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L'EXPRESSIONDZ.COM
LE MAHATMA GANDHI, BARACK OBAMA, AMINATOU
HAÏDAR
Trois poids,
trois mesures
Pr Chems Eddine Chitour
Alfred Nobel
Lundi 14 décembre 2009
«Quelle différence
cela fait-il aux morts, aux orphelins et aux sans-abri que la
destruction aveugle ait été amenée au nom du totalitarisme ou au
nom sacré de la liberté et de la démocratie?» «Il y a beaucoup
de causes pour lesquelles je suis prêt à mourir mais aucune
cause pour laquelle je suis prêt à tuer.»
Le Mahatma Gandhi
Barack Obama a reçu officiellement, ce 10 décembre 2009 à Oslo,
son prix Nobel de la paix. Empêtré dans deux conflits en Irak et
en Afghanistan, il est néanmoins distingué par l’académie
norvégienne du prix Nobel. C’est, dit-on, une héroïque
infirmière militaire britannique, qui convainquit Alfred Nobel
de créer un prix de la paix pour compenser le mal fait par la
dynamite dont il était l’inventeur. Or, parmi les lauréats qui
ont reçu le prix depuis sa création, en 1901, quelques-uns ne
s’étaient pas montrés particulièrement rétifs à l’utilisation
militaire des explosifs. À commencer par le président américain
Théodore Roosevelt, prix Nobel en 1906 qui, en dépit de son
aimable sobriquet de «Teddy», était un militariste avéré,
de même que certains en vrac: l’Egyptien Anouar al-Sadate,
l’Israélien Menahem Begin, le Palestinien Yasser Arafat,
l’Américain Henry Kissinger, ou encore le Vietnamien Le Duc Tho,
qui devait, lui, prudemment le décliner. Avec 21 prix Nobel de
la Paix à ce jour, les Etats-Unis détiennent le record du genre,
devant le Royaume-Uni et la France. Mais de Jimmy Carter à
Barack Obama, Washington aura initié nombre d’opérations
militaires dans le monde entier, parfois comme en Irak, sans
motifs justifiables a posteriori. Les archives du comité Nobel
s’ouvrant au bout de 50 ans, on connaît maintenant les
finalistes auxquels le prix a échappé dans la dernière
évaluation. Ainsi Adolph Hitler a-t-il été proposé en 1939,
Mussolini en 1935 et Staline par deux fois, en 1945 et 1948.
Le Nobel de la paix au pays de la
guerre
On sait aussi que le Nobel est avant tout une récompense de ceux
qui sont dans la mouvance de la doxa occidentale. Pendant la
guerre froide, toutes les méthodes de déstabilisation de l’Union
soviétique ont été utilisées. Souvenons-nous du prix Nobel de
littérature attribué à Boris Pasternak pour un manuscrit sorti
de derrière le rideau de fer, par la CIA, dans des conditions
rocambolesques. Souvenons-nous de Soljenitsyne à qui on a
attribué le prix Nobel pour lui donner une réputation
d’intouchable et qui fut par la suite récupéré par l’Ouest. Ce
fut par la suite durant l’ère Reagan, l’électricien Lech Walesa
qui déstabilisa la Pologne, eut le prix Nobel, devint président
mais ne fit pas illusion trop longtemps, il fut balayé au bout
d’un mandat. Ce fut aussi Mgr Belo [inconnu jusqu’alors] qui eut
à lutter contre l’Indonésie pour l’indépendance de son île, le
Timor oriental, et le prix Nobel lui a donné une dimension
planétaire. Je citerai pour mémoire les deux prix Nobel de la
honte acceptés par Sadate et Arafat pour reddition en
rase-campagne devant Israël. Seul Jean-Paul Sartre eut la
dignité et le courage de refuser le prix Nobel.
Peut-on recevoir le Nobel de la paix tout en faisant une guerre
en Irak et en Afghanistan? Barack Obama n’a pas cherché à
esquiver la polémique en recevant jeudi son prix à Oslo, en
Norvège. Le président américain a accepté sa médaille avec «une
profonde gratitude et humilité».
Relevant l’ironie qu’un président d’un pays «au milieu de
deux guerres» reçoive le Nobel de la paix, le démocrate a
souligné «la dure vérité qui veut que les conflits armés ne
seront pas éradiqués de notre vivant». «Dire vouloir la
paix ne suffit pas à l’obtenir», a asséné le président
américain, ancien professeur de droit. «Si la paix est
l’objectif, la guerre est parfois justifiée», a-t-il
insisté. «Un mouvement non violent n’aurait pu stopper Hitler
ou persuader Al Qaîda de déposer les armes», a-t-il cité en
exemple. «Dire que la violence est nécessaire n’est pas
cynique mais une reconnaissance de l’histoire et des
imperfections de l’homme.» «Avec le sang de nos citoyens,
nous avons oeuvré à un monde plus juste, de l’Allemagne à la
Corée. Nous avons amené la démocratie dans les Balkans. Nous
n’agissons pas par intérêt mais nous voulons un avenir meilleur
pour nos enfants.»
Rappelant que la paix suppose non seulement le respect des
droits politiques et civils mais aussi la «sécurité
économique», le président américain a exhorté le monde à
faire face au changement climatique et aider les pays pauvres. «Il
faut tenter d’atteindre le monde tel qu’il devrait être,
atteindre l’étincelle de divin qui est en chacun de nous», a
lancé le chef d’Etat américain. «Nous pouvons comprendre
qu’il y aura encore des guerres mais encore et toujours
poursuivre la paix. Nous pouvons y arriver, c’est l’histoire du
progrès humain.» Ovations de l’assistance.
Obama a défendu le concept de «guerre juste». Il se prend
pour saint Thomas qui, dans «La Somme Théologique»,
définit les principes d’une guerre juste: «Si la paix est
l’objectif, la guerre est parfois justifiée», a-t-il
insisté. «Avec le sang de nos citoyens nous avons oeuvré à un
monde plus juste de l’Allemagne à la Corée. Nous avons amené la
démocratie dans les Balkans. Nous n’agissons pas par intérêt
mais nous voulons un avenir meilleur pour nos enfants.» «Même
confronté à un adversaire qui ne respecte aucune règle, les
Etats-Unis doivent rester la référence en matière de respect du
droit dans la conduite de la guerre.»
On l’aura compris: Obama étend sa guerre juste à l’Afghanistan
et au Pakistan. «Il y a une semaine,écrit Barry Grey dans son
discours de l’Ecole militaire de West Point, le président Obama
cherchait à présenter son escalade de la guerre en Afghanistan
comme un prélude à un retrait rapide des troupes américaines. Il
est de plus en plus clair aujourd’hui que ce discours n’était
rien de moins qu’un exercice visant à tromper la population.
Mardi 8 décembre, le journal a rapporté qu’avant le discours d’Obama,
son conseiller à la Sécurité nationale, le général James L.Jones,
a rencontré le chef de l’armée pakistanaise et celui des
services de renseignements et leur a dit qu’à moins que le
Pakistan ne bouge rapidement pour étendre l’offensive militaire
contre les insurgés au Baloutchistan et au Waziristan du Nord, «les
Etats-Unis étaient prêts à agir unilatéralement pour étendre les
frappes de drones Predator au-delà des zones tribales et, si
nécessaire, recommencer les raids des forces spéciales
d’opérations dans le pays contre Al Qaîda et les chefs talibans»(1).
Dans un éditorial parsemé d’arrogance impérialiste et publié
mardi, le Times a demandé que les Pakistanais «arrêtent de
chercher à gagner du temps et se lancent pleinement dans le
combat». L’éditorial a poursuivi en déclarant qu’Obama se
devait de persuader les Pakistanais que «les Etats-Unis
seront là pour une longue période cette fois-ci». On voit se
dessiner un programme d’agression militaire américaine sans
précédent pour transformer l’Afghanistan et le Pakistan en
protectorats américains. C’est ce que signifie la récente
déclaration du conseiller à la Sécurité nationale, Jones selon
qui: «Nous ne quittons pas cette région. Nos intérêts
stratégiques sont immenses en Afghanistan et à l’est de
l’Afghanistan, au Pakistan...»
«(...) La guerre en Afghanistan n’est qu’une partie de la
stratégie mondiale de l’impérialisme américain pour assurer leur
domination sur une région où le pétrole et le gaz naturel
abondent et qui est d’une importance géostratégique cruciale
pour la suprématie sur le continent eurasien. Les conséquences
de cette nouvelle aventure seront catastrophiques pour les
peuples de cette région qui subiront d’innombrables morts, la
dévastation sociale et l’oppression néocoloniale.(1)»
Voilà donc la personnalité à qui le Comité Nobel, présidé par le
mystérieux Thorbjorn Jagland, a remis un prix censé être un prix
couronnant un combat incessant pour la paix et non pour une
guerre incessante. Si l’attribution du prix Nobel de la paix,
écrit Thierry Meyssan, a donné lieu à un concert de louanges
parmi les dirigeants de l’Alliance atlantique, elle a aussi
suscité le scepticisme dans le monde. Plutôt que de débattre des
bonnes raisons qui pourraient a posteriori justifier ce choix
étonnant, Thierry Meyssan expose la corruption du Comité Nobel
et les liens unissant son président, Thorbjørn Jagland, aux
collaborateurs d’Obama. «Ce matin, en écoutant les nouvelles,
ma fille est entrée et m’a dit: ´´Papa, tu es prix Nobel de la
paix´´» Telle est la touchante histoire que le président des
États-Unis a raconté à des journalistes complaisants pour
attester qu’il n’avait jamais souhaité cette distinction et en
était le premier surpris. Sans chercher plus loin, ceux-ci ont
immédiatement titré leurs journaux sur «l’humilité» de
l’homme le plus puissant du monde.(2)
Pourquoi Gandhi n’a jamais eu le Nobel ?
«À vrai dire, on ne sait ce qui doit le plus surprendre:
l’attribution d’une si prestigieuse distinction à Barack Obama,
la mise en scène grotesque qui l’accompagne, ou encore la
méthode utilisée pour corrompre le jury et détourner ce prix de
sa vocation initiale. (...) Ainsi, Barack Obama aurait été le
plus méritant des militants de la paix en 2008 et n’aurait
commis aucune atteinte majeure au droit international en 2009.
Sans parler des personnes toujours détenues à Guantanamo et
Bagram, ni des Afghans et des Irakiens confrontés à une
occupation étrangère, qu’en pensent les Honduriens écrasés par
une dictature militaire ou les Pakistanais dont le pays est
devenu la nouvelle cible de l’Empire?» Il faut lire
l’article de Thierry Meyssan pour comprendre les liens de
l’administration avec le Comité Nobel, on ne sera pas alors
surpris de cette attribution comme l’est Obama qui a beaucoup
travaillé au Ghana avec le président du Comité Nobel...
Que penser alors de la politique de Obama si l’on se réfère à la
non-violence de Gandhi qui a perturbé l’Occident au point de ne
pas lui attribuer le prix Nobel? «Dès que nous perdons la
base morale, écrit Gandhi, nous cessons d’être religieux.» «Les
paroles de Mahomet sont un trésor de sagesse, pas seulement pour
les musulmans mais pour l’humanité entière.» «Je suis
hindouiste, je suis aussi un chrétien, un musulman, un
bouddhiste et un juif.»
Gandhi pouvait admirer les avancées technologiques et le
bien-être économique que donnait la civilisation occidentale
moderne, mais pointait également ses lacunes et les nouveaux
risques et besoins qu’elle apportait à l’individu. Dans son
livre Hind Swaraj or Indian home rule (Leur Civilisation et
notre délivrance) où il fait la critique du développement et de
la notion même de civilisation telle qu’idéalisée par la
Grande-Bretagne et les Occidentaux, Gandhi montre que chaque
progrès réalisé d’une part, correspond à une aggravation des
conditions de vie, de l’autre, que la civilisation occidentale a
laissé de côté la moralité et la religion, qu’elle a créé de
nouveaux besoins liés à l’argent et impossibles à satisfaire,
qu’elle accroît les inégalités et voue à l’esclavage une grande
partie de l’humanité. Pour lui, ce type de civilisation est sans
issue: «Cette civilisation est telle que l’on a juste à être
patient et elle s’autodétruira.» Time Magazine a nommé
Gandhi la «Personnalité de l’année» en 1930 et Gandhi fut
derrière Albert Einstein comme «Personnalité du siècle»
en 1999. Le magazine a désigné le dalaï-lama, Lech Wa³êsa, Dr
Martin Luther King, Jr, Cesar Chavez, Aung San Suu Kyi, Benigno
Aquino, Jr, Desmond Tutu et Nelson Mandela comme enfants de
Gandhi et héritiers spirituels de la non-violence. Gandhi a été
nommé en 1937, 1938, 1939, 1947 et 1948 au prix Nobel de la
paix, mais sans jamais l’obtenir. Plus tard, certains membres du
comité regretteront publiquement que le prix ne lui ait jamais
été accordé. Le président du comité dira, au cours de la remise
du prix au dalaï-lama en 1989, que le prix est remis en partie à
la mémoire du Mahatma Gandhi.
Si le conflit du Sahara occidental intéressait l’Occident, si
Aminatou Haïdar était chrétienne, toutes les foudres du monde
s’abattraient sur le Royaune chérifien? La militante des droits
de l’homme, qui eut plusieurs distinctions, a été persécutée et
réprimée par les autorités marocaines à plusieurs reprises. En
1987, alors âgée de 21 ans, elle a participé à une manifestation
dont le but était de demander l’organisation d’un référendum
pour l’indépendance du Sahara. Elle a alors été mise en
détention dans la prison pour une durée de 4 ans. En 2005, elle
a été condamnée par la justice marocaine à un séjour de 7 mois
dans une prison à Laâyoune. Pour les indépendantistes du
Polisario, cette femme de 42 ans est «la Gandhi sahraouie». Une
chose est sûre: Aminatou Haïdar, refoulée sans ménagement le 13
novembre de l’aéroport de Laâyoune - ville où elle habite avec
ses deux enfants - en direction des îles Canaries, et, depuis,
déclarée persona non grata au Maroc, est une militante
déterminée.(...) La militante sahraouie est très affaiblie par
ses 25 jours de grève de la faim. Elle a réaffirmé jeudi sa «revendication»
de rentrer au Sahara occidental, «morte ou vivante, avec ou
sans passeport», lors d’une conférence de presse à
l’aéroport de Lanzarote. A l’occasion de la Journée
internationale des droits de l’Homme, elle a lancé «un appel
urgent en faveur des droits de mon peuple, en faveur du peuple
sahraoui». Mme Haïdar «ne peut être laissée mourir à
petit feu sur un territoire européen», écrit Mohamed
Abdelaziz dans une lettre adressée à M.Sarkozy. En 2008, l’Afsc,
(Américain Friends Service Committee) a proposé sa nomination au
prix Nobel de la paix. La lutte du peuple saharaoui est
complètement escamotée au point de demeurer un conflit oublié.
Il est à craindre que la militante meure et l’Occident portera à
la fois dans cette mort injuste pour la paix et plus largement,
une responsabilité quant aux souffrances du peuple sahraoui
depuis 1975.
1.Barry Grey -Samedi 12 Décembre 2009
http://thetruthorthefight.files.wordpress.com/2009/03/obama-terrorism-pakistan_0preview.jpg
2.Thierry Meyssan: Le dessous du prix Nobel de la paix 2009
-Réseau Voltaire 13 octobre 2009
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, Ecole d´ingénieurs Toulouse
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Publié le 15 décembre 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
Les textes du Pr Chems Eddine Chitour
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