Opinion
7ème anniversaire de la mort d'Arafat :
L'échec prévisible de tentative
d'admission à l'ONU
Chems Eddine Chitour
Dimanche 20 novembre
2011
«La guerre de
14-18 avait fait un civil tué pour dix
militaires. La guerre de 39-45, un civil
pour un militaire. Le Viêt Nam, cent
civils pour un militaire. Pour la
prochaine, les militaires seront les
seuls survivants. Engagez-vous!»
Coluche
Nous pourrions ajouter aussi que durant
les massacres de masses de Gaza, de la
main de « l’armée la plus pure au Monde
» en 2008-2009, il y eut 47 combattants
du Hamas morts et dans le même temps
plus de 1300 enfants, femmes vieillards
tous civils. La proportion prophétique
de Coluche est respectée. Justement cet
évènement douloureux est pour nous
l’occasion de revenir sur la vie et la
mort de celui qui incarnait le combat
pour une Palestine, libre, où il
pourrait enfin, prier à Jérusalem….
Il y a sept ans en effet, jour pour
jour, disparaissait Arafat, il y a sept
jours le Conseil de sécurité de l'ONU le
tuait pour une deuxième fois en
enterrant son vieux rêve d'une Palestine
à l'ONU. La singularité de ce septième
anniversaire se déroule dans un nouveau
contexte, celui de l'écroulement du
Monde arabe ancien. Les deux piliers
entre lesquels les Palestiniens étaient
cantonnés étaient l'Egypte de Moubarak
et la Syrie. L'Egypte alliée directe de
l'Occident, d'Israël et de Mahmoud Abbas
- le champion que l'Occident a soutenu à
bout de bras -, avait fait de la chasse
aux Palestiniens de Gaza un devoir et un
dû pour les 3 milliards de $ d'aumône.
En effet, tout sera mis en cause pour
participer à l'étranglement de « Gaza la
rebelle », à la fois en fermant le
passage Rafah, mais aussi sous les
conseils avisés américains mis en œuvre
par les Français, la mise en place d'un
mur métallique à 18 mètres de profondeur
de 50 cm d'épaisseur, bardé de capteurs
électroniques pour détecter le moindre
mouvement venant des éventuels tunnels
creusés par les Gazaouis pour ne pas
mourir de faim et de maladie en tentant
de se ravitailler. Il est heureux de
constater que la Jeunesse égyptienne
arabe ait protesté contre cela et amené
les militaires à freiner cette
initiative.(1)
D'un autre côté, nous avons le régime
syrien qui est en train de disparaître
sous les coups de boutoir du même
Occident, affaiblissant du même coup
Khaled Mechaâl le leader du Hamas, -
diabolisé par l'Occident et dont les
leaders sont, pourtant de l'avis des
observateurs internationaux dont Jimmy
Carter, démocratiquement élus- installé
à Damas. Gaza est en train de vivre sous
perfusion, l'opinion occidentale se
désintéressant de son sort, étant
occupée par des problèmes internes
concernant l'attaque des marchés. Si on
y ajoute l'échec de la tentative
d'admission à l'ONU, le sort de la
Palestine est plus problématique que
jamais. Pendant ce temps, Israël
continue à construire à tour de bras sur
une terre qui n'est pas la sienne. Plus
personne en Occident ne proteste. Les
Palestiniens voient leur terre dépecée.
Que
reste-t-il de l'héritage d'Arafat ?
Il y a huit jours, les Palestiniens ont
commémoré le 7e anniversaire de la mort
de leur leader historique, Yasser
Arafat, décédé le 11 novembre 2004 à
Paris. L'ancien ministre palestinien des
Affaires étrangères, Nacer Al-Qoudwat, a
annoncé début novembre 2011, qu'un
rapport médical, établi en France, sur
les causes du décès d'Arafat, sera
publié dans un mois. Pour rappel, en
2004, Ariel Sharon franchit une étape
supplémentaire en déclarant, le 2 avril,
que son adversaire n'a «aucune
assurance» sur la vie. Sharon informe
Bush qu'il ne se sentait plus tenu par
la promesse qu'il lui avait faite en
mars 2001 de ne pas toucher à la vie
d'Arafat. Bush lui aurait répondu qu'il
fallait laisser le destin de Arafat
entre les mains de Dieu, ce à quoi
Sharon avait répondu que parfois, «Dieu
a besoin d'une aide».
Amnon Kapeliouk, journaliste qui connaît
Arafat, écrit: «...Le 28 septembre, lors
du quatrième anniversaire de l'Intifada
Al-Aqsa, je le revois pour la dernière
fois. Il me salue avec l'accolade
habituelle et prend de mes nouvelles.
Tout va bien, al-hamdou lillah, mais
vous, Abou Ammar, vous avez perdu
beaucoup de poids en peu de temps. Son
visage est amaigri, et il semble flotter
dans ses vêtements. «Ce n'est rien»,
répond-il. Au mois d'octobre, son état
de santé se dégrade. Le 3 novembre, il
sombre soudain dans le coma. Il souffre
d'une série de symptômes graves,
attribués à une toxine inconnue. Le 11
novembre, le président Yasser Arafat
ferme les yeux pour toujours. Médecin
des rois hachémites, le Jordanien Ashraf
Al-Kourdi suivait également Abou Ammar,
dont il connaissait par coeur le dossier
médical. Lui aussi, peu après le décès
de son patient, déclara percevoir des
indices d'empoisonnement. (...)
«N'importe quel médecin vous dira qu'il
s'agit là de symptômes
d'empoisonnement.»(2)
Farouk Kaddoumi, ancien n°2 de l'OLP,
accuse Mahmoud Abbas et Mohamed Dahlane
d'avoir voulu tuer Arafat. Leïla
Mazboudi écrit: «Ayant accusé Abou Mazen
et son ancien chef de la police
préventive, Mohammad Dahlane, de faire
partie du complot israélien pour tuer
Arafat et d'autres dirigeants
palestiniens, à la base d'un texte que
lui aurait envoyé le leader défunt en
personne.» Kaddoumi a réaffirmé «la
véracité et l'authenticité» des minutes
de la réunion de mars 2004 à
Jérusalem-Ouest, au cours de laquelle le
complot allégué d'empoisonnement
d'Arafat a été discuté.(3)
Thierry Meyssan pour sa part, donne une
explication qui permet de tracer le
scénario mis au point avec la complicité
des principaux protagonistes. Il écrit:
«Une polémique se déclenchait alors sur
l'origine de son empoisonnement. Ce
n'est que bien plus tard, lors de la
saisie par le Hamas de documents dans
les archives personnelles du ministre
Mohamed Dahlan, que les preuves du
complot furent réunies. L'assassinat a
été commandité par Israël et les
Etats-Unis, mais réalisé par des
Palestiniens.»(4)
Pendant de longs mois la Palestine a
pleuré le Raïs, car il représentait
l'incarnation de ses aspirations à la
liberté. En effet, le père de l'Intifada
palestinienne symbolisait la lutte de
tout un peuple en vue d'accéder un jour
au statut d'Etat à part entière avec
comme capitale El Qods. La
réconciliation interpalestinienne doit
être l'objectif pour lequel ces
Palestiniens engagés au final sur le
même bateau, doivent oeuvrer. Selon
l'APS, qui cite un responsable
palestinien, le président palestinien
Mahmoud Abbas et le chef du bureau
politique du mouvement (Hamas) Khaled
Mechaâl doivent se rencontrer avant fin
novembre au Caire».(5) «Rien, écrit René
Naba, absolument rien, ne sera épargné à
celui que l'on a surnommé parfois, à
juste titre, «le plus célèbre rescapé
politique de l'époque contemporaine».
(...) Le chef palestinien décédera sans
n'avoir cédé rien sur rien, sur aucun
des droits fondamentaux de son peuple,
pas plus sur le droit de disposer de
Jérusalem comme capitale que sur le
droit de retour de son peuple dans sa
patrie d'origine. (...) » (6)
« De tous les grands pays arabes, seule
l'Algérie accordera un soutien sans
faille à la guérilla palestinienne, «Zaliman
kana aw Mazloum», « oppresseur qu'il
soit ou opprimé », selon l'expression du
président Boumediene. «Sa stature, sans
commune mesure avec celle de son terne
successeur, Mahmoud Abbas, un
bureaucrate affairiste sans envergure et
sans charisme, hante encore la
conscience occidentale, cinq ans après
sa mort. Carbonisé par ses atermoiements
dans l'affaire du rapport Goldstone sur
Gaza et par la rebuffade américaine à
propos des colonies de peuplement, sa
renonciation à une nouvelle mandature
présidentielle apparaît d'autant plus
cruellement pathétique qu'elle a
coïncidé avec une cinglante leçon de
courage que lui ont assénée de jeunes
Palestiniens et des pacifistes
israéliens en opérant, non sans risque,
une percée dans le mur d'apartheid à
l'occasion de la commémoration du
vingtième anniversaire de la chute du
mur de Berlin, une action qui a retenti
comme un camouflet à Mahmoud Abbas et à
Israël, un défi à la léthargie des
instances internationales, un cadeau
posthume à Yasser Arafat, initiateur de
la lutte armée palestinienne.»(6)
L'échec de
la tentative de Abbas
Il aura fallu un peu moins de deux mois
au Conseil de sécurité des Nations unies
pour... ne pas réussir à se mettre
d'accord sur la demande d'adhésion de la
Palestine à l'ONU. Le président Mahmoud
Abbas en avait fait officiellement la
demande à Ban Ki-moon. La saga
palestinienne à l'ONU a commencé le 23
septembre par le dépôt d'une candidature
par le président palestinien Mahmoud
Abbas. Israël y est farouchement opposé
et les Etats-Unis aussi, estimant qu'il
faut d'abord une reprise des discussions
directes entre Israël et les
Palestiniens. En résumant le débat de la
110e réunion du Comité des admissions de
nouveaux membres, le président (du
Conseil de sécurité) a déclaré que le
Comité était incapable d'émettre une
recommandation unanime au Conseil de
sécurité. «Après notre admission à
l'Unesco, le 31 octobre, nous existons
désormais dans le système de l'ONU,
constate de son côté le représentant de
la Palestine à l'ONU, Riyad Mansour.
Nous allons décider très rapidement
quelle sera notre nouvelle initiative au
sein des Nations unies.» L'obtention du
statut d'Etat-non membre donnerait aux
Palestiniens la possibilité d'adhérer à
toutes les organisations et agences des
Nations unies comme, par exemple, la
Cour internationale de Justice, ce qui
ne manque pas d'inquiéter Israël. Voilà
pour l'ego des Palestiniens.
Que dit le
rapport du Conseil de sécurité ?
René Backmann du Nouvel Obs, dans une
analyse objective et lucide, nous
explique les conditions nécessaires pour
une admission à l'ONU. «L'étrange,
écrit-il, dans cette affaire, est que le
texte du rapport est dans l'ensemble
plutôt favorable à l'admission de la
Palestine. «Les experts, lit-on au point
3 du rapport, ont examiné si la
Palestine remplit les conditions
permettant de devenir un Etat, si elle
est un Etat pacifique et si elle a la
volonté et la capacité de remplir les
obligations définies par la Charte.» Il
a été rappelé qu'une solution négociée
demeure la seule option pour atteindre
une paix durable et que le statut final
doit être décidé par la négociation. Un
soutien a été affirmé à une solution à
deux Etats basée sur les frontières
d'avant 1967, résultant de négociations
politiques débouchant sur un Etat
indépendant de Palestine avec
Jérusalem-Est pour capitale. Il a aussi
été indiqué, avec une insistance
particulière, que le fait de «garantir à
la Palestine son droit à
l'autodétermination et à la
reconnaissance ne peut être vu comme
contraire au droit inaliénable d'Israël
à exister». Les auteurs du rapport ont
également noté que «la candidature de la
Palestine n'était ni contradictoire avec
le processus politique ni une
alternative aux négociations». «Des
inquiétudes, ajoutent-ils, ont été
soulevées à propos de la poursuite de
l'activité israélienne de colonisation.
Elle est illégale au regard du droit
international et constitue un obstacle à
une paix totale». Sur la question de
savoir si la Palestine remplit les
conditions requises pour devenir un
Etat, le texte fait référence à la
Conférence de Montevideo en 1933 sur les
Droits et devoirs des Etats, selon
laquelle une entité doit posséder, pour
accéder à la personnalité juridique
d'Etat, une population, un territoire
défini, un gouvernement et la capacité à
entrer en relations avec d'autres
Etats.»(7)
«La Palestine, selon le rapport du
Comité d'admission, remplit clairement
les deux premières conditions. (...) Le
Comité a également admis que la
Palestine remplissait le critère lié à
l'existence d'un gouvernement. «C'est
l'OLP, note le document, et non le
Hamas, qui est le représentant légitime
du peuple palestinien.» Le Comité
rappelle d'ailleurs que les rapports de
la Banque mondiale, du FMI, et du Comité
de liaison pour la coordination de
l'aide internationale aux Palestiniens
ont conclu que les fonctions
gouvernementales actuelles de la
Palestine permettaient le fonctionnement
d'un Etat. Sur le dernier des quatre
points définis par la conférence de
Montevideo - l'aptitude à nouer des
relations avec d'autres Etats -, il a
été également indiqué que la Palestine
répondait à ce critère. Le texte
rappelle que la Palestine est membre du
Mouvement des non-alignés, de
l'Organisation de la Conférence
islamique, de la Commission économique
et sociale des Nations unies pour l'Asie
occidentale, du Groupe des 77, et de
l'Unesco. Et que plus de 130 Etats l'ont
reconnue comme un Etat indépendant et
souverain.»(7) Reste le dernier point:
«La Palestine est-elle pacifique? La
question a visiblement fait débat. A
l'appui de leur thèse, les parties
favorables à l'admission de la Palestine
rappellent un précédent qui remonte à
plus de 60 ans et concerne...Israël. A
l'époque, indique le rapport, lorsque
l'ONU avait examiné la candidature
d'Israël, il avait été avancé que
«l'engagement solennel d'Israël à
remplir ses obligations telles que
définies par la Charte était
suffisant.»(7)
Malgré le rapport positif des experts,
le Conseil de sécurité dit qu'il n' y a
pas d'unanimité et propose une solution
qui n'avance à rien. Un statut du type
Vatican. Dans ce débat, la Ligue arabe
est curieusement absente, notamment en
soutenant l'initiative palestinienne à
l'ONU, elle qui fait du zèle en excluant
la Syrie de ses rangs effritant encore
plus les Arabes. Pierre Khalaf écrit:
«Avant même que n'expire le délai de 15
jours accordé à la direction syrienne
pour mettre en oeuvre le plan arabe de
règlement de la crise, la Ligue arabe a
décidé, dans une mesure inattendue, de
suspendre la Syrie de toute ses
institutions. Cette décision était
planifiée à l'avance, comme l'ont
affirmé les ministres syrien et russe
des Affaires étrangères, Walid Moallem
et Serguei Lavrov. D'ailleurs,
l'initiateur de ce complot, le Premier
ministre qatari, Hamad Ben Jassem,
n'avait pas pu cacher son irritation
lorsque Damas avait accepté le plan
arabe, le 1er novembre. La France, les
États-Unis et la Turquie, qui
coordonnent leur action étroitement, ont
eu la même attitude négative. (...) Le
but de cette décision est d'assurer une
couverture arabe à
l'internationalisation de la crise, en
renvoyant le dossier devant le Conseil
de sécurité. L'encerclement de la Syrie
se met en place et «la guerre rampe très
vite» vers ce pays, pour reprendre le
titre du quotidien arabophone londonien
Al-Qods Al-Arabi.»(8)
En définitive, faute d'ailleurs d'avoir
préparé sa succession, la Palestine se
retrouve plus que jamais orpheline.
Celui que ses concitoyens, écrit René
Naba, considèrent comme un second Moïse
n'est pas entré dans la Terre promise.
Qui redonnera la Terre à ces
Palestiniens qui acceptent moins de 22%
de la Palestine originelle? L'espoir
placé en l'Amérique d'Obama a été vite
balayé par la réalité. Il n'y aura pas
d'arrêt de colonisation, Israël
continuera à expulser les citoyens de
leurs habitations. Mieux, le coup d'épée
dans l'eau de cette candidature a fait
long feu. Pour qu'il y ait justice pour
le peuple de Palestine, il est
nécessaire de changer totalement de
paradigme. Peut-être que la décantation
des jacqueries arabes et la réunion du
Caire entre Khaled Mechaâl et Mahmoud
Abbas permettront de rassembler les
forces et d'aller en rang uni pour
arracher cette indépendance tant
fantasmée.
1.C.E.Chitour: Une histoire de la
Palestine. Sous presse
2.Amnon Kapeliouk: Yasser Arafat a-t-il
été assassiné? Le Monde Diplomatique -
11.2005
3.Leïla Mazboudi: Kaddoumi va divulguer
les enregistrements. Al-Manar- 24
juillet 2009.
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=7006
4.Thierry Meyssan: Il y a 6 ans,
l'empoisonnement du président
palestinien Les circonstances politiques
de la mort de Yasser Arafat - Réseau
Voltaire 11.11.2010
5.N.K.
http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/1945412-11-2011
6.René Naba: Yasser Arafat, Mister
Palestine for ever. Blog 07/11/2009
7.http://renebackmann.blogs.nouvelobs.com/
archive/2011/11/12/que-dit-le-rapport-du-
conseil-de-securite-sur-l-admission-de.html
8.Pierre Khalaf 15 11 2011
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=27674
Professeur
Chems Eddine Chitour
Ecole Nationale Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 20 novembre 2011 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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