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L'EXPRESSIONDZ.COM
NAKBA AN 61
L'indifférence de l'Occident
Pr Chems Eddine Chitour
Lundi 18 mai 2009
«Celui qui m’a changé en exilé m’a changé
en bombe...»
Mahmoud Darwich (chassé à 8 ans de son village de Birwa)
Rituellement nous nous souvenons qu’au mois de mai nous avons
deux grands anniversaires qui donnent lieu à recueillement et
prière. C’est d’abord le 8 Mai 1945, avec les massacres de
Sétif, Kherrata et Guelma qui firent plusieurs milliers de morts
(le général Tubert, en petit comité, parle de 15.000 morts, les
nationalistes algériens de 45.000 morts), le deuxième événement
est la Nakba qui a une saveur particulière avec les massacres
demeurés impunis de Ghaza pendant trois semaines en janvier.
Pour l’histoire, la Nakba est l’exacte réplique des atrocités
occidentales envers les Juifs dont le point d’orgue fut
justement l’holocauste.
Avec une rare lucidité et une description sans complaisance,
Pierre Stambul de l’Union juive française pour la paix décrit la
situation des Palestiniens. Ecoutons-le: «Les Israéliens
parlent de l’indépendance d’Israël, proclamée le 14 mai 1948 et
aussitôt entérinée par l’ONU. Pour les Palestiniens, c’est la
Nakba, la catastrophe, la destruction de leur société et de
leurs villages, suivie de l’exil de la grande majorité de la
population. Aujourd’hui, il y a environ 5 millions de Juifs et 5
millions de Palestiniens qui vivent entre Méditerranée et
Jourdain. Les premiers ont un Etat dit "juif" et occupent 90% de
l’espace. Les seconds connaissent marginalisation,
discriminations, assassinats "ciblés", misère et privation des
droits élémentaires. 60 ans après la Nakba, des millions de
Palestiniens sont toujours réfugiés, dispersés dans des camps du
Proche-Orient, voire exilés plus loin. 60 ans après, les
Palestiniens continuent de payer pour un crime européen: le
génocide nazi. 60 ans après, c’est l’impunité d’Israël malgré
les violations constantes du droit qui permet la poursuite de la
destruction de la Palestine. Une injustice majeure a été
commise: un nettoyage ethnique et l’expulsion de tout un peuple
de sa terre.»(1)
Mensonges fondateurs
«L’histoire de la Palestine ancienne, poursuit-il, repose en
partie sur les mythes bibliques. Ce qui est avéré, c’est qu’un
peuple y a vécu (les Hébreux) mais jamais seul, toujours aux
côtés d’autres peuples. (...) Les Juifs du Maghreb, ceux de
l’ex-empire russe ou ceux du Yémen n’ont pas grand-chose à voir
entre eux. Il y a pour les Juifs dispersés une communauté de
destin liée à la religion. Il y a le souvenir mythifié d’un
passé idéalisé et une prière ("l’an prochain à Jérusalem") qui
n’a jamais été une aspiration à recréer un quelconque royaume.
Les Juifs ont appris à vivre ou à survivre dans une situation de
minorité. S’ils avaient un statut en pays musulman, ils ont subi
en pays chrétien une longue suite de discriminations et de
persécutions. L’antijudaïsme chrétien a produit l’interdiction
de posséder la terre, l’enfermement dans le ghetto, les
expulsions et les pogroms. Quand l’émancipation des Juifs a
commencé en Europe, cet antijudaïsme s’est transformé en
antisémitisme racial.»(1)
Pierre Stambul nous décrit ensuite, le sionisme. Il écrit: Le
sionisme a un côté nationaliste. Le sionisme élabore toute une
série de «mensonges fondateurs». Alors que la grande
majorité des dirigeants sionistes ne sont pas croyants, les
sionistes s’emparent du récit biblique pour revendiquer un
prétendu retour en terre promise et la reconstitution d’une
nation (le «royaume unifié» dont l’existence n’est pas
avérée). La Palestine est présentée comme une «terre sans
peuple pour un peuple sans terre». Le sionisme a
incontestablement un aspect colonialiste. Depuis plus d’un
siècle, la même stratégie s’applique: s’emparer des terres,
institutionnaliser le fait accompli, marginaliser le peuple
autochtone, détruire son organisation sociale, expulser,
repousser la frontière. (...) Le sionisme a un côté messianique.
Pour créer l’Israélien nouveau, il a fallu «tuer» le
juif, le cosmopolite, l’universel. Le sionisme a également
transformé Israël en pion avancé de l’Occident et de
l’impérialisme au Proche-Orient. Aujourd’hui, Israël reçoit une
aide colossale publique et privée des Etats-Unis et en même
temps, aucun dirigeant américain ne semble en mesure de
s’opposer à une décision qui ferait consensus chez les
dirigeants israéliens.(...). Le sionisme utilise la peur comme
un carburant: «Les Israéliens ont peur de ne plus avoir peur.»(1)
Parlant du mécanisme de l’épuration ethnique qui a suivi le
partage, il écrit: «Tout d’abord, les années qui ont précédé
la guerre ont été très défavorables aux Palestiniens. Le partage
de 1947 de la Palestine n’était pas seulement incompréhensible
pour les Palestiniens, mais il était très inégalitaire: l’Etat
juif prévu par la partition était plus grand que l’Etat
palestinien alors que les Juifs étaient moins nombreux. Si
10.000 Israéliens seulement vivaient dans l’Etat palestinien,
plus de 400.000 Palestiniens vivaient dans l’Etat juif. (...)
Avant même le 14 mai, plus de 350.000 Palestiniens ont déjà été
chassés de chez eux. Plusieurs documents de la Haganah (l’armée
"officielle" israélienne) montrent que l’expulsion a été
intentionnelle. L’historien Ilan Pappé parle du plan Dalet qui a
organisé ce nettoyage ethnique. Quand la propagande israélienne
répète inlassablement que "les Arabes sont partis d’eux-mêmes" à
l’appel de leurs dirigeants, il s’agit d’un mensonge fondateur
destiné à masquer le crime qui s’est déroulé, il y a 60 ans.»(1)
Le peuple palestinien a été trahi par les dirigeants des pays
arabes voisins. Il n’y avait pas la moindre coordination entre
les troupes irakiennes, syriennes, égyptiennes ou jordaniennes,
chaque armée agissant pour son compte personnel. Pire, la
Jordanie, qui avait l’armée la plus forte, avait un accord
secret avec la direction sioniste. Le bilan de la guerre de 48,
ce sont 6000 morts israéliens et 13.000 morts palestiniens. Mais
ce sont surtout 800.000 expulsés. Les villages ont été détruits
et leur trace a souvent été effacée. Dès 1949, les terres des
expulsés ont été confisquées. Israël a reconnu formellement le
droit au retour des Palestiniens au moment des armistices de
1949, mais tout a été fait pour rendre impossible ce retour.
(...) Les Palestiniens qui ont échappé à l’expulsion en 1948
forment aujourd’hui avec leurs descendants 20% de la population
israélienne. Certains dirigeants israéliens regrettent «qu’on
n’ait pas achevé la guerre de 48», qu’on n’ait pas expulsé
tous les Arabes.(1)
Le peuple palestinien est un peuple de réfugiés. Pendant des
années, tout a été fait pour effacer son existence, pour le
diluer dans le monde arabe, pour transformer le conflit
israélo-palestinien en guerre israélo-arabe. La guerre de 1967
est un tournant. Le gouvernement travailliste de l’époque prend
la décision immédiate de coloniser les territoires occupés. Pour
y parvenir, les travaillistes ont fortement contribué à créer le
courant national-religieux. Cette mouvance intégriste représente
aujourd’hui 25% de la société israélienne. 40 ans plus tard, il
y a 500.000 Israéliens installés en territoire occupé. Il y a
les colons religieux qui ont accaparé les terres, l’eau, les
routes. Mais il y a aussi les colons économiques attirés par les
loyers à bas prix. Les limites de Jérusalem se sont
considérablement étendues. Les nouvelles colonies du secteur
(sur les ruines d’anciens villages palestiniens dont celui de
Deir Yassine) deviennent des quartiers et sont progressivement
intégrées à Jérusalem. La frontière a disparu. La ligne verte
(la frontière de 1949) a été effacée. Elle ne figure sur aucune
carte ou aucun livre scolaire israéliens. C’est une véritable
société d’Apartheid qui s’est instaurée en Cisjordanie, en toute
impunité.(1)
On ne s’imagine pas qu’un peuple qui vit étranger sur sa terre
voire dans une prison à ciel ouvert, a des besoins des
institutions qui tentent tant bien que mal de fonctionner malgré
la poigne de fer du régime d’Israël. La Palestine dispose d’une
douzaine d’universités et de centaines d’écoles. Un Rapport
spécial décrit cela: «En ce jour où les Palestiniens, en
Palestine occupée et en diaspora, commémorent la Nakba. Derrière
la froideur des chiffres et des pourcentages, se dessine de
façon poignante l’image d’une Palestine jeune et vivace, mais
dévastée par 61 ans d’occupation sioniste impitoyable. Le Bureau
Central Palestinien des Statistiques décrit la Nakba de
Palestine comme une période noire de l’histoire moderne du
peuple palestinien. Les Palestiniens ont été chassés de leur
patrie, et leurs maisons et leurs propriétés leur ont été volées
(...) Plus des trois-quarts de la Palestine Historique ont été
occupés lors de la Nakba de 1948. De plus, 531 villes et
villages palestiniens ont été détruits, et 85% de la population
palestinienne a été exilée et déplacée.»(2)
«Cependant, la Nakba de la Palestine fut un processus de
nettoyage ethnique, aussi bien que la destruction et l’exil
d’une nation désarmée pour la remplacer par une autre nation
Plus de 800.000 des 1,4 million de Palestiniens (la population
palestinienne vivant en 1948 dans 1300 villes et villages
palestiniens) ont été chassés de leur patrie vers la Cisjordanie
et la Bande de Ghaza, les pays arabes voisins et d’autres pays
dans le monde. Selon des preuves documentées, les Israéliens ont
pris le contrôle de 774 villes et villages pendant la Nakba et
ont détruit 531 villes et villages palestiniens. Les atrocités
des forces israéliennes comprennent également 70 massacres de
Palestiniens et la mort de 15.000 Palestiniens pendant la
période de la Nakba. Le nombre de Palestiniens a été multiplié
par 7 depuis la Nakba de 1948. La population palestinienne en
1948 était de 1,4 million de personnes, comparée aux 10,6
millions à la fin de 2008. La population palestinienne est
estimée à 3,88 millions à fin 2008. La Nakba a fait de la Bande
de Ghaza l’endroit le plus peuplé au monde 4010 personnes/km² en
2008.» «Selon les données, le nombre de colonies
israéliennes en Cisjordanie était en 2008 de 144. Des
estimations montrent que le nombre de colons juifs en
Cisjordanie était en 2008 d’un demi-million. Les chiffres
montrent que la plupart des colons juifs vivent dans le
gouvernorat de Jérusalem, représentant 54,6% du nombre total de
colons en Cisjordanie.
L’expansion et le mur d’annexion avalent environ 15% de la
Cisjordanie. Le Territoire Palestinien fait 6020 km², dont 5655
km² en Cisjordanie et 365 km² dans la Bande de Ghaza. Le nombre
des martyrs de l’Intifada Al-Aqsa entre le 29 septembre 2000 et
le 31 décembre 2008 s’élevait à 5 901 (5569 hommes et 332
femmes). Au 17 avril 2009, le rapport indique également qu’il y
a plus de 11.000 Palestiniens derrière les barreaux israéliens,
dont 68 femmes, 400 enfants». Voilà l’Etat des lieux actuel.
Peu de gens savent qu’Israël est le seul État dont l’admission
[à l’ONU] était conditionnelle. En vertu de la Résolution 273 de
l’Assemblée générale, Israël a été admis à condition d’accorder
à tous les Palestiniens le droit de retour dans leur foyer, et
une compensation pour les biens perdus ou endommagés, selon la
Résolution 194 de l’Assemblée générale, paragraphe 11. Dernier
crime en date celui de Ghaza: 1400 morts dont 400 enfants. Une
école de l’ONU a été bombardée: 40 morts. Ban Ki-moon visite les
décombres fumants et pour une fois proteste...mollement. «Je
considère les bombardements israéliens excessifs et les attaques
de fusées en direction d’Israël comme complètement
inacceptables.» Ce qu’il disait en réalité est qu’il avait
trouvé l’attaque israélienne sur Ghaza parfaitement acceptable,
mais qu’ il était uniquement en désaccord avec le tonnage des
explosifs qui devraient être lâchés par les avions israéliens.
Il devrait donc spécifier exactement combien d’enfants morts,
combien de maisons démolies, combien de victimes de brûlures,
combien de mosquées détruites il tolérerait comme non «excessif».
La moitié du nombre de tués et la moitié des dommages infligés
seraient-elles raisonnablement non-excessives, ou peut-être un
tiers? L’enquête, menée par Ian Martin, ancien directeur
d’Amnesty International, accuse Israël de ne pas avoir protégé
les infrastructures de l’ONU ni les civils, écarte comme «fausses»
les affirmations israéliennes selon lesquelles les combattants
du Hamas tiraient depuis les bâtiments des Nations unies. En
définitive.(3)
Une deuxième Nakba?
L’Union européenne a pleinement admis le caractère criminel des
agissements israéliens, Dans un rapport destiné à rester
confidentiel daté du 15 décembre 2008, l’Union européenne accuse
le gouvernement israélien d’utiliser le développement de la
colonisation, la construction du mur de séparation, la
planification des voies de circulation, l’instauration du régime
des permis de résidence et de déplacements imposés aux
Palestiniens pour ´´poursuivre activement l’annexion illégale de
Jérusalem-Est´´. Après avoir rappelé que la politique de l’Union
européenne, face à la question de Jerusalem est fondée sur la
Résolution 242 des Nations unies, c’est-à-dire sur le caractère
´´inadmissible de l’acquisition de territoires par la force´´,
le document constate que ´´la construction de colonies à
Jerusalem-Est et autour de Jerusalem-Est continue à un rythme
rapide, contrairement aux obligations d’Israël, au regard de la
légalité internationale La politique israélienne des faits
accomplis affaiblit le soutien au processus de paix´´.(4)
Que faut il en déduire? Israël ne sera jamais coupable! C’est
inscrit dans le deal de la repentance éternelle de l’Occident.
La nomination de Liberman est un signe. C’est lui qui parle de
noyer les prisonniers politiques palestiniens dans la mer Morte
(juillet 2003), exécuter les députés palestiniens à la Knesset
qui ont des contacts avec le Hamas ou qui ont commémoré
l’expulsion de 1948 (mai 2006)....Israël est ainsi conforté.
Elle veut un Etat juif non laïc, cela veut dire qu’une deuxième
Nakba se prépare pour les 20% d’Arabes israéliens qui iront dans
le futur bantoustan Palestine. On l’aura compris, on ne parle
plus des réfugiés de 1948. Curieusement, tout le monde, même le
pape parle de deux Etats, véritable piège mortel pour la
Palestine; mais même cela ce n’est pas acquis. Fidèle à sa
politique séculaire, Israël ouvre plusieurs fichiers en même
temps, elle veut d’abord régler le problème iranien avec l’appui
des Arabes et notamment du pharaon égyptien qui est loin du
charisme de Nasser. Nul doute que la réunion avec Obama ne
débouchera pas sur quelque chose de contraignant pour Israël.
Ainsi va ce Monde....
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique
1.Pierre Stambul, Il y a
60 ans, la Naqba. Mille Babords le 4/05/2008
2.Rapport spécial pour le 61e anniversaire Bureau central
palestinien des statistiques 15 mai 2009
3.http://www.almanar.com.lb, http://electronicintifada.net/v2/ar..
Traduction de l’anglais: Claude Zurbach
http://www.info-palestine.net/
4.René Backmann, Rapport confidentiel de l’Union européenne sur
Jérusalem-Est, NouvelObs.com, 19.03.2009.
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réservés © L'Expression
Publié le 18 mai 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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