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L'EXPRESSIONDZ.COM
L'héritage
de Arafat
Pr Chems Eddine Chitour
Jeudi 12 novembre 2009
«On pense parfois que la guerre menée par
l’armée israélienne contre le peuple palestinien est compliquée
et sans solution. Ce n’est pas vrai. Dans cette guerre, il y a
un occupant et un occupé. (...) Tout a commencé avec un mensonge
historique: la Palestine n’était pas «une terre sans peuple pour
un peuple sans terre». Un peuple vivait là et il n’est pas parti
de son plein gré. Il a été expulsé en 1948 et c’est aujourd’hui
en grande partie un peuple de réfugiés.»
Pierre Stambul (Site de l’UJFP/ Site
Altermonde -le village)
Il y a cinq ans disparaissait un des hommes qui a marqué la
cause des opprimés. A sa façon, Arafat a incarné la résistance,
la diplomatie, la tempérance et le refus du fait accompli. Comme
De Gaulle qui a refusé l’ordre hitlérien, il a refusé l’ordre
israélien. Pendant plus d’un demi- siècle, il lutta avec toutes
les armes possibles. Comme Che Guevara, il a pris les armes. Son
keffieh, symbole de l’identité palestinienne, est passé à la
postérité, le porter est un signe de reconnaissance de cette
cause.
Petit rappel: qui est Arafat? Yasser Arafat, est né le 24 août
1929 dans la ville du Caire et décédé le 11 novembre 2004 à
Clamart en France, de son vrai nom Mohamed Abdel Raouf Arafat
al-Qudwa al-Husseini, dirigeant du Fatah puis également de
l’Organisation de libération de la Palestine. À partir de 2001,
après l’échec du sommet de Taba et le déclenchement de la
Seconde Intifada, il perd progressivement de son crédit auprès
d’une partie de son peuple qui lui reproche la corruption de son
Autorité. Il se retrouve isolé sur la scène internationale
tandis que les Israéliens élisent Ariel Sharon au poste de
Premier ministre de l’État d’Israël, amenant un durcissement de
la position israélienne vis-à-vis du dirigeant palestinien
contraint à ne plus quitter Ramallah. Cet isolement n’est rompu
qu’à la veille de sa mort, quand il est emmené d’urgence à
Clamart, en région parisienne, où il décède en 2004.
La longue marche
La guerre des Six-Jours change la donne géopolitique au
Proche-Orient et constitue le véritable point de départ de la «carrière»
de Yasser Arafat. Le 17 juillet 1968, la charte de l’OLP est
modifiée avec l’ajout de 7 nouveaux articles suite à la guerre
de 1967 et devient la Charte nationale palestinienne, adoptée au
Caire qui déclare le territoire de la Palestine mandataire comme
«indivisible» et comme la «patrie du peuple arabe
palestinien». Cette charte est considérée par les Israéliens
comme une véritable déclaration de guerre, car elle définit le
but de l’organisation dans l’anéantissement de l’État d’Israël
par la lutte armée en lui niant toute légitimité d’existence. En
septembre 1970, chassé de Jordanie par les troupes du roi
Hussein de Jordanie, Arafat s’établit au Liban. L’armée
libanaise tente en 1969 de reprendre le contrôle des camps, mais
elle est trop faible. Le sommet arabe organisé à Alger en
novembre 1973 admet implicitement l’idée d’une démarche
progressive vis-à-vis d’Israël, en évoquant la libération
prioritaire des territoires occupés en 1967. Le 14 mai, l’ONU
reconnaît l’OLP par 105 voix contre 4 comme représentant du
peuple palestinien. Le 13 novembre 1974, Yasser Arafat fait un
discours devant l’Assemblée générale des Nations unies. Il y
défend l’idée d’un État unique démocratique où vivraient
chrétiens, juifs et musulmans.(1)
En 1982, en pleine guerre du Liban, Arafat échappe à la mort en
quittant de justesse un immeuble réduit à terre par une bombe
israélienne. Il est forcé de quitter Beyrouth, assiégée par
l’armée israélienne, le 30 août 1982, à bord d’un navire vers la
Grèce puis la Tunisie, ce qui désorganise, en partie ses
rentrées financières. Un an après, Arafat revient à Tripoli au
Liban. Dès le mois de septembre, les partisans de Arafat sont
repoussés par des dissidents de l’OLP. Arafat et 4000 de ses
partisans quittent Tripoli sur des bâtiments grecs protégés par
la marine française. Il installe son quartier général à Tunis.
Arafat évite la mort le 1er octobre 1985 lorsqu’un avion de
chasse israélien F-15 bombarde le siège de l’OLP à Tunis où
devait se tenir un meeting entre les dirigeants du mouvement,
meeting auquel Arafat arrive en retard.(1)
En 1988, la première Intifada, ou «révolte des pierres»,
éclate en Cisjordanie et sur la Bande de Ghaza. Le 13 décembre
1988, devant l’Assemblée générale des Nations unies à Genève,
Arafat en appelle à une résolution pacifique du conflit
israélo-arabe sur base des résolutions 181, 242 et 338 et
rappelle le rejet par le Conseil national palestinien et par
l’OLP de toute forme de terrorisme. Le 13 septembre 1993, la
Déclaration de Principes dite «Accords d’Oslo», est
signée à la Maison-Blanche sous l’égide du président Bill
Clinton. Le monde entier retient la poignée de main historique
échangée entre le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et
Yasser Arafat. L’accord dit «Oslo II», conclu en
septembre 1995, permet la tenue d’élections générales en janvier
1996. Arafat est élu le 4 novembre 1995, Yitzhak Rabin est
assassiné lors d’une assemblée pour la paix à Tel Aviv.(1)
En juillet 2000, le sommet de Camp David entre Yasser Arafat et
Ehud Barak évoque la reconnaissance d’un État palestinien. Il
achoppe néanmoins sur de nombreux points. La seconde Intifada
est initiée en septembre 2000, à la suite de l’échec des
discussions israélo-palestiniennes: La visite du parlementaire
du Likoud, Ariel Sharon, sur l’Esplanade des mosquées/Mont du
Temple est vécue par eux comme une provocation. En février 2001,
Ariel Sharon est élu Premier ministre tandis qu’aux États-Unis,
George W.Bush est élu président. Ariel Sharon ne cherche pas à
poursuivre les négociations avec Yasser Arafat qu’il ne juge pas
comme un interlocuteur valable. Les attentats du 11 septembre
2001 précipitent les États-Unis dans la «guerre contre le
terrorisme». Sharon, qui avait juré en 1982 de tuer Arafat,
déclare: «Nous aussi avons notre Ben Laden.» Yasser
Arafat va passer les dernières années de sa vie enfermé dans la
Mouqataâ, son QG de Ramallah, encerclée par les forces
israéliennes. L’Union européenne exige de Yasser Arafat une
dénonciation catégorique et «en langue arabe» du
terrorisme, ce qu’il fait le 16 dé-cembre 2001.(1)
En vertu des réformes exigées par Israël et les États-Unis,
Yasser Arafat doit se résigner, en février 2003, à nommer un
Premier ministre qui sera Mahmoud Abbas. Un bras de fer oppose
rapidement Arafat à son Premier ministre Mahmoud Abbas. Au
centre des divergences, la Feuille de route pour la paix et la
proposition de Mahmoud Abbas de nommer Mohammed Dahlan au poste
de ministre de l’Intérieur. En 2004, Ariel Sharon franchit une
étape supplémentaire en déclarant, le 2 avril, que son
adversaire n’a «aucune assurance» sur la vie. Le
journaliste israélien Uri Dan rapporte, dans son livre Ariel
Sharon: entretiens intimes avec Uri Dan, une conversation
téléphonique qui se serait alors tenue entre Ariel Sharon et
George W.Bush, Sharon informant Bush qu’il ne se sentait plus
tenu par la promesse qu’il lui avait faite en mars 2001 de ne
pas toucher à la vie d’Arafat. Bush lui aurait répondu qu’il
fallait laisser le destin de Arafat entre les mains de Dieu, ce
à quoi Sharon avait répondu que parfois, «Dieu a besoin d’une
aide». En octobre 2004, Arafat se plaint de douleurs à
l’estomac et de vomissements. Malgré une première intervention
chirurgicale dans son quartier général de la Mouqata’a à
Ramallah, en Cisjordanie, le 25 octobre, sa santé continue à se
dégrader. Le 29 octobre 2004, gravement malade, Yasser Arafat
quitte Ramallah pour rejoindre la Jordanie, d’où il se rend en
France, à bord d’un avion médicalisé. Il est hospitalisé dans
l’hôpital d’instruction des armées Percy à Clamart. Il décède
officiellement à Clamart le 11 novembre 2004, à 3 h 30, heure de
Paris.(1)
Amnon Kapeliouk, journaliste qui connaît Arafat, écrit «...Dans
leur article, les journalistes Amos Harel et Avi Isacharoff,
soulignent que, pour de nombreux médecins, les symptômes
faisaient plutôt penser à un empoisonnement. (...) Le 18 août
2004, j’ai personnellement assisté au discours du président
Arafat devant le Conseil législatif palestinien, réuni à la
Mouqata’a. Debout, la voix forte, il n’avait pas l’air malade.
Le 28 septembre, lors du quatrième anniversaire de l’Intifada
Al-Aqsa, je le revois pour la dernière fois. Il me salue avec
l’accolade habituelle et prend de mes nouvelles. Tout va bien,
al-hamdou li-llah, mais vous, Abou Ammar, vous avez perdu
beaucoup de poids en peu de temps.» Son visage est amaigri,
et il semble flotter dans ses vêtements. «Ce n’est rien»,
répond-il. Au mois d’octobre, son état de santé se dégrade. le 3
novembre, il sombre soudain dans le coma. Il souffre d’une série
de symptômes graves, attribués à une toxine inconnue que les
médecins français ne parviennent pas à détecter. Le 11 novembre,
le président Yasser Arafat ferme les yeux pour toujours. Médecin
des rois hachémites, le Jordanien Ashraf Al-Kourdi suivait
également Abou Ammar, dont il connaissait par coeur le dossier
médical. Lui aussi, peu après le décès de son patient, déclara
percevoir des indices d’empoisonnement. (...) Douleurs dans les
reins et l’estomac, absence totale d’appétit, diminution des
plaquettes, perte de poids considérable, taches rouges sur le
visage, peau jaune: «N’importe quel médecin vous dira qu’il
s’agit là de symptômes d’empoisonnement (2).»
Qu’en reste-t-il ?
Pour l’histoire, Arafat a failli être empoisonné par ses propres
«frères palestiniens». Kaddoumi accuse Mahmoud Abbas et
Mohamed Dahlane d’avoir voulu tuer Arafat. Leïla Mazboudi écrit:
Ayant accusé Abou Mazen et son ancien chef de la police
préventive, Mohammad Dahlane, de faire partie du complot
israélien pour tuer Arafat et d’autres dirigeants palestiniens,
à la base d’un texte que lui aurait envoyé le leader défunt en
personne, le chef du département politique de l’OLP compte
révéler encore plus d’indices pour étayer ses accusations.
Celui-ci détient des enregistrements vocaux du défunt Arafat,
durant le blocus imposé par Israël au siège de l’Autorité
palestinienne dans la Moukataâ, et précisément lorsqu’il a
évincé Abbas qui était alors Premier ministre. (..).(3)
Que reste-t-il de son héritage? Depuis la mort de Yasser Arafat,
son ancien Premier ministre, Mahmoud Abbas, est devenu son
successeur à la tête de l’OLP et de l’Autorité palestinienne. Il
faut ajouter à ce bref rappel la naissance du Hamas. Une grande
partie du monde connaît superficiellement l’histoire du Hamas
telle qu’elle est présentée par les médias occidentaux,
l’histoire des kamikazes, les résultats d’élections, le déni de
ce vote démocratique par les gouvernements occidentaux et plus
récemment, la prise de pouvoir du Hamas sur le dysfonctionnement
gouvernemental de la Bande de Ghaza. Le Fatah est directement
associé aux échecs de l’Autorité palestinienne. Avec la reprise
de la seconde Intifada en septem-bre 2000, le Fatah recule et
c’est le Hamas qui en tire profit. Ainsi, depuis la mort de
Yasser Arafat et le lancement de la démocratisation des
territoires occupés, le Hamas devient un adversaire sérieux du
Fatah. Le Hamas gagne les élections législatives palestiniennes
de 2006 et pour la première fois, le Fatah perd le pouvoir. Si
on ajoute à cela l’exaspération causée par la corruption au sein
de l’Autorité palestinienne (principalement le Fatah), on
comprend la prise en main manu militari de la Bande de Ghaza par
le Hamas. Après la boucherie de décembre- janvier à Ghaza et qui
a fait 1400 morts- Israël refuse de reconnaître le rapport
Goldstone sur sa responsabilité.
Rien, écrit René Naba, absolument rien, ne sera épargné à celui
que l’on a surnommé parfois, à juste titre, «le plus célèbre
rescapé politique de l’époque contemporaine», et ce prix
Nobel de la Paix, un des rares arabes à se voir attribuer un tel
titre, boira la coupe jusqu’à la lie. Le chef palestinien
décédera pourtant le 11 novembre 2004, sans n’avoir cédé rien
sur rien, sur aucun des droits fondamentaux de son peuple, pas
plus sur le droit de disposer de Jérusalem comme capitale que
sur le droit de retour de son peuple dans sa patrie d’origine.
(...)De tous les grands pays arabes, seule l’Algérie accordera
un soutien sans faille à la guérilla palestinienne, «Zaliman
kana aw Mazloum», oppresseur qu’il soit ou opprimé, selon
l’expression du président Boumediene. L’Egypte fait la paix avec
Israël et l’Amérique se lie par la clause Kissinger, qui
subordonne tout contact avec l’OLP à des conditions équivalant,
selon les Palestiniens, à une capitulation sans condition. (...)
2003, l’invasion américaine de l’Irak offre à Ariel Sharon
l’occasion de confiner Yasser Arafat dans sa résidence
administrative, avec la complicité honteusement passive des pays
occidentaux.(4)
«Sa stature sans commune mesure avec celle de son terne
successeur, Mahmoud Abbas, un bureaucrate affairiste sans
envergure et sans charisme, hante encore la conscience
occidentale, cinq ans après sa mort. L’implosion politique de
Mahmoud Abbas, le 5 novembre 2009, à six jours de la
commémoration du décès de Yasser Arafat, justifie a posteriori
le scepticisme du chef historique des Palestiniens à l’égard des
pays occidentaux et porte condamnation de la complaisance de son
successeur à l’égard de la duplicité occidentale, en même temps
qu’elle révèle la servilité de la diplomatie américaine et de
son chef, Hillary Clinton, secrétaire d’Etat, à l’égard
d’Israël. Carbonisé par ses atermoiements dans l’affaire du
rapport Goldstone sur Ghaza et par la rebuffade américaine à
propos des colonies de peuplement, sa renonciation à une
nouvelle mandature présidentielle apparaît d’autant plus
cruellement pathétique qu’elle a coincidé avec une cinglante
leçon de courage que lui ont assénée de jeunes Palestiniens et
des pacifistes israéliens en opérant, non sans risque, une
percée dans le mur d’apartheid à l’occasion de la commémoration
du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, une
action qui a retenti comme un camouflet à Mahmoud Abbas et à
Israël, un défi à la léthargie des instances internationales, un
cadeau posthume à Yasser Arafat, initiateur de la lutte armée
palestinienne.»(4)
Faute d’ailleurs d’avoir préparé sa succession, la Palestine se
retrouve plus que jamais orpheline, Celui que ses concitoyens
considèrent comme un second Moïse n’est pas entré dans la Terre
pro-mise. Qui redonnera la Terre à ces Palestiniens qui
acceptent moins de 22% de la Palestine originelle? L’espoir
placé en l’Amérique d’Obama a été vite balayé par la réalité. Il
n’y aura pas d’arrêt de colonisation, Israël continuera à
expulser les citoyens de leurs habitations. Ainsi va le monde...
1.Yasser Arafat: Encyclopédie Wikipédia
2.Amnon Kapeliouk: Yasser Arafat a-t-il été assassiné? Le Monde
Diplomatique - Novembre 2005
3.Leïla Mazboudi: Kaddoumi va divulguer les enregistrements.
Al-Manar- 24 juillet 2009
4.René Naba: Yasser Arafat, Mister Palestine for ever.
07/11/2009
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, Ecole d´ingénieurs Toulouse
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Publié le 13 novembre 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
Les textes du Pr Chems Eddine Chitour
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