|
L'EXPRESSIONDZ.COM
OBAMA CONTRE LE CHOC DES CIVILISATIONS
Israël en danger de paix
Pr Chems Eddine Chitour
Photo Al Manar
Lundi 8 juin 2009 «Tant que nos relations
seront définies par nos différences, nous donnerons du pouvoir à
ceux qui sèment la haine plutôt que la paix, à ceux qui font la
promotion du conflit plutôt que de la coopération», a-t-il
déclaré. «La foi devrait nous rassembler.» Barack Obama
(Discours du Caire)
Clémenceau disait un jour à propos de
l’Amérique: C’est le seul pays qui soit passé de la barbarie à
la décadence sans passer par la civilisation. Sous l’ère Bush,
ces paroles auraient été d’une brulante actualité. Avec Obama,
il est permis d’en douter au vu du discours sincère qu’il a tenu
en Egypte. Le président américain Barack Obama était arrivé
mercredi 3 juin, en Arabie Saoudite: «J’ai pensé qu’il était
très important de venir à l’endroit où est né l’Islam pour
chercher conseil auprès de sa Majesté et débattre avec elle de
plusieurs questions auxquelles nous sommes confrontés ici au
Proche-Orient», a expliqué le président américain aux côtés
d’Abdallah. Après l’étape du Caire où il a prononcé un important
discours, il s’est rendu à Buchenwald. «On ne peut pas
séparer le discours du Caire de la visite à Buchenwald»,
estime Volkhard Knigge, qui dirige le mémorial du camp de
concentration.
«Salam aleïkoum.» La paix avec vous. C’est par ces mots
que Barack Obama s’adressa au milliard et demi de musulmans.
Morceaux choisis: «Les relations entre l’Islam et l’Occident
se caractérisent par des siècles de coexistence et de
coopération, mais aussi par des conflits et des guerres de
religion. En outre, les mutations de grande envergure qui sont
nées de la modernité et de la mondialisation ont poussé beaucoup
de musulmans à voir dans l’Occident un élément hostile aux
traditions de l’Islam. Des extrémistes violents ont exploité ces
tensions auprès d’une minorité de musulmans qui, pour être
réduite, n’en est pas moins puissante. La peur et la méfiance se
sont ainsi accentuées. Bien au contraire, l’Amérique et l’Islam
se recoupent et se nourrissent de principes communs, à savoir la
justice et le progrès, la tolérance et la dignité de chaque être
humain. Comme le dit le Saint Coran, "Crains Dieu et dis
toujours la vérité. C’est ce que je vais essayer de faire
aujourd’hui - de dire la vérité de mon mieux, rendu humble par
la tâche qui nous attend et ferme dans ma conviction que les
intérêts que nous partageons, parce que nous sommes des êtres
humains, sont beaucoup plus puissants que les forces qui nous
séparent.»
Qu’a dit M. Barack Obama?
«Féru d’histoire, je sais aussi la dette que la civilisation
doit à l’Islam. C’est l’Islam - dans des lieux tels qu’Al-Azhar
-, qui a brandi le flambeau du savoir pendant de nombreux
siècles et ouvert la voie à la Renaissance et au siècle des
Lumières en Europe. Et tout au long de l’histoire, l’Islam a
donné la preuve, en mots et en actes, des possibilités de la
tolérance religieuse et de l’égalité raciale. Je sais aussi que
l’Islam a, de tout temps, fait partie de l’histoire de
l’Amérique. Et, récemment, le premier Américain musulman qui a
été élu au Congrès a fait le serment de défendre notre
Constitution sur le Coran que l’un de nos Pères fondateurs,
Thomas Jefferson, conservait dans sa bibliothèque personnelle.»
«J’ai donc connu l’Islam sur trois continents avant de venir
dans la région où il a été révélé pour la première fois. Le
doute n’est pas permis: l’Islam fait bel et bien partie de
l’Amérique. Vivre ensemble dans le monde, voilà ce que cela
signifie au vingt-et-unième siècle: c’est la responsabilité que
nous avons les uns envers les autres en tant qu’êtres humains.
C’est une responsabilité difficile à assumer. À Ankara, j’ai
fait clairement savoir que l’Amérique n’est pas - et ne sera
jamais - en guerre contre l’Islam. En revanche, nous
affronterons inlassablement les extrémistes violents qui font
peser une menace grave sur notre sécurité.»
«La deuxième grande source de tension que nous devons aborder
concerne la situation entre les Israéliens, les Palestiniens et
le Monde arabe. Les liens solides qui unissent l’Amérique à
Israël sont bien connus. Cette relation est immuable. Elle se
fonde sur des liens culturels et historiques et sur la
reconnaissance du fait que l’aspiration à un territoire juif est
ancrée dans un passé tragique indéniable. À travers le monde, le
peuple juif a été persécuté pendant des siècles et
l’antisémitisme en Europe a atteint son paroxysme avec un
holocauste sans précédent. Il est profondément injuste de
menacer Israël de destruction, ou répéter de vils stéréotypes
sur les Juifs.»
Ceci dit, il est également indéniable que le peuple palestinien,
qui regroupe des musulmans et des chrétiens, a souffert en quête
d’un territoire. Depuis plus de soixante ans, il connaît la
douleur de la dislocation. Beaucoup attendent dans des camps de
réfugiés en Cisjordanie, à Ghaza et dans des terres voisines de
connaître une vie de paix et de sécurité à laquelle ils n’ont
jamais eu le droit de goûter. Ils subissent au quotidien les
humiliations - grandes et petites - qui accompagnent
l’occupation. Il n’est pas permis d’en douter: la situation du
peuple palestinien est intolérable. L’Amérique ne tournera pas
le dos à l’aspiration légitime du peuple palestinien à la
dignité, aux chances de réussir et à un État à lui. La seule
résolution consiste à répondre aux aspirations des uns et des
autres en créant deux États, où Israéliens et Palestiniens
vivront chacun dans la paix et la sécurité. C’est dans l’intérêt
d’Israël, dans l’intérêt de la Palestine, dans l’intérêt de
l’Amérique, dans l’intérêt du monde. Les Palestiniens doivent
renoncer à la violence. La résistance sous forme de violence et
de massacres n’aboutira pas. La violence ne mène nulle part.
Hamas jouit du soutien de certains Palestiniens, mais il doit
aussi reconnaître ses responsabilités. Il doit jouer un rôle
pour réaliser les aspirations des Palestiniens et unir le peuple
palestinien. Hamas doit mettre fin à la violence, reconnaître
les accords passés et reconnaître le droit à l’existence
d’Israël. En même temps, Israël doit reconnaître que tout comme
le droit à l’existence d’Israël ne peut être nié, il en est de
même pour la Palestine.
Les États-Unis n’acceptent pas la légitimité de la continuation
des colonies israéliennes. Le conflit israélo-arabe ne devrait
plus être utilisé pour distraire les populations des États
arabes des autres problèmes. Jérusalem sera un lieu de résidence
sûr et permanent pour les juifs, les chrétiens et les musulmans
et un lieu où tous les enfants d’Abraham pourront se côtoyer
dans la paix comme dans l’histoire d’Israh, - de Moïse, de Jésus
et de Mohammed (que la paix soit avec eux) unis dans la prière.
Je comprends ceux qui protestent contre le fait que certains
pays possèdent des armes que d’autres ne possèdent pas. Aucun
État ne devrait décider et choisir qui sont les pays à avoir des
armes nucléaires. C’est pourquoi je réaffirme fermement
l’engagement de l’Amérique à vouloir un monde dans lequel aucun
pays ne possède d’armes nucléaires. J’espère que tous les pays
de la région pourront partager cet objectif.(1) Ce qu’il nous
faut retenir c’est que Obama n’a pas prononcé une seule fois le
mot terroriste. Il vient d’une façon humble avec une parole
désarmée loin de: «Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre
nous» de Bush. Il a rendu justice à l’Islam en s’en
revendiquant. Ce discours obtient un écho positif de la presse
internationale. L’archevêque sud-africain Desmond Tutu, de
passage en Suisse, qui demande: «Si Obama ne réussit pas, qui
le pourra?». Si «Obama le visionnaire a eu beaucoup de
paroles justes au Caire, Obama le bâtisseur doit encore se
révéler». Ce discours invite donc à l’espoir, même si les
talents rhétoriques du président américain ont un désavantage
énorme: ils suscitent des attentes qui seront forcément déçues.
La presse égyptienne rivalisait de louanges vendredi 5 juin pour
le président américain, le comparant même à un prophète «Obama,
celui qui est attendu», proclame en une le quotidien
indépendant Al-Masry Al-Yom, en référence à l’imam Mahdi, 12e et
dernier imam des chiites dont les fidèles attendent un retour
prochain sur terre pour qu’il y rétablisse paix et justice. «Ce
n’était pas un discours ordinaire. Il a fourni aux Arabes et
musulmans un document, une référence à laquelle il sera tenu»,
écrit Oussama Saraya, rédacteur en chef du quotidien officiel
Al-Ahram. Bémols au Liban, où le journal As-Safir, proche du
Hezbollah chiite, trouve que «le charisme de l’hégémonie, ses
mots bien choisis, des extraits des livres sacrés ont trouvé le
chemin du coeur de son auditoire sans atteindre son cerveau».
Même s’il a dit des choses importantes à écrit M. Saâdoune, du
Quotidien d’Oran, le président américain s’est livré à
l’exercice factice de la symétrie des concessions que doivent
faire les parties concernées par le conflit du Proche-Orient.
Or, la symétrie est la seule chose qui n’existe pas entre Israël
et les Palestiniens. Comment pouvoir affirmer que face à une
situation coloniale vécue par les Palestiniens «la résistance
par la violence et la mort est erronée et ne peut l’emporter»?
Dans l’ensemble, au-delà des «grands mots», les Arabes
demandent «maintenant des actes».
Qu’en est-il d’Israël? On dit que le plus grand danger qui
menace Israël...c’est la paix! Il est sûr que ce discours est
nouveau et les Israéliens n’avaient pas l’habitude de
l’entendre. Le communiqué du gouvernement reste dans une
prudente expectative: «Israël veut la paix et fera tout ce
qui est en son pouvoir pour élargir le cercle de la paix tout en
prenant en considération son intérêt national et en premier lieu
sa sécurité», affirme le gouvernement. Israël est
fondamentalement favorable à l’initiative d’Obama en faveur du
processus de paix dans la région» Le problème est que même en
Israël il n’y a pas eu de second Begin qui disait que la Bible
n’est pas un cadastre.
Les politiques actuelles surfent sur les peurs et engrangent des
votes. Obama a-t-il les moyens de sa politique? Fera-t-il
entendre raison à Israël? John J. Mearsheimer, professeur de
sciences politiques à l’université de Chicago donne des pistes
qui pourraient faire avancer les choses: «Il ne fait pas de
doute que l’administration Obama veut augmenter la pression sur
Israël pour faire avancer le processus de paix. Je ne parle pas
seulement d’arrêter la construction de colonies mais aussi de
les démanteler pour créer un État palestinien en Cisjordanie et
à Ghaza. Jusque-là, Barack Obama a poursuivi une politique très
intelligente. Reste à voir jusqu’où il pourra aller et s’il sera
de taille à affronter le lobby pro- israélien dans son pays.
Depuis 1967, tous les présidents américains se sont opposés à la
construction des colonies juives dans les Territoires occupés
mais aucun d’entre eux n’a réussi à exercer une pression
suffisante sur Israël pour l’arrêter et créer un État
palestinien dans les Territoires occupés. La raison principale
de cette impuissance, c’est le poids du lobby pro-israélien dans
les relations entre les États-Unis et Israël. On le voit, pour
le professer tout dépend du lobby pro-israélien. Pourtant des
signes nouveaux apparaissent même au sein du lobby juif, qui
appelle à plus de fermeté envers Israël (2).»
Le style et la méthode Obama
Au Moyen-Orient, comme ailleurs, lit-on dans le Nouvel
Observateur, la victoire de Barack Obama a «fait bouger les
lignes». A Washington et à New York, même les plus blasés
reconnaissent que la donne a changé. Le mot-clé? Popularité.
Celle de Barack Obama parmi les juifs américains, qui ont
massivement voté pour lui, mais aussi celle dont il jouit
partout dans le monde. «Bush a tenté l’approche régionale à
Annapolis en 2007, écrit Nathan Brown, professeur à la George
Washington University et spécialiste de la Palestine, mais son
administration n’avait ni l’expérience, ni la crédibilité d’Obama,
ni son équipe, pour une telle approche.» Par le style et la
méthode, Obama marque une rupture avec ses prédécesseurs. Il
comprend la politique étrangère d’une façon qui est rare pour un
nouveau président. (...) Les Américains feront-ils pression sur
Israël? Henry Siegman, ancien directeur de l’American Jewish
Congress et président du US Middle East Project, a rassemblé une
dizaine de grands noms (parmi lesquels Paul Volcker, Brent
Scowcroft ou Zbigniew Brzezinski), lesquels ont remis une lettre
à Obama lui demandant d’«au moins explorer la possibilité»
de discussions avec le Hamas. Siegman préconise la fermeté avec
Israël: «Il est possible, dit-il, d’imaginer un président
américain tenant un langage très fort et sans concession: "Voilà
notre intérêt dans la région, les choses doivent progresser et
voici le cadre dans lequel on doit discuter." La notion sur
laquelle se sont fondées toutes les politiques passées, et qui a
échoué, est celle d’une Amérique jouant le rôle de simple
facilitateur: conduire les gens à la table, enlever leur
manteau, leur demander s’ils veulent du café, mais les laisser
décider.»
Mais sur le terrain, les dossiers où l’on pourrait avancer ne
manquent pas. «Prenez la Cisjordanie: 280.000 colons vivent
au-delà des frontières d’avant 1967. Ce n’est pas énorme, et
l’on peut très bien imaginer un troc de territoires sur une base
égalitaire», avance David Makovsky. La question de
Jérusalem-Est (200.000 colons) et du Golan resterait entière,
mais cela débloquerait singulièrement le processus de paix.
(...) Barack Obama se satisferait-il d’ambitions aussi limitées?
Peut-être pas. Mais le verra-t-on risquer prestige et popularité
pour un accord voué à l’échec? Certainement pas.(3)
Pour le professeur John J. Mearsheimer, une pression sérieuse
sur Israël impliquerait de couper dans l’aide financière
américaine qui s’élève à plus de trois milliards de dollars par
an et de refuser de soutenir systématiquement Israël au Conseil
de sécurité de l’ONU en opposant le veto américain aux
résolutions condamnant Israël.(2)
Nul ne s’attend à ce que ce discours change la donne d’un seul
coup après des décennies de conflit, des siècles de méfiance ou
d’hostilité. Le problème de l’Iran peut avoir sa solution dans
le cadre d’un désarmement nucléaire que Obama a évoqué et qui
implique Israël. Reste la fitna des Palestiniens entre eux. Il
ne sera pas difficile de réconcilier le Hamas maintenant reconnu
avec le Fatah. En définitive, aux lieu et place de la «démocratie
aéroportée» de George W.Bush, Obama propose de soutenir les
démocraties en appelant les autocrates arabes à respecter leur
peuple A «l’american way of war de Bush», Obama veut
revenir à «l’american way of life». Puisse Dieu l’aider à
concrétiser la paix dans cette région du monde harassée par le
malheur.
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique
1.Discours de Barack Obama à l’université
du Caire le 4 juillet 2009
2.John J. Mearsheimer-Barack Obama peut-il faire avancer la paix
au Proche-Orient? Recueilli par François D’Alançon La Croix
03/06/2009
3.Obama, Israël et les juifs. Le Nouvel Observateur Nº2325
semaine du 29 mai 2009
Droits de reproduction et de diffusion
réservés © L'Expression
Publié le 8juin 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
|