal
prévoit que ce sera 2,2% en 2015 La
Chine opère son premier porte-avions
militaire, le Shi Lang (ex-Varyag russe
réaménagé), affrété par l'APL (302
mètres et 67.000 tonnes pour 50 avions
de combat embarqués). Trois autres
porte-avions militaires entièrement
chinois sont en construction à Dalian et
à Jiang nan près de Shanghai. Les
États-Unis détiennent onze porte-avions
plus puissants et voudraient les
remplacer mais n'ont pas les crédits
requis. En 2010, la République populaire
a fait voler son premier avion de combat
de 5e génération, le furtif j-20 un
biréacteur comparable au F-35 JSF et au
F-22A américains. La Chine produit en
série le char d'assaut de 4e génération
le 99KM, un mastodonte de 75 tonnes,
2100 CV, canon de 155 mm pour missiles à
tir téléguidé (brouillage des
dispositifs optiques adverses à
bord.).(4)
Les dernières informations reprises en
boucle présentent la «menace chinoise.
«Le budget de défense chinois devrait
atteindre 238,2 milliards de dollars en
2015. Pour autant, la Chine essaie bien
de moderniser son armée depuis plusieurs
années. En août 2011, le rapport annuel
du Pentagone sur l'armée chinoise
soulignait la modernisation accélérée de
l'appareil militaire chinois.
Amélioration ses systèmes radar,
accroissement de sa flotte de
sous-marins d'attaque et rénovation de
ses navires de guerre: les mesures
prises par Pékin inquiètent le ministère
de la Défense américain, qui craint un
futur bouleversement des équilibres
géopolitiques en Asie. (...)Pas vraiment
de quoi inquiéter la puissance militaire
américaine, qui dispose du budget le
plus important au monde, avec 768
milliards de dollars (552,11 milliards
d'euros) en 2011.((5)
Pour rappel, les dépenses militaires par
habitant (2009): USA = 2141$ - Chine =
75$ - France = 977$; dépenses militaires
en pourcentage PIB (2009): USA = 4,7% -
Chine = 2,2% - France = 2,5%. On le
voit, la vertu guerrière est
occidentale.
Même la Russie a compris qu'il fallait
rattraper son retard. Vladimir Poutine a
estimé, lundi 20 février, que la Russie
avait besoin de renforcer son armée afin
de se protéger contre les tentatives
étrangères d'allumer de nouveaux
conflits à ses frontières. Le Premier
ministre russe explique dans un article
que la Russie devra dépenser 23 000
milliards de roubles (786 milliards de
dollars) pour moderniser sa défense au
cours de la décennie à venir. De
nouveaux conflits régionaux et locaux
sont allumés juste sous nos yeux,
écrit-il dans un article publié en
première page de Rossiskaïa Gazetta,.
«Il y a des tentatives pour provoquer de
tels conflits à la proximité immédiate
des frontières de la Russie et de nos
alliés.» Lundi, le Premier ministre
sortant a visité une usine de
fabrication de nouveaux chasseurs
furtifs à Komsomolsk sur l'Amour, dans
l'Extrême-Orient russe. Il a également
examiné un T-50, présenté par les Russes
comme le concurrent de l'avion furtif
américain F-22. Vladimir Poutine accuse
les puissances étrangères d'aider
l'opposition à organiser des
manifestations contre son gouvernement.
Il estime que la Russie, qui a mis avec
la Chine un veto à une résolution du
Conseil de sécurité de l'ONU sur la
Syrie au début du mois, doit pouvoir
compter sur une armée forte pour que sa
position soit prise en compte par les
autres puissances. «Dans ces conditions,
la Russie ne peut pas dépendre
uniquement des moyens diplomatiques et
économiques pour résoudre un conflit»,
écrit-il encore.(6)
Et l'Iran c'est pour quand?
En réponse à la montée de l'hostilité
occidentale envers l'Iran, le
major-général Zhang Zhaozhong a remarqué
que «la Chine n'hésiterait pas à
protéger l'Iran même si cela doit
déclencher une troisième guerre
mondiale» (...) L'ambassadeur de la
Chine à l'ONU a prévenu le directeur de
l'Aiea, de ne pas fabriquer de preuve
´sans fondement´´ afin de justifier une
attaque sur l'Iran» Prémonition, encore
une fois on apprend que l'Aiea vient
d'arrêter ses discussions accusant
l'Iran de programme nucléaire militaire.
La doxa occidentale a réussi à faire
admettre qu'il ne s'agit plus de
discuter ou non du programme nucléaire,
la question est quand l'Occident
attaquera l'Iran. Naturellement, Israël
doit le faire par légitime défense.
David Isenberg du journal «Asia Times»
avec un rare cynisme attise le feu,
parle du principe que l'attaque de
l'Iran est acceptée. L'auteur décrit la
difficulté, évalue les chances et donne
son avis sur la façon d'agresser l'Iran,
un pays qui n'est en guerre contre
personne: «Si on part du principe que
l'attaque se ferait par avion, reste à
savoir par où les appareils passeraient
pour toucher des objectifs situés à 332
kilomètres à l'intérieur du territoire
iranien. Ils peuvent passer soit par
l'Arabie Saoudite, soit par l'Irak,
peut-être même par la Jordanie. (...)
Les Israéliens peuvent réussir en
théorie, mais le risque d'échec est
élevé. S'ils décident d'attaquer le site
de Natanz, ils devront causer des dégâts
suffisamment importants dès la première
attaque parce qu'ils ne pourront pas
procéder à des frappes sur les autres
installations». Inquiet de la suite du
raid, il demande implicitement aux
Etats-Unis de prendre la relève:
«Cependant, une fois que les appareils
israéliens seront rentrés au bercail,
l'Iran ne risque-t-il pas de réparer les
dégâts et d'accélérer son programme
nucléaire? Ou Israël part-il du principe
que les Etats-Unis reprendront le
flambeau et se lanceront dans une guerre
à long terme avec l'Iran?» (7)
On le voit, la suite ce n'est plus le
problème d'Israël, le programme détruit,
Israël restera en toute impunité et
contre le traité TNP, le seul à détenir
200 ogives à tétaniser la région et à
faire enterrer définitivement la cause
du peuple palestinien Le vieux proverbe,
romain «si vis pacem, para bellum»,
était valable car la force décidait
tout. Il est plus que jamais
l'expression de la vérité. Les grands
préparatifs de guerre mènent
inexorablement à la guerre. Sombre
perspective pour l'humanité.
1. M. Dinucci L'art de la guerre
/www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=29280
2. La Chine au service de la paix?
Agoravox 14 février 2012
3. Joseph Watson et Yi Han: L'armée
chinoise, Mondialisation.ca, le 2
décembre 2011
4. La Chine puissance
impérialiste://www.oulala.net/Portail/spip.php?article5509
17 02 12
5. D. Roucaute Comment la Chine
développe son armée à marche forcée-Le
Monde.fr 17.2.12
6. Vladimir Poutine vante les mérites
d'une armée russe forte-Le Monde.fr avec
Reuters 20.02.12
7. David Isenberg: Attaquer l'Iran: plus
facile à dire qu'à faire Asia Times
21.02.2012
Professeur
Chems Eddine our
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 24 février
2012 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
Les dernières mises à jour
|