Opinion
Le conflit
israélo-palestinien :
La solution à un Etat est-elle la
solution ?
Chems
Eddine Chitour
Chems
Eddine Chitour
Samedi 11 août 2012
«Pour les
Israéliens, le conflit israélo-arabe a
été gagné et oublié depuis plusieurs
années, autour de l'année 2004, quand
Bush informa Sharon que les Etats-Unis
ne demandaient pas le retrait israélien
sur les frontières de 1967, mettant
ainsi un point final à ´´la solution à
deux Etats´´, et quand Arafat mourut
´´mystérieusement´´.»
Jeff Halper
L'actualité de cette année 2012 est
relativement pauvre en informations
concernant la situation tragique des
Palestiniens notamment à Ghaza. Est-ce
qu'il n'y a pas d'événements majeurs qui
s'y déroulent? Est-ce parce que le
conflit est réglé? ou est-ce parce que
ce conflit n'intéresse plus personne, à
commencer par les dirigeants
palestiniens installés dans la fatalité
et se contentant de gérer les lambeaux
de la Cisjordanie même si Ghaza toujours
assiégée continue sporadiquement à se
manifester dans une ambiance d'élections
américaines, de printemps arabes
frelatés et de médias dominants ayant
choisi définitivement d'étouffer la
cause palestinienne en l'étouffant d'une
façon médiatique. A titre d'exemple, le
Rapporteur spécial des Nations unies sur
la situation des droits de l'homme dans
les territoires palestiniens occupés
depuis 1967, Richard Falk, a condamné le
recours, par Israël, à l'isolement
cellulaire des enfants palestiniens..
«Le recours par Israël à l'isolement
cellulaire des enfants constitue une
violation flagrante des droits de
l'homme», a déclaré M.Falk en se disant
«scandalisé» qu'Israël puisse envisager
d'y recourir contre des enfants. (...)
M.Falk a exhorté le gouvernement
israélien à prendre des mesures urgentes
pour veiller à ce que le traitement des
mineurs palestiniens soit conforme au
droit humanitaire international.»
Peut-il faire autrement que de supplier
Israël? (1)
Dans le style de diversion, les
humanitaires essaient de soulager la
détresse des Ghazaouis par une troisième
tentative de briser le blocus avec une
flottille humanitaire alors que le
problème de fond, qui est celui de
l'occupation, est entier. Cette dernière
initiative en date pour briser le siège
est organisée par l'organisation Un
Bateau pour Gaza, basée en Suède et
aidée par une coalition qui s'appelle
Flottille de la Liberté III. (...)L'an
dernier, la Flottille de la Liberté II -
Rester Humains, a été empêchée de partir
pour Ghaza par les autorités grecques.
Suite à des «pressions intenses de la
part des gouvernements états-unien et
israélien.» (...) Une autre tentative
pour briser le siège, qui se démarque
nettement de celles conçues avant elle,
s'appelle l'Arche de Gaza. Il s'agit
d'une initiative pour briser le siège à
partir de l'intérieur. Elle est commune
à des militants de la solidarité de
Palestine, du Canada, d'Australie et des
États-Unis.
Pourquoi
Israël ne répond pas aux multiples
résolutions des Nations unies?
On l'aura compris, le président Obama ne
fera rien qui puisse compromettre son
élection, même position de son
adversaire républicain Mitt Ronney qui
cherche l'adoubement en allant à
Jérusalem proclamer que Jérusalem est la
capitale d'Israël. On apprend que le 2
juin, l'UE s'est engagée à renforcer ses
relations avec Israël dans une
soixantaine de domaines. Les États
membres de l'UE ont choisi ainsi
d'ignorer complètement l'article 2 de
l'Accord d'association UE-Israël, qui
est conçu pour dissuader les violations
des droits humains en affirmant
clairement que les relations UE-Israël
doivent être fondées sur le respect des
droits de l'homme et des principes
démocratiques qui doivent guider
politiques nationales et
internationales.
«Et, malgré ses déclarations
lénifiantes, poursuit Alain Gresh,
l'Union européenne poursuit, sans aucune
honte, sa politique de coopération avec
Israël. Ce qui faisait dire à Leïla
Shahid, déléguée générale de la
Palestine auprès de l'Union européenne:
«Sur le terrain, Israël défie la
communauté internationale et détruit ce
que l'Europe nous aide à construire.
Comment expliquer alors qu'Israël
demeure, et de loin, le premier
partenaire de l'Europe dans la région?
Comment expliquer la signature de
plusieurs accords sans contrepartie
politique et alors même qu'Israël prive
un autre partenaire, la Palestine, de
mettre en oeuvre ses propres accords
avec l'Union européenne?» (3)
La même position critique a été émise
par Souhayr Belhassen, présidente de la
Fidh et Michel Tubiana, président du
Remdh: «C'est entendu, l'Union
européenne (UE) ne va pas ´´rehausser´´
ses rapports avec Israël, elle va
´´seulement´´ renforcer ses liens par le
biais de plus de 60 nouvelles activités
très concrètes, comme le mouvement des
personnes, l'agriculture, la sécurité ou
encore la coopération. Simultanément,
elle va maintenir ses regrets, voire ses
préoccupations concernant le blocage du
processus de paix, les progrès de la
colonisation, les entraves au
développement de la Cisjordanie et de
Ghaza, tout en proclamant son
attachement à résoudre le conflit
israélo-palestinien. Trois éléments
caractérisent la politique européenne
dans cette région du monde: le constat
critique des errements de la politique
israélienne, le refus ou l'incapacité de
tirer les conséquences de ce constat et
le rôle de pourvoyeur de fonds, pour se
donner sans doute bonne conscience.
(...) Parce qu'Israël serait un morceau
de cette Europe pétrie de démocratie et
de liberté, perdu au milieu de notre
traditionnel ennemi que serait l'islam?
Ce serait renouer avec le choc des
civilisations de la pire des manières
qui soit. Ce serait faire croire à
Israël qu'il peut vivre en dehors de son
environnement. (...) aucune raison ne
justifie la politique abstentionniste de
l'Union européenne.
L'´´approfondissement´´ des rapports
économiques et de coopération entre l'UE
et Israël résonne dans ce contexte comme
une légitimation. On peut s'imaginer,
comme les dirigeants israéliens, que
tout est bon à prendre tant que cela
dure. Jusqu'à l'abîme?» (4)
«Il n'y a pas d'occupation israélienne
en Cisjordanie. Dès lors, le
gouvernement de Benyamin Nétanyahou doit
légaliser toutes les colonies qui s'y
trouvent, et toutes celles qui seront
créées à l'avenir...Ces conclusions, un
rien hallucinantes, rendues publiques
lundi 9 juillet, sont celles d'un comité
présidé par l'ancien juge de la Cour
suprême Edmond Levy, formé en janvier
2012, à la demande du Premier ministre
israélien. ´´Ce rapport est important
parce qu'il traite de la légalisation et
de la légitimation de la politique de
colonisation en Judée et Samarie
[Cisjordanie] sur la base de faits et
d'arguments qui doivent être
sérieusement considérés´´,... Israël
n'est pas une puissance occupante, et
les colons sont chez eux dans toute la
Cisjordanie.» (5)
La réalité
de la colonisation sur le terrain
A en croire toutes les analyses, la
colonisation est irréversible et tout
est fait à la fois sur le plan politique
et sur le terrain pour que la solution à
deux Etats ne soit plus qu'une vue de
l'esprit. Nous allons rapporter deux
analyses convergentes. Alain Gresh
rapporte le travail de deux
universitaires (...) Mais deux autres
textes retiendront ici notre attention
par leurs implications sur l'avenir du
conflit. Le premier s'intitule «Western
Interests, Israeli Unilateralism, and
the Two-State Solution». Il est signé de
Neve Gordon et Yinon Cohen; le premier
enseigne à l'université Ben Gourion dans
le Negev, le second à l'université de
Colombia. Les deux auteurs rappellent
que les puissances occidentales se sont
opposées à la demande des Palestiniens
d'une adhésion de leur Etat comme membre
à part entière de l'ONU ».(3)
« En revanche, ces mêmes puissances font
preuve d'une étonnante placidité face à
l'unilatéralisme israélien qui se
manifeste par la colonisation et qui,
jour après jour, change la réalité sur
le terrain. Les chiffres donnés par les
deux auteurs sont terrifiants. Le 30
octobre 1991, quand s'ouvre la
conférence israélo-arabe de Madrid, on
comptait 132.000 colons dans la partie
occupée de Jérusalem, 89.800 en
Cisjordanie. Vingt ans plus tard, le
nombre total de colons a dépassé 500
000. Le gouvernement israélien invoque
souvent l'argument de la croissance
«naturelle»; c'est un argument
fallacieux. Pour la Cisjordanie, si
l'augmentation avait été seulement due à
cette croissance naturelle de la
population, on compterait entre 113.000
et 166.000 colons; or ils sont
aujourd'hui 313.000. Une autre donnée
soulignée dans l'article concerne les
juifs ultra-orthodoxes. En 1991, on
comptait 5 colonies de juifs orthodoxes,
avec 4230 habitants (soit 5% des colons
et 1% des juifs orthodoxes en Israël).
Aujourd'hui, ce nombre a grimpé à 100
000 (soit un tiers des colons et 15% du
total des juifs orthodoxes).(...) Enfin,
le texte montre que le nombre de colons
qui s'installent chaque année dans les
territoires occupés n'a pas varié en
fonction de la couleur des
gouvernements, de droite, travailliste
ou de coalition.» (3)
De même, dans l'évidence d'un coup parti
et de l'impossibilité de revenir en
arrière, Richard Falk, spécialiste de
droit international et de relations
internationales à Princeton, analyse
l'article de Dani Dayan, président du
Yesha Council of Jewish Communities.
´´Les colons israéliens ne partiront
pas´´ publié par le N.Y. Times le 26
juillet. «Les prémisses moraux et légaux
sur lesquels Dayan fonde sa certitude
que les colons ne quitteront jamais la
Cisjordanie n'ont aucune valeur mais les
arguments politiques qu'il avance sont
si indéniables qu'on ne voit pas comment
les réfuter. Dayan commence par affirmer
que le mouvement des colons a des droits
sur le territoire conquis en 1967 parce
que ce sont les Palestiniens qui à
l'époque menaçaient Israël
d'annihilation. C'est un argument sans
valeur aux yeux de presque tous les
spécialistes du droit international.
(...) Ce rejet a été exprimé dans la
résolution 242 du Conseil de Sécurité de
l'ONU votée à l'unanimité en 1967 (...)
Le compromis de facto des Israéliens a
donc été de se rallier au consensus
autour de la mise en place progressive
de deux Etats tout en rendant cette
solution de plus en plus impraticable
sur le terrain. (...)» (6)
Richard Falk poursuit: «Ce que Dayan dit
en réalité au monde c'est que la réalité
sur le terrain rend inutile l'hypocrisie
de continuer à faire semblant qu'une
paix négociée entre les deux camps soit,
ou ait jamais été, une option politique.
De son point de vue, il y a maintenant
trop de colons apparemment
incorruptibles et déterminés à rester
là: la preuve, ils auraient pu faire,
par le passé, des profits en revendant
leurs biens dans les colonies et ne
l'ont pas fait.(..) Dayan développe son
argumentation en invoquant un mélange de
´´droits inaliénables´´ et de
´´realpolitik´´ favorable aux colons.
(...) Dayan emploie, pour parler de la
Cisjordanie, les termes de ´´Judée et
Samarie´´ qui sont les noms bibliques
dans la tradition juive, sans doute pour
mettre l'opinion internationale devant
le fait accompli du statut de ces
territoires.» (6)
Souvenons-nous des rodomontades de Abbas
en septembre 2011, pour faire
reconnaître l'Etat de Palestine. Ce fut
un flop! Récidive, la Ligue arabe
encourage maintenant un Etat type
Vatican sans droit de vote. Dans ce
cadre, on apprend que même ça a été
torpillé par Israël qui a interdit aux
chefs de la diplomatie de Malaisie,
d'Indonésie, du Bangladesh et de Cuba,
tous membres du Comité des Non-Alignés
sur la Palestine, d'entrer en
Cisjordanie pour participer à une
réunion sur la question palestinienne
prévue dimanche 5 août à Ramallah, Le
mois dernier, les ministres des Affaires
étrangères de la Ligue arabe ont appuyé
un projet de l'Autorité palestinienne
visant à obtenir la reconnaissance par
l'ONU d'un Etat de Palestine non membre
de l'organisation internationale.
M.Abbas espère à présent obtenir la
reconnaissance d'un Etat palestinien non
membre à l'Assemblée générale de l'ONU,
où il est assuré de recueillir un
soutien massif. (7)
La
solution à un Etat?
On comprend mieux Dayan quand il affirme
que l'Autorité palestinienne n'est pas
mécontente du statu quo et que le
développement économique se poursuit
dans les endroits qu'elle dirige
spécialement à Ramallah et dans ses
environs. De plus, si les Palestiniens
acceptaient de renoncer à leur
résistance inutile, la plupart des
checkpoints pourraient être enlevés
selon lui. Sa ´´solution´´ du problème
des réfugiés est d'améliorer les
conditions de vie dans les camps dont il
reconnaît l'état déplorable. (...)» (6)
Même conclusion, des auteurs cités par
Alain Gresh: «La décision du président
Obama et des puissances occidentales de
refuser l'entrée de l'Etat palestinien à
l'ONU crée les conditions pour un
changement de paradigme dans la solution
du conflit, le passage de la solution
des deux Etats à celle d'un seul Etat.
C'est à ce point que commence l'article
«Reconceptualizing the Israeli-Palestinian
Conflict: Key Paradigm Shifts». Il est
écrit par Sara Roy, de l'Université de
Harvard. (...) Et l'on assiste à un
changement fondamental dans la manière
dont la communauté internationale, ou en
tous les cas les pays occidentaux,
voient le conflit: elle accepte de fait
la fragmentation territoriale et
démographique de la Palestine. Cette
fragmentation est l'objectif principal
d'Israël (...) Cette séparation ne vise
pas du tout la création d'un Etat, mais
la fragmentation sans précédent du
territoire palestinien. L'idée même que
l'occupation était a maintenant été
abandonnée dans les faits, avec
l'acceptation de la politique de fait
accompli sur le terrain. (...)
Désormais, la communauté internationale
accepte la vision israélienne des
relations entre Israël d'un côté, Ghaza
et la Cisjordanie de l'autre. Cette
politique israélienne, rappelle Sara
Roy, s'accompagne à la fois de
l'expulsion de populations entières - le
nombre de Palestiniens vivant dans la
vallée du Jourdain est passé, de 250.000
à 50.000 -, de l'extension du travail
des compagnies minières israéliennes en
Cisjordanie, etc. Sous nos yeux, la
Palestine se réduit petit à petit à une
simple question humanitaire. Il s'agit
d'alléger les souffrances des
Palestiniens, provoquées par
l'occupation. Tout en acceptant, comme à
Ghaza, de punir ces mêmes populations
quand elles votent mal.» (3)
Un peuple continue à souffrir devant
l'indifférence de l'Occident, la lâcheté
des potentats arabes pour qui c'est «le
sauve-qui-peut» et devant Israël sûr de
son impunité qui continue inexorablement
à grignoter ce qui reste aux
Palestiniens de la Palestine originelle.
La solution a un Etat - Un «Isratine»
prédisait El Gueddafi - est une étape
avant la dissolution de l'identité
palestinienne ou de leur expulsion
définitive. Souvenons nous de la volonté
mainte fois manifestée d’Israël d’être
un Etat Juif . Ce qui veut dire que dans
cet Etat théocratique, il n’est pas
évident que les Arabes Palestiniens même
ceux qui sont actuellement israéliens,
qu’ils soient d’ailleurs, musulmans ou
chrétiens, aient la possibilité d’être
des citoyens part entière avec leur
droit et leur devoir ; Ce sera à coup
sûr des citoyens de second collège avec
un apartheid de tous les jours , avec on
l’aura compris une identité
palestinienne qui ne srra plus qu’une
vue de l’esprit. Ainsi va le monde.
1.
http://www.mleray.info/article-onu-richard-falk-a-condamne-le-recours-par-israel-a-l-isolement-cellulaire-des-enfants-palesti-108386979.html
Lundi 23 juillet 2012
2.http://www.info-palestine.net
/article.php3?id_article=12510 Jeudi 9
août 2012
3. Alain Gresh http://blog.mondediplo.
net/2012-08-01-Unilateralisme-palestinien-unilateralisme
4.http://www.mleray.info/article-renforcement-des-relations-entre-l-union-europeenne-et-israel-108810694.htmll
5Laurent Zecchini: Quand Israël réécrit
l'histoire de la colonisation Le
Monde.fr 10.07.2012
6http://www.palestinechronicle.com/view_article_details.php?id=19442
30 juillet 2012
7.
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/08/05/israel-bloque-la-tenue-d-une-reunion-sur-la-question-palestinienne_1742687_3218.html#xtor=AL-32280515
Professeur
émérite Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 11 août 2012
avec l'aimable autorisation de l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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