Opinion
Un Etat
palestinien viable : L'utopie finale
Chems Eddine Chitour
Lundi 8 août
2011
«Si j'étais un
leader arabe, je ne signerais jamais un
accord avec Israël. C'est normal, nous
avons pris leur pays. C'est vrai que
Dieu nous l'a promis, mais en quoi cela
les concerne? Notre dieu n'est pas le
leur. Il y a eu l'antisémitisme, les
nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce
de leur faute? Ils ne voient qu'une
seule chose: nous avons volé leur pays.
Pourquoi devraient-ils l'accepter?»
David Ben Gourion, cité par Nahum
Goldman dans le Paradoxe juif, p. 121
Après onze mois de blocage du processus
de paix, l'Autorité palestinienne a
annoncé dans l'espoir de sortir de
l'impasse, qu'ils demanderaient au
Conseil de sécurité de l'ONU de
reconnaître leur indépendance dans les
frontières de 1967. A ce jour, l'État de
Palestine, revendiqué par la Déclaration
d'Alger est reconnu par 94 pays membres
de l'ONU sur 192. Fin 2010, 5 États
sud-américains, avec à leur tête le
Brésil, reconnaissent l'«État de
Palestine avec les frontières de 1967».
20 ans de négociations, pour rien
Jean-Claude Lefort, président de
l'association France Palestine
Solidarité, résume magistralement la
position du calvaire palestinien. Nous
lisons: «Les membres du Quartette pour
le Proche-Orient se sont réunis hier à
Washington, pour réfléchir aux moyens de
relancer le «processus de paix»
israélo-palestinien. Le constat opéré au
cours de cette réunion est sans appel:
c'est l'impasse totale du fait des
positions israéliennes récusant les
propositions énoncées par le président
Obama et soutenues «officiellement» par
tous, à savoir l'établissement de deux
États sur la base des frontières de
1967. Il ne peut pas non plus être
considéré, comme vient de le faire le
Quartette, que, désormais «c'est aux
parties de prendre les décisions
difficiles». C'est là un signe politique
clair et négatif qui marque le
renoncement du Quartette à agir et un
aveu d'impuissance volontaire. Vingt ans
ont passé depuis le lancement à Madrid
d'une négociation qui devait aboutir à
«l'échange de la terre contre la paix».
Dix-huit ans ont passé depuis la
signature à Washington de l'accord
intérimaire israélo-palestinien dit
d'Oslo.- Souvenons-nous qu'il y est
stipulé «les négociations sur le statut
permanent conduiront à la mise en oeuvre
des résolutions 242 et 338 du Conseil de
sécurité [NdR]». Celui-ci fondait
explicitement la négociation sur le
droit international et fixait un
calendrier devant permettre l'émergence
d'un État palestinien indépendant,
souverain, dans les frontières de 1967,
au plus tard dans les cinq ans.(...) La
reconnaissance de l'État de Palestine a
été ajournée jusqu'à une date
indéterminée. Huit ans ont passé depuis
la «Feuille de route» qui devait
conduire à l'établissement de cet État
en 2005; quatre ans depuis Annapolis qui
devait voir s'établir un État
palestinien en 2008». (1)
Décrivant l'entêtement israélien, M.
Lefort nous décrit l'Etat Palestinien
selon Netanyahu: «En mai dernier,
Benyamin Netanyahu a réitéré aux
États-Unis, devant le Congrès, les
grandes lignes de son projet. Un
programme qui se résume à une série de
refus: refus des frontières de 1967,
refus du démantèlement des colonies -
pourtant illégales -, refus du gel de la
construction d'implantations coloniales
quelles qu'elles soient, refus du
partage de Jérusalem et refus de la
reconnaissance des droits des réfugiés
palestiniens. Benyamin Netanyahu se
déclare certes, favorable à la création
d'un État palestinien, mais à la
condition inacceptable de nommer «État»
une suite de mini-enclaves privées de
tout droit et de toute viabilité. (...)
Après tant de décennies et
soixante-quatre ans après le partage de
la Palestine mandataire, l'État de
Palestine indépendant et souverain dans
ses frontières de 1967 et avec
Jérusalem-Est pour capitale, ouvrant la
voie à la mise en oeuvre pleine et
entière de l'ensemble des droits du
peuple palestinien, c'est aujourd'hui la
seule façon de faire bouger les lignes
et d'agir - agir enfin - pour que
s'instaurent deux États vivant en paix
et en sécurité, l'un à côté de l'autre.
La paix par le droit suppose des actes.
Que l'Union européenne se déclare
solennellement prête à reconnaître
l'État palestinien dans les frontières
de 1967 en juillet puis en septembre
prochain, c'est la seule voie vers la
paix.(1)
Aucun signal n'est venu de la part de
l'Union européenne. L'Europe s'aligne et
s'en tient au discours volte-face de
Barack Obama. En effet, le président
américain a prononcé, dimanche 22 mai,
un discours très attendu devant l'Aipac,
le principal lobby pro-israélien des
Etats-Unis. Barack Obama a réitéré son
soutien à la création d'un Etat
palestinien reposant sur les frontières
d'avant la guerre de 1967.
Devant l'Aipac, Obama - maintes fois
applaudi - a toutefois donné des gages
aux Israéliens et à leurs soutiens aux
Etats-Unis. «Même si nous pouvons être
en désaccord parfois, comme des amis
peuvent l'être, les liens entre les
Etats-Unis et Israël sont inaltérables,
et l'engagement des Etats-Unis envers la
sécurité d'Israël est inébranlable»,
a-t-il soutenu. Barack Obama a souligné
que ces échanges aboutiraient à un tracé
de frontières différent de celui issu du
conflit de 1967. M. Obama a jugé que
«des représentations fausses» avaient
été faites de son opinion. La position
du président «signifie que les parties
elles-mêmes, les Israéliens et les
Palestiniens, vont négocier une
frontière différente de celle qui
existait le 4 juin 1967», tenant compte
des «nouvelles réalités démographiques
sur le terrain et des besoins des deux
parties».(2)
Voilà qui est limpide, c'est 1967 avec
les faits accomplis par la suite. Pour
rappel, chacun a en tête la kermesse des
discussions de septembre 2010 qui ont
avorté trois semaines après: Israël
ayant déclaré qu'il ne freinerait pas
l'extension des colonies, Obama déclare
en décembre 2010 qu'il ne peut rien
faire. De plus, l'administration Obama a
bloqué la suite de l'enquête des Nations
unies sur l'opération israélienne «Plomb
durci».(3)
Que dit la résolution du 22 novembre
1967?
En substance, nous lisons: «Le Conseil
de sécurité, exprimant l'inquiétude que
continue de lui causer la grave
situation au Proche-Orient, affirme que
l'accomplissement des principes de la
Charte exige l'instauration d'une paix
juste et durable au Proche-Orient qui
devrait comprendre l'application des
deux principes suivants: i) Retrait des
forces armées israéliennes des
territoires occupés au cours du récent
conflit; ii) Fin de toute revendication
ou de tout état de belligérance, respect
et reconnaissance de la souveraineté, de
l'intégrité territoriale et de
l'indépendance politique de chaque État
de la région et de son droit de vivre en
paix à l'intérieur de frontières sûres
et reconnues, à l'abri de menaces ou
d'actes de violence.» L'interprétation
française est de «tous les territoires»,
en anglais l'interprétation est
différente. «Rappelons, écrit
l'ambassadeur Zvi Tenney, que cette
résolution 242 prévoit le retrait
israélien from territories, autrement
dit, de certains territoires occupés et
non pas de tous les territoires occupés
lors du conflit de 1967».(4)
La position d'Israël
Il faut savoir que le gouvernement
israélien est contre, Benyamin Netanyahu
admoneste Mahmoud Abbas et lui demande
de choisir entre la paix avec Israël et
la paix avec le Hamas.
La contribution de l'ambassadeur
israélien à Paris est un modèle de
rhétorique alambiquée où en définitive,
on constate qu'Israël persiste et signe.
Nous lisons: «Je vous promets qu'Israël
ne sera pas le dernier pays à accueillir
l'Etat palestinien à l'ONU. Il sera le
premier.» Cette déclaration du Premier
ministre israélien devant le Congrès
américain en mai, quant à la
reconnaissance d'un Etat palestinien
issu de pourparlers, est une nouvelle
preuve de l'engagement d'Israël pour la
paix La question n'est donc pas celle du
principe mais du chemin pour y parvenir.
La question est plutôt de savoir à quoi
cet Etat va ressembler».(5)
Yossi Gal poursuit: «La paix ne peut
être que le fruit de négociations et de
dialogue entre deux parties qui ont
décidé de lier leurs destins et de
construire l'avenir ensemble. Une action
unilatérale viendrait également à
l'encontre des principes définis par le
Quartette. Nous avons, avec les
Palestiniens, un objectif commun. Israël
a fait le choix d'accepter le principe
de deux Etats nations pour deux peuples.
(...) Le fait que les Palestiniens aient
décidé de mettre un terme à des années
de négociations, réclamant le «droit au
retour» de leurs réfugiés en Israël, ne
peut que nous faire douter davantage de
leur volonté réelle de reconnaître
Israël en tant qu'Etat du peuple juif.
Le droit au retour doit se faire, de la
façon la plus logique, la plus sensée,
dans les frontières de l'Etat
palestinien nouvellement créé. Suivant
la logique palestinienne, il y aurait
donc un nouvel Etat palestinien
indépendant mais avec des réfugiés qui
viendraient s'installer dans cet «autre
Etat», Israël? (...)»(5)
L'ambassadeur oublie de signaler que les
Palestiniens négocient depuis 20 ans
pour rien, au contraire ce qui reste de
la Palestine originelle devient
graduellement et inexorablement une peau
de chagrin (moins de 22%).
Un Etat palestinien pour quoi faire?
Pour rappel, la résolution 181 de
l'Assemblée générale des Nations unies,
votée le 29 novembre 1947, recommande le
partage de la Palestine en un Etat juif,
un Etat arabe et une zone «sous régime
international particulier». 14.000 km²,
avec 558.000 Juifs et 405.000 Arabes
pour l'Etat juif, 11.500 km², avec
804.000 Arabes et 10.000 Juifs pour
l'Etat arabe, 106.000 Arabes et 100.000
Juifs pour la zone internationale qui
comprend les Lieux Saints, Jérusalem et
Bethléem. Entre les deux Etats devait
s'installer une union économique,
monétaire et douanière. La résolution ne
sera jamais appliquée et six mois après
son vote, le 15 mai 1948, débute la
première guerre israélo-arabe, après
cinq mois de guerre judéo-palestinienne.
On remarquera que dans l'Etat juif,
405.000 Arabes vivaient avant leur
expulsion violente, ce qui est en
contradiction avec l'obsession de
Benyamin Netanyahu d'avoir un Etat des
Juifs aseptisé des Arabes, en refusant
le droit au retour à ces Arabes qui y
ont été chassés presque en totalité. Si
tel était le cas, les Arabes d'Israël
n'ont plus vocation à rester dans un
Etat juif, ils viendraient grossir les
effectifs du bantoustan palestinien.
Dans le même ordre du refus, le 25 mai
2011, le Forum juridique d'Israël et
l'ambassadeur Alan Baker, ont adressé au
secrétaire général de l'ONU Ban Ki moon
une lettre dans laquelle ils font
remonter la légitimité d'Israël dans ses
frontières actuelles à une résolution de
la Société des Nations en 1922 qui
aurait décidé à l'unanimité, de la
création d'un foyer national du peuple
juif sur le lieu historique de la Terre
d'Israël. Il s'ensuit que la résolution
de la Société des Nations mentionnée
ci-dessus reste valide, et que les
650.000 juifs résidants dans les zones
de Judée, de Samarie et de
Jérusalem-Est, y résident à titre
légitime».(6)
Comment écrit Daniel Vanhove, qui n'y
croit pas: «Peut-on se réjouir» voire
adhérer aujourd'hui à la reconnaissance
prochaine de l'Etat croupion
palestinien!? Cela me paraît
invraisemblable. (...) Pour rappel:
depuis la création de l'Etat israélien
et ses détestables pratiques visant à
repousser ses frontières sous de
fallacieux prétextes idéologiques et
sécuritaires, le dépeçage systématique
du territoire palestinien par
l'implantation de colonies est considéré
comme un «crime de guerre» par la Cour
pénale internationale. Et de la
Palestine historique, il ne reste guère
qu'environ 15% morcelés de son
territoire, à l'image des bantoustans de
l'Afrique du Sud de l'époque - sans
parler du mouroir de Ghaza où s'entasse
une population asphyxiée par l'un des
pires blocus mis en place par l'occupant
et régulièrement ciblée par sa machine
de guerre. Dès lors, même si ce projet
d'Etat stipule que c'est à l'intérieur
des frontières de 1967, avaliser un Etat
palestinien aujourd'hui, c'est: - sans
le dire, participer à un déroulement de
faits inacceptables; - entériner le Mur
de séparation qui pénètre profondément
en terres palestiniennes; - admettre une
partie de la colonisation dont celle de
Jérusalem-Est qui est une annexion de
facto de la ville, pourtant décrétée
capitale du futur Etat; - accepter que
jamais les réfugiés ne pourront revenir
chez eux, à savoir en terres conquises,
comme le garantit pourtant la Résolution
194 des Nations unies adoptée le 11
décembre 1948 (...) il serait peut-être
plus utile de se demander si la première
chose à faire ne serait pas une remise à
plat de ce sinistre dépeçage dont on
mesure les funestes conséquences chaque
jour depuis plus de 63 ans».(7)
Pour sa part et dans le même sillage de
l'inutilité de la démarche, Fadwa Nassar
écrit: «Nombreux sont les Palestiniens à
se poser des questions, à propos de la
signification de la bataille
diplomatique engagée par l'Autorité
palestinienne pour la reconnaissance par
l'ONU de l'Etat palestinien indépendant.
(...) Ensuite, l'idée même de proclamer
«unilatéralement» un Etat palestinien
indépendant est considérée par l'Etat
sioniste et ses alliés comme un affront.
Il va de soi que le recours de
l'Autorité palestinienne à la
proclamation «unilatérale» de
l'indépendance de la Palestine, dans les
instances de l'ONU, fait suite à l'échec
de dix-huit années de négociations.
(...) L'Etat palestinien «offert» par
les puissances impérialistes, et perçu
par les sionistes, n'est certainement
pas le même que celui revendiqué par
l'Autorité palestinienne, ni à plus
forte raison, par le peuple palestinien.
(...) Pour beaucoup de forces
palestiniennes, il est nécessaire
d'unifier les rangs palestiniens avant
de se diriger à l'ONU, mais Mahmoud
Abbas en a décidé autrement. (...) Tant
que Mahmoud Abbas ne prend pas en compte
les véritables facteurs qui lui
permettent de mener cette bataille à
l'ONU, la reconnaissance de l'Etat
indépendant de Palestine, sur les 22% de
la Palestine occupée, restera une
reconnaissance sur le papier et ne
pourra pas constituer un levier vers la
libération de la Palestine et le retour
des réfugiés. Reconnaissance, oui, mais
pour quoi faire?(8)
D'anciens dirigeants européens, menés
par Hubert Védrine, appellent les
gouvernements de l'Union européenne à
reconnaître l'Etat de Palestine en
septembre. (...) On remarquera que dans
ces appels, il n'est nulle part fait
mention des frontières de 1967 et de
l'application de la Résolution 242. En
clair, on fait le minimum sachant qu'au
fond, le problème restera entier.
On le voit, ce n'est pas gagné.
Évidemment, une telle proclamation
aurait avant tout valeur politique
puisqu'elle ne mettrait pas fin à
l'occupation israélienne. Les Etats-Unis
seront amenés, à moins d'un miracle, à
faire barrage par un veto dont on peut
s'interroger, avec le temps et les
mutations rapides du monde, sur sa
pertinence. C'est pourtant une occasion
unique de redonner justice à ce peuple
palestinien qui n'a connu que la guerre
depuis près d'un siècle et qui accepte
de vivre sur moins de 20% de la
Palestine originelle.
1.Jean-Claude
Lefort: http://www. lemonde.fr/idees/chronique/2011/07/14/reconnaissance-de-l-etat-palestinien-lettre-ouverte-a-mme-ashton_1548009_3232.html.12.07.11
2.Obama pour un Etat palestinien dans
les frontières de 1967 LeMonde.fr
22.05.11
3.C.E.Chitour: Le rêve des peuples épris
de justice: Un Etat palestinien. Lundi 2
mai 2011
4.Dr Zvi Tenney:
http://www.terredisrael. com/infos/?p=34379
28 avril 2011
5.Yossi Gal: Le Proche-Orient a besoin
d'une paix sincère, Le Monde 27.07.11
6.http://www.juif.org/le-mag/405,une-resolution-dans-les-frontieres-de-1967-serait
illegal.php
7.http://www.mleray.info/article-faut-il-reconnaitre-un-etat-palestinien-en-septembre-prochain-73422437.html
Daniel Vanhove 27.07.2011
8.http://www.alterinfo.net/Reconnaitre-l-Etat-palestinien-pour-faire
quoi_a61928.html
Professeur
Chems Eddine Chitour
Ecole Nationale Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 8 août
2011 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Les textes du Pr Chems Eddine Chitour
Les dernières mises à jour
|