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L'EXPRESSIONDZ.COM
Le CRIF en France
Un nouveau ministère de la République
Pr Chems Eddine Chitour
Jeudi 11 février 2010 «Je suis juif parce
que le sort a voulu que je naisse juif. Je n’en rougis pas et je
ne m’en glorifie pas. Être juif pour moi, c’est une question
d’"identité", une "identité" à laquelle, je dois le préciser, je
n’ai pas l’intention de renoncer.»
Primo Levi (survivant d’Auschwitz)
Traditionnellement, le Conseil représentatif
des institutions juives de France mis en place sous Laurent
Fabius en 1985 invitait à un dîner toute la classe politique et
les autorités religieuses. C’était à l’époque de Théo Klein, un
espace de discussion loin de toute emprise idéologique. Depuis
Roger Cuckermann, fidèle zélé d’Israël, le Crif «convoque»
la classe politique française et lui trace les lignes
directives. En 2008 et pour la première fois nonobstant, le
président de la République y assiste. En 2010, le président de
la République, Nicolas Sarkozy a, comme l’année dernière,
effectué un bref passage le mercredi soir 3 février à Paris.
(...) Le chef du gouvernement, qui était l’invité d’honneur de
ce dîner, est largement revenu sur la situation au Moyen-Orient,
s’en prenant au régime iranien qui menace régulièrement l’Etat
hébreu de destruction. «La sécurité d’Israël est pour la
France une priorité absolue», a dit François Fillon pour
expliquer que Paris «partage pleinement la préoccupation
d’Israël quant au développement du programme nucléaire iranien».«Alors
que nous n’avons pas ménagé nos efforts (...), le régime iranien
n’a pas voulu saisir nos offres de dialogue. Il a au contraire
poursuivi sa fuite en avant. Le moment est donc venu d’agir.»
Selon François Fillon, «il n’est pas trop tard pour empêcher
par la voie politique, l’Iran d’acquérir une capacité nucléaire
militaire. Mais le temps presse».(1)
Un rendez-vous très
couru
«Le rendez-vous annuel du dîner, écrit
Hicham Hamza du Crif, est devenu, pour sa 25e édition, un moment
incontournable de la vie publique. Le 3 février au soir, ils
étaient environ 800 invités, triés sur le volet, à vouloir en
être et y paraître. Acteurs politiques, décideurs économiques,
personnalités religieuses et sociétaires du spectacle se sont
rendus à cette cérémonie d’un genre particulier: (...) Avec un
tel pouvoir reconnu par les plus hautes autorités de l’Etat,
dont Nicolas Sarkozy, de passage "quelques instants", et
François Fillon en "invité d’honneur", le président Prasquier
peut, dès lors, énoncer, durant un discours-programme, ses
exigences pour la nouvelle année: une meilleure "surveillance"
d’Internet pour pénaliser davantage toute forme de "racisme
ordinaire", le rejet par la France d’un rapport onusien
dénonçant des crimes de guerre commis par Israël, la
reconnaissance tacite de Jérusalem comme capitale de l’Etat
hébreu et la recrudescence d’efforts pour libérer le soldat
Gilad Shalit. Ainsi, par exemple, pour convaincre l’auditoire de
la nécessité de renforcer le contrôle sur la Toile, le président
du Crif contesta l’authenticité de la révélation journalistique,
largement reprise sur Internet depuis l‘été dernier, faisant
état d’un trafic d’organes en Israël à partir de corps de
Palestiniens décédés. Contre-vérité ou grossière erreur de la
part de Richard Prasquier puisque l’armée israélienne vient
elle-même de confirmer la réalité d’une telle allégation. Quant
à la sempiternelle menace iranienne, le propos belliciste a
largement été amplifié par le Premier ministre, François Fillon,
qui avait curieusement attendu le dîner du Crif pour annoncer,
sur un ton martial, l’initiative de la France pour réclamer
d’éventuelles sanctions plus fortes au travers d’une nouvelle
résolution de l’Onu».(2)
«(...) De même que le souhait d’un appel par le ministère de
la Justice -pour condamner plus lourdement les complices de
Youssouf Fofana- avait été exaucé par Michèle Alliot-Marie,
garde des Sceaux, cet amendement à la loi est réclamé, depuis le
début de la procédure judiciaire, par les avocats de la famille
Halimi, en partenariat singulier avec le Crif. (...) L’homme,
qui se dit "immensément satisfait" d’avoir accédé à ses
nouvelles fonctions en même temps que le président de la
République, ne nie pas son attachement sentimental à Israël,
même s’il prétend demeurer "légitimiste" à l‘égard de la
France.(...) Des intellectuels vont même jusqu’à dénoncer cette
crispation idéologique: ainsi, le journaliste Jean Daniel
n’hésite plus à comparer les responsables actuels du Crif à des
"représentants français du Likoud" tandis que Rony Brauman et
Elizabeth Lévy, pour une fois d’accord, qualifient cette
institution de "seconde ambassade d’Israël". Même le philosophe
Alain Finkielkraut, surnommé jadis "le porte-flingue d’Ariel
Sharon", semble pourtant, lui aussi, excédé quand il en vient à
juger comme étant "légèrement grotesque" le rendez-vous annuel
du Crif, ce "tribunal dînatoire" qui s’apparente à une
"convocation du gouvernement"[...].»(2)
«Très souvent, par le passé, déclare le président Sarkozy, je
suis venu au dîner du Crif. Je connais cette tradition. (..)En
invitant chaque année les plus hautes autorités de la Nation à
partager votre dîner, en invitant en particulier le Premier
ministre, et cette année, pour la première fois, le président de
la République, vous entendez renouveler votre attachement
indéfectible à la République et à la France. (....) Il est sain
que vos invités rassemblés dans cette salle, dont certains
exercent d’éminentes responsabilités, fassent mémoire de ces
moments douloureux qui précipitèrent tant de familles dans
l’abomination, et notre pays dans la honte. [...] (3)»
On remarquera que le président fait preuve d’une repentance à
géométrie variable. Il admet que la France puisse avoir honte de
la façon dont elle a traité les Juifs en laissant le pouvoir
hitlérien les déporter, mais il n’a pas à avoir honte de la
colonisation directe de la France qui, pendant plus d’un siècle,
a pillé volé, incendié, violé et déstructuré la société
algérienne qui en porte encore les stigmates.
Pour pouvoir juger du réel pouvoir du Crif, qu’il nous suffise
de rapporter un article du Canard enchaîné du mercredi 16 mai
2007, où nous apprenons que le président sortant du Crif, le
très sioniste Roger Cukierman est intervenu personnellement pour
s’opposer à la nomination de Hubert Védrine au poste de ministre
des Affaires étrangères: «Dès que les dirigeants du Crif ont
appris ce projet du nouveau chef de l’Etat, Roger Cukierman,
président sortant du Crif, a appelé au téléphone Claude Guéant
pour une violente mise en garde.» «On a eu une réunion au
Crif, aujourd’hui, et la rumeur d’une nomination de Védrine aux
affaires étrangères a circulé. Cela a provoqué la panique parce
que, pour nous, Védrine est pire que les anti-israéliens
habituels du Quai d’Orsay.» (...) Un peu plus tard,
Cukierman a joint directement Sarkozy et lui a dit que la
communauté juive prendrait la nomination de Védrine comme un «casus
belli.»(4)
Les responsables du Crif qui prétendent représenter les intérêts
des juifs en France viennent de démontrer une nouvelle fois
qu’ils sont avant tout les représentants en France des intérêts
d’Israël. L’intervention de Roger a, semble-t-il, porté ses
fruits, et même au-delà, puisque Védrine sera remplacé par
Bernard Kouchner le va-t-en guerre dont l’affection pour les
Musulmans est connue.
Déjà en 2009, écrit Dominique Vidal, le dîner 2009 du Conseil
représentatif des institutions juives de France (Crif) avait
battu tous les records (...) Le président Richard Prasquier et,
à sa suite, le chef du gouvernement, auront, hélas, battu un
autre record: celui de la manipulation politique et idéologique.
(...) Là où la légitimité s’arrête, c’est quand M.Prasquier -
malheureusement suivi par le Premier ministre - dénonce comme
antisémites les participants aux défilés de solidarité avec
Ghaza,(...) Quand, à l’issue d’un cortège du Crif, le 7 avril
2002, les nervis du Betar et de la Ligue de défense juive (LDJ)
s’en prirent aux passants d’origine arabe, accusa-t-on M.Roger
Cukierman, alors président du Crif, d’avoir conduit une «ratonnade»?
Question toujours d’actualité: qui protège la LDJ, interdite aux
Etats-Unis et en Israël, mais autorisée en France malgré ses
violences récurrentes? (...) Dernière preuve en date: dans le
climat du dîner, M.Fillon s’est cru obligé de menacer de
boycotter la seconde conférence des Nations unies sur le racisme
à Durban, si Israël y était «stigmatisé»!(5)
Au-dessus de tous
Lors d’un dîner du Crif, le 27 janvier 2003,
Roger Cukierman a dénoncé une «alliance brun-vert-rouge»
antisémite, Dans le quotidien israélien Haaretz du 23 avril
2002, le président du Crif, Cukierman, s’était réjoui du succès
de Le Pen au premier tour de la présidentielle, en y voyant,
selon ses termes, un motif d’espérer que les musulmans de France
se tiendraient tranquilles. Le 13 décembre 2009, Brice Hortefeux
se posait en pourfendeur du racisme. Le ministre de l’Intérieur
recevait ce jour-là le «Prix de la lutte contre le racisme et
contre l’antisémitisme» de la part de...l’Union des patrons
et des professionnels juifs de France (Upjf). Cette distinction
suscitait immédiatement la polémique. (...) Voilà que l’Upjf
remet le couvert. Cinq jours seulement après avoir honoré le
ministre de l’Intérieur, un «billet» était publié sur
l’Upjf.org, le site de l’organisation. Intitulé «Sur Mars
comme sur la terre: photos exceptionnelles de la planète!»,
ce «billet» est une succession de clichés de la planète
rouge. La dernière image vaut le détour: on y voit un groupe de
Martiens manifester sous une banderole «Musulmans, restez
chez vous», une pancarte à leurs pieds: «Mars for
Martians!»(6) La France leur appartient!
Pourtant, il s’est trouvé des Français de confession juive qui
sont scandalisés par le comportement du Crif. parmi eux, Maurice
Szafran qui fit un éditorial à ce propos dans le journal
Marianne n°642. «Quelle que soit la qualité de certains qui
en font partie et qui se déclarent à regret minoritaires, il
faut bien constater que les dérapages communautaristes du Crif
deviennent de plus en plus nombreux et alimentent un
antisémitisme à la fois insidieux et secret. Pour le moment,
personne n’ose dire que le roi est nu et que dans certaines
affaires qui relèvent soit de la solidarité inconditionnelle et
aveugle avec l’extrême droite de l’Etat d’Israël, soit d’un
judéo-centrisme obsessionnel et névrotique, les juifs ne peuvent
plus se sentir en sécurité intellectuelle.» «Soulignons
que le Crif n’a pas toujours été ce qu’il est devenu. Sous
l’impulsion de personnalités de droite ou de gauche, d’Adolphe
Steg à Théo Klein, il s’est évertué à maintenir un équilibre
subtil entre la multitude des sensibilités juives et les
courants contradictoires qui travaillent le pays. Le Crif était
alors respecté, écouté et envié par d’autres communautés. Depuis
quelques années, spécialement sous le règne de M.Prasquier, on
ne le reconnaît plus. Il ne sait plus que mordre et griffer à
tort et à travers. Qui conteste que Fofana ait perpétré un crime
antisémite? Mais est-ce vraiment dans la vocation d’un corps
politique d’intervenir rageusement dans une procédure
judiciaire, comme l’a fait le Crif à la manière d’un lobby de
caricature? Les avocats, la famille étaient dans leur rôle, pas
M.Prasquier, qui a offert une image accablante de ceux qu’il est
censé représenter. (..)La vérité est platement politique. Le
Crif, comme d’autres institutions juives, est tombé entre les
mains de courants alignés sur la droite israélienne la plus
intransigeante. Insensibles aux tourments palestiniens,
réfractaires aux concessions réciproques qui conditionnent la
paix, ils ont inventé la recette pour ne se faire entendre ni
des juifs de France, ni du pays dans son entier. Il est grand
temps que le Crif retrouve le chemin de la raison et de
l’apaisement.»(7)
«J’aurais pu écrire votre article, s’indigne Jean Daniel. Je
le signe et le contresigne. Cela fait désormais trop longtemps
que le Crif s’autoproclame une représentation, qui est infondée
et souvent nocive. Quelle que soit la qualité de certains qui en
font partie et qui se déclarent à regret minoritaires, il faut
bien constater que les dérapages communautaristes du Crif
deviennent de plus en plus nombreux et alimentent un
antisémitisme à la fois insidieux et secret. Pour le moment,
personne n’ose dire que le roi est nu et que dans certaines
affaires qui relèvent soit de la solidarité inconditionnelle et
aveugle avec l’extrême droite de l’Etat d’Israël, soit d’un
judéo-centrisme obsessionnel et névrotique, les juifs ne peuvent
plus se sentir en sécurité intellectuelle. Je vous laisse libre
de faire de cette lettre l’usage qui vous conviendra.»(8)
En définitive, une dépêche courageuse de l’AFP passée inaperçue
et pour cause, eu égard au maillage serré des médias à l’époque,
s’interrogeait sur la place du Crif. Le Conseil représentatif
des institutions juives (Crif), s’est interrogée l’Agence,
est-il devenu un nouveau département ministériel, au même titre
que celui de l’Intérieur, de l’Agriculture ou encore de la
Défense? On est en droit de se poser la question, qui fait état
d’une «Réunion interministérielle contre l’antisémitisme»,
en présence de représentants du Crif. La dépêche de l’AFP était
intitulée ainsi: «Une réunion interministérielle pour lutter
contre les actes antisémites à l’école, s’est tenue jeudi au
ministère de l’Intérieur, a indiqué le ministère dans un
communiqué. Cette réunion était destinée à "identifier des
outils pratiques et efficaces permettant de mieux prévenir,
signaler et réprimer les actes antisémites commis dans le cadre
scolaire", selon ce communiqué. Cette réunion regroupait des
représentants du Conseil représentatif des institutions juives
de France (Crif), des ministères de l’Intérieur, de la Justice
et de l’Education nationale, du corps préfectoral, ainsi que des
policiers et des parquetiers.»(9)
La République qui dit lutter contre les communautarismes et se
doit d’être équidistante des religions, continuera-t-elle
longtemps à exacerber les tensions en obéissant à une communauté
qui clame haut et fort sa fidélité première à un autre pays? La
question est posée.
1.Nicolas Sarkozy au dîner du Crif.
La-Croix.com 4 février 2010 (avec AFP)
2.Hicham Hamza-La tranquille impudence du Crif Oumma.com 5
février 2010
3.Discours de M. le Président de la République lors du dîner
annuel du CRIF le 13-02-08
4.L’ennemi d’Israël - Le Canard enchaîné 16 mai 2007
5.Dominique Vidal: Dérapages du Crif, relaxe pour Siné Le Monde
Diplomatique 7 mars 2009
6.Gérald Andrieu: L’Union des patrons juifs de France remet le
couvert Marianne 24 12 2009
7.http://www.bakchich.info/Jean-Daniel-flingue-le-CRIF,09970.html
8.Jean Daniel - Une lettre de Jean Daniel à Maurice Szafran
Samedi 15 août 2009
9.Le Crif nouveau ministère de la République? AFP 18 décembre
2003
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, enp-edu.dz
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Publié le 11 février 2010 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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