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L'EXPRESSIONDZ.COM
6e congrès du Fatah
La Palestine dans l'attente d'un
messie ou d'un Mehdi
Pr Chems Eddine Chitour
Lundi 10 août 2009
«C’est un congrès pour soigner les plaies à l’intérieur du
Fatah, mais cela ne changera en rien la situation du peuple
palestinien.» «Nous avons essayé les pierres, les armes, la
négociation. Pour quel résultat?»
Hazem Alqassas, citoyen palestinien. 20 ans
après le congrès du Fatah qui a eu lieu à Tunis, le 6e Congrès
s’ouvre en Palestine occupée. Pour l’histoire de ce conflit plus
que centenaire. Pour les débuts du sionisme, il faut rappeler
que c’est Moses Hess, ami de Karl Marx et Friedrich Engels, qui,
en publiant Rome et Jérusalem, pose les fondements du sionisme.
Justement au Congrès de Bâle en 1897, Théodore Herzl déclare: «J’ai
créé l’Etat juif.» C’est le début du calvaire pour le peuple
palestinien. Nous remarquerons au passage que Benyamin
Netanyahou avec les techniques de diversion connues parle lui
aussi d’Etat des Juifs ce qui veut dire qu’implicitement les
Arabes israéliens-chrétiens ou musulmans, actuellement
considérés comme des citoyens de seconde zone, n’ont pas
vocation à rester en Israël.
Le Fatah est une organisation politique et militaire
palestinienne fondée par Yasser Arafat au Koweït en 1959. Le
Fatah appelle alors à la lutte contre l’État d’Israël avec comme
grand objectif de «libérer tout le territoire palestinien de
l’entité sioniste». Plusieurs organisations sont créées pour
combattre Israël, soutenues par différents pays arabes dont
notamment le mouvement du charismatique Georges Habbache disparu
récemment. L’Organisation de libération de la Palestine ou OLP
est une organisation palestinienne politique et paramilitaire,
créée en mai 1964. L’OLP est composée de plusieurs organisations
palestiniennes, dont le Fatah, le Front populaire de libération
de la Palestine (Fplp) et le Front démocratique pour la
libération de la Palestine (Fdlp). En 1983, le Fatah connaît une
grave crise interne, à la suite de l’invasion par Israël du
Liban. Une scission au sein du mouvement a lieu à cause de
profonds désaccords sur la politique de dialogue menée par
Yasser Arafat. Arafat en sort finalement renforcé et son
mouvement consolide sa domination dans l’OLP. Par la suite, il
sera élu à la tête de l’Autorité, et son parti détient une très
large majorité au Conseil législatif palestinien.
Le début de l’effritement
La débâcle des armées arabes pendant la guerre des Six-Jours de
1967 a changé l’OLP en organisation de guérilla palestinienne à
l’arrivée de Yasser Arafat qui la dirigea de 1969 à sa mort, le
11 novembre 2004. En septembre 1970, l’OLP a subi un revers
majeur lors de l’assaut des armées jordaniennes contre ses
groupes armés. La fin des années 1980 et l’ouverture de
discussions avec Israël, qui privilégia cet interlocuteur parmi
les nombreux mouvements palestiniens, marqua un tournant pour
cette organisation. Ce fut le début de l’effritement de la cause
palestinienne qui s’est définitivement sabordée. Pour une
problématique reconnaissance internationale, elle signe les
accords d’Oslo dénoncés par beaucoup d’historiques.
Point d’orgue elle modifie, en avril 1996, sa Charte qui visait
la destruction de l’État d’Israël sans aucune contrepartie.
L’Autorité palestinienne est née de l’application des accords
d’Oslo négociés entre l’OLP et Israël. Depuis la mort de Yasser
Arafat, son ancien Premier ministre, Mahmoud Abbas est devenu
son successeur à la tête de l’OLP et de l’Autorité
palestinienne. Miné par la corruption, soutenu par les pays
modérés (Arabie Saoudite, Jordanie et surtout l’Egypte de
Moubarak) - entendons par là ceux qui ont définitivement fait
allégeance à la doxa occidentale et aux désidérata d’Israël, le
Fatah se cherche. Voilà pour l’histoire. Il faut ajouter à ce
bref rappel la naissance du Hamas. Une grande partie du monde
connaît superficiellement l’histoire du Hamas telle qu’elle est
présentée par les médias occidentaux, l’histoire des kamikazes,
les résultats d’élections, le déni de ce vote démocratique par
les gouvernements occidentaux et plus récemment, la prise de
pouvoir du Hamas sur le dysfonctionnement gouvernemental de la
bande de Ghaza. Le Fatah est directement associé aux échecs de
l’Autorité palestinienne. Avec la reprise de la seconde Intifada
en septembre 2000, le Fatah recule et c’est le Hamas qui en tire
profit. Ainsi, depuis la mort de Yasser Arafat et le lancement
de la démocratisation des territoires occupés, le Hamas devient
un adversaire sérieux du Fatah. Le Hamas gagne les élections
législatives palestiniennes de 2006 et pour la première fois, le
Fatah perd le pouvoir. Cette défaite sonne le glas de la vieille
garde du Fatah, accusée par la jeune garde d’avoir conduit le
Fatah à la défaite en ne luttant pas assez sérieusement contre
la corruption qui gangrène l’économie palestinienne. Des
arguments ont été avancés disant que le Hamas avait été aidé
dans sa mise en place par Israël afin de contrecarrer le pouvoir
de l’organisation de l’OLP/Fatah. Il faut de plus remarquer que
les gouvernements occidentaux si chatouilleux sur la démocratie
n’ont pas reconnu les élections propres et honnêtes- L’ancien
président Carter en témoigne- gagnées par le Hamas qui est mis
au ban de la communauté internationale. Pour Jean-Paul
Chagnollaud, coauteur de Palestine, la dépossession d’un
territoire (éd. L’Harmattan-2002), «c’est le refus, par les
Européens, les Américains et Israël, de reconnaître cette
victoire politique du Hamas», qui a conduit aux violences.
Le boycott financier et diplomatique du gouvernement du Hamas
par la communauté internationale. La situation économique et
humanitaire a empiré à Ghaza et la lutte pour le pouvoir entre
le Fatah et le Hamas s’est traduit sur le terrain par des
affrontements qui ont fait depuis un peu plus d’un an des
centaines de morts. Le dernier épisode de cette lutte s’est
soldé par la prise de contrôle de la bande de Ghaza par le Hamas
et la mort de 113 personnes. Si on ajoute à cela l’exaspération
causée par la corruption au sein de l’Autorité palestinienne
(principalement le Fatah), on comprend la prise en main manu
militari de la bande de Ghaza par le Hamas. Cette fitna a fait
le bonheur d’Israël qui a tout fait pour étrangler la bande de
Ghaza en s’alliant, dit-on, avec l’Autorité palestinienne portée
à bout de bras financièrement. Les Etats-Unis viennent d’inonder
l’Autorité avec 200 millions de dollars et un général s’occupe
de la formation des troupes du Fatah avec des armes américaines.
Après la boucherie de décembre-janvier à Ghaza et qui a fait
1400 morts- Israël a finalement reconnu qu’elle a utilisé des
bombes au phosphore en toute impunité; la bande de Ghaza est
toujours asphyxiée, il n’y a pas de reconstruction, l’argent
passe à travers l’autorité de Mahmoud Abbas qui marchande. Mieux
encore, la grande Egypte dont la reddition en rase compagne au
profit des Américains et naturellement Israéliens a fait le
maximum pour contraindre le Hamas- chantage pour l’entrée en
territoire égyptien par le terminal de Rafaâ - à accepter de se
mettre sous le joug de Abbas c’est-à-dire en définitive, un
renoncement pur et simple à se battre contre aucune promesse de
voir un jour une Palestine si ce n’est un bantoustan en peau de
léopard sur moins de 20% de la Palestine originelle.
La bombe de Kaddoumi
Dernière péripétie en date, une bombe: Kaddoumi accuse Mahmoud
Abbas et Mohamed Dahlane d’avoir voulu tuer Arafat. Leïla
Mazboudi écrit: «Ayant accusé Abou Mazen et son ancien chef
de la police préventive, Mohammad Dahlane, de faire partie du
complot israélien pour tuer Arafat et d’autres dirigeants
palestiniens, à la base d’un texte que lui aurait envoyé le
leader défunt en personne, le chef du département politique de
l’OLP compte révéler encore plus d’indices pour étayer ses
accusations. Selon une source palestinienne à Damas, où devrait
se rendre Kaddoumi, celui-ci détient des enregistrements vocaux
du défunt Arafat, durant le blocus imposé par Israël au siège de
l’Autorité palestinienne dans la Moukataâ, et précisément
lorsqu’il a évincé Abbas qui était alors Premier ministre. (..)
Entre-temps, une grande majorité des Palestiniens prennent au
sérieux les accusations de Kaddoumi. Dans un sondage effectué
sur un échantillon libre de 2 300 Palestiniens, et publié sur le
site "Palestine Now" (Paletimes.net) 68% d’entre eux ont
qualifié ces déclarations de vraies, tandis que 32% les ont
démenties.»(1)
Kaddoumi a réaffirmé «la véracité et l’authenticité» des
minutes de la réunion de mars 2004 à Jérusalem-Ouest, au cours
de laquelle le complot allégué d’empoisonnement d’ Arafat a été
discuté. Kaddoumi aurait également insinué qu’il possédait
d’autres preuves incriminant Abbas et Dahlane, qui corroborent
et consolident ses premières accusations. Le secrétaire-général
du Fatah a aussi mis au défi Abbas et ses alliés de prouver leur
loyauté au groupe. «Le Fatah ne vous appartient pas, vous
l’avez détourné pour amasser des richesses et voler de l’argent.
Vous vous êtes écartés du droit chemin du Fatah, le chemin de la
résistance et de la libération, et vous avez choisi d’être un
pion entre les mains de nos ennemis.»(1)
Cela n’a pas empêché Mahmoud Abbas d’abord de nier en bloc ces
accusations et d’imposer la tenue du Congrès à Bethléem pour
renouveler la direction d’un parti miné par les divisions et
affaibli par sa déroute face au Hamas à Ghaza. «Au cours de
ce congrès quelque 2 300 délégués dans la cacophonie totale
tentent de renouveler le Comité central et le Conseil
révolutionnaire, principales instances du Fatah, et adopter un
nouveau programme politique. (...) Le secrétaire général du
Fatah en Cisjordanie, emprisonné en Israël, Marwan Barghouthi,
l’ex-chef de la Sécurité préventive Jibril Rajoub, l’ex-homme
fort du Fatah à Ghaza et "chouchou" des Américains, Mohammad
Dahlane, apparaissent comme les prétendants les plus sérieux.
Quant au Conseil révolutionnaire, il compte 120 membres, dont la
majorité sera élue par les délégués et le reste désigné par le
nouveau Comité central».(2)
Beaucoup «d’historiques» ont dénoncé cette mascarade: «A
quoi ressemble une conférence, disent-ils, qui se tiendrait sous
l’ombre de l’occupation israélienne? Avons-nous perdu notre
capacité de penser rationnellement? Avons-nous perdu notre
dignité?» De plus, les 400 délégués de Ghaza ne
participeront pas, le Hamas les empêchant de venir. Farouk
Kaddoumi, lui non plus, ne participera pas, il ne pourra pas
donc s’expliquer alors qui’il est le n°2 du Fatah.
«Pour Lamis Andoni, le Fatah, le parti qui mène la lutte
palestinienne depuis plusieurs décennies, est confronté à un
choix difficile. Pour conserver sa place sur l’échiquier
régional et international, il faudrait qu’il se présente comme
une force "modérée" attachée à un processus de paix inexistant
et risquer ainsi de perdre encore plus de sa légitimité aux yeux
du peuple. Mais pour préserver légitimité et unité, il faudrait
qu’il se libère des conditions américaines et israéliennes
acceptées par l’Autorité palestinienne, conditions qui ont pour
but de transformer le parti en un outil politique malléable et
de renforcer la sécurité d’Israël. En outre, le Fatah se trouve
face à un rival de taille qui bénéficie d’une légitimité
populaire et du soutien de pouvoirs régionaux importants. L’Iran
et la Syrie cherchent à accroître leur potentiel de négociateurs
en appuyant le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) et
sont disposés à accélérer la chute à la fois du Fatah et de
l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Le Qatar
protège et aide ouvertement le Hamas. L’Egypte, la Jordanie et
d’autres pays soi-disant "modérés", censés soutenir le Fatah,
sont des sous-fifres de Washington. Ils changeraient facilement
de camp si les Etats-Unis et Israël décrétaient que le Hamas est
prêt à accepter les conditions d’un "processus de paix"».
«Mais le principal combat que doit mener le Fatah en cette
heure historique est celui qui lui permettra de retrouver son
identité, son unité et sa raison d’être. Son intégration dans
l’Autorité palestinienne après la signature des accords d’Oslo
[1993] a altéré son identité et sa fonction. Autrefois colonne
vertébrale de l’OLP et incarnation des droits nationaux de la
Palestine, le Fatah a été réduit à un parti au pouvoir dont la
survie dépend largement de son affirmation en tant que
"partenaire de paix" dans un processus qui, jusqu’à présent, a
renforcé l’occupation et l’expansionnisme israéliens. (...) Le
président Mahmoud Abbas n’a pas nourri le parti. A la place, il
l’a marginalisé et étouffé les voix divergentes, affaiblissant
ainsi davantage son esprit. Sa volonté affichée d’apaiser le
gouvernement américain sous prétexte d’élargir le fossé entre
Washington et Israël a contribué à donner au Fatah une image de
collaborateur et d’instrument de l’occupation israélienne.(..)».(3)
Lors d’interventions houleuses, de nombreux délégués ont rendu
la direction actuelle du Fatah responsable de ses échecs et
protesté contre l’absence de bilans administratifs et
financiers. Dans cette atmosphère de règlements de comptes,
Abbas dément les accusations de corruption et refuse de donner
les comptes.
De plus, Mohamed Dahlane accuse justement Abbas d’avoir «donné
Ghaza sur un plateau d’or» au Hamas. Des tractations
mesquines se font pendant que les Mercedes de ces messieurs,
bien alignées dehors, narguent les pauvres Palestiniens tenus
soigneusement à l’écart par une police armée jusqu’aux dents
contre son peuple, sous l’oeil ravi d’Israël qui se sent
conforté pour encore mille ans! Rien ne se fera sans le Hamas
qui représente la volonté populaire. De plus, il n’y a rien à
attendre de l’Occident qui a montré son alignement
inconditionnel sur l’arrogance d’Israël, il n’y a rien à
attendre des potentats arabes plus soucieux de sauver leur trône
que de dire le droit. Israël l’a bien compris en dédaignant la
proposition arabe - paix contre territoires- de 2002. Les
Palestiniens à défaut d’attendre le Messie et pour cause, le
congrès se tient près de l’Eglise de la Nativité, sont dans
l’attente d’un sauveur, d’un Mehdi et ne demandent qu’à vivre en
paix sur les 20% de ce qui reste de la Palestine d’il y a cent
ans et même des 45% prévus par l’ONU en 1947 par la résolution
181. Peut-être que dans la jeune génération des élus aux
instances du Fatah, se trouve le rédempteur des Palestiniens.
1.Leïla Mazboudi: Kaddoumi va divulguer les
enregistrements d’Arafat qui incriminent Abbas.
Al-Manar, vendredi 24 juillet 2009
2.Le Fatah se cherche de nouvelles têtes dirigeantes. Le
point.fr avec AFP le 04/08/2009
3.Lamis Andoni: Le Fatah cherche sa voie Bitter Lemons
04.08.2009
Pr Chems Eddine CHITOUR,
Ecole nationale polytechnique
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Publié le 10 août 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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