Comment je vois le Monde
Elections
américaines :
Rien de nouveau sous le soleil pour les
Arabes
Chems
Eddine Chitour
Jeudi 6 septembre
2012
«La liberté n'est
jamais qu'à une génération de
l'extinction. Nous ne la transmettons
pas à nos enfants par le sang. On doit
se battre pour la protéger et la
transmettre.»
Président Ronald Reagan
Le Monde des médias
n'a d'yeux depuis quelques mois que pour
les élections américaines que l'on
découvre et que l'on arrive à comprendre
comme cela fut le cas pour les élections
françaises. Après des éliminatoires dans
le camp républicain entre quatre
candidats, c'est finalement Mitt Romney
qui est désigné par la convention
républicaine comme candidat aux
élections de novembre 2012. Ce
républicain fondamentaliste intrigue.
Qui est
Mitt Romney? un sacerdoce religieux et
une surface financière
C'est avant tout un républicain
conservateur, de plus, mormon, qui a un
parcours atypique.Lisons la description
qu'en fait le journal Le Monde: «(...)
Mitt est bâti du même roc que George
[son père, ndr]: une profonde foi
mormone, une dévotion appuyée à sa
famille et à la femme de sa vie, une
fortune considérable accumulée dans le
privé. Il cultive la discrétion sur sa
saga familiale - il est l'héritier d'une
autre histoire américaine, le
mormonisme. Cette étrange religion fait
des Etats-Unis la nouvelle Terre promise
où Jésus aurait ressuscité sous les
traits de Joseph Smith, fondateur de
l'Eglise en 1830 et contemporain de
Miles Romney, un charpentier émigré de
Grande-Bretagne, arrière-grand-père de
Mitt. Le grand-père, Gaskell, lui, a
quitté l'Arizona en 1885 pour préserver
le ´´mariage pluriel´´ (la polygamie),
alors un pivot de la vie mormone. Il
s'établit au Mexique, où le père de Mitt
Romney est né, en 1907, cinq ans avant
que la révolution n'en chasse les
mormons. L'héritage est donc celui d'une
dynastie de prêcheurs marquée par une
alternance de persécutions, de fuites,
de travail acharné menant à une
spectaculaire prospérité. Mitt Romney
naît mormon avec ce que cela implique à
la fois de rigidité morale et de
prodigalité, de volontarisme et de
conservatisme (les femmes reléguées à la
maison) ».(1)
« On est en 1977, Mitt Romney a 30 ans.
Son habileté à faire fructifier l'apport
des clients est telle que beaucoup
demandent qu'il s'occupe d'eux
personnellement. Durant ses quatorze
années à la tête de Bain Capital,
M.Romney a autant fait prospérer
d'entreprises qu'il en a fait
péricliter. Peu à peu, fortune aidant et
conformément à son ambition déclarée, il
se rapproche de la politique. (...
Bientôt, il vole au secours de Salt Lake
City, capitale des mormons qui organise
les Jeux olympiques d'hiver) Mitt Romney
s'en empare en 1999 et ´´sauve les JO´´.
Lorsque, le 11 avril 2011, à dix-neuf
mois de l'échéance présidentielle à
venir, il constitue un ´´comité
exploratoire´´ en vue de se représenter.
Avant même que ne commence la campagne
des primaires républicaines, il dispose
d'un trésor de guerre (60 millions de
dollars), trois fois supérieur à celui
du plus riche de ses concurrents
potentiels.»(1)
La
politique intérieure des Etats-Unis
L'équipe de campagne de Mitt Romney a
construit sa stratégie autour de l'idée
d'une incompétence de M.Obama en matière
d'économie. Le taux de chômage officiel
est aujourd'hui de 8,3%, contre 7,8%
quand le président a pris ses fonctions
en 2009... Mitt Romney ne cesse de le
répéter, «les choses vont mal». La dette
cumulée est 15,7 «trillions» de dollars
(un trillion = mille milliards), soit
100% du PIB. La gestion Obama est pour
lui «un échec moral de proportion
catastrophique». Il cite désormais les
chiffres de la pauvreté qui a augmenté
sous la présidence Obama. En économie,
Mitt Romney est, en effet, comme la
chancelière, un adepte de la rigueur
fiscale. «Dépenser chaque année mille
milliards de plus qu'il n'y a dans les
caisses, c'est emprunter la même route
que la Grèce et à terme nous heurter au
même mur...». La solution est exactement
inverse, «limiter nos dépenses»,
«réduire les règlementations qui
étranglent nos entreprises» et «en
revenir aux fondamentaux de l'économie
américaine avec plus d'initiative privée
et moins d'intrusion de l'Etat».
Chiffres à l'appui, les démocrates
soulignent que la situation n'est pas
aussi mauvaise: 3,5 millions d'emplois
ont été perdus avant que le président
arrive au pouvoir.
Naturellement, le camp Obama se défend
et même Joe Biden y met du sien. On peut
dire ce qu'on veut de Joe Biden. Qu'il
est gaffeur, que ce n'est pas une
lumière, qu'il sert de faire-valoir à
Barack Obama, etc., il n'empêche qu'il a
le sens de la formule. Et qu'il est en
train d'enlever une épine du pied de
l'équipe de communicants du président
Obama. Il a lancé, devant environ 3 500
syndicalistes de l'AFL-CIO, que
´´l'Amérique se porte mieux aujourd'hui
que celle qu'ils nous ont laissée quand
ils sont partis... Vous voulez savoir si
nous sommes mieux lotis? J'ai un
autocollant de voiture qui proclame:
´´Oussama Ben Laden est mort et General
Motors est vivant´´´´. (´´Osama bin
Laden is dead and General Motors is
alive´´) (2)
Le candidat Obama est attendu de pied
ferme sur son bilan et sur son
programme. En choisissant le remuant
Paul Ryan, Mitt Romney contraint Barack
Obama à afficher un plan et à se
découvrir davantage sur la question de
la dette et de la limitation des
dépenses pour l'assurance-santé. Le
président a commencé à évoquer des
pistes. En 2013, il se propose de lancer
la réforme de l'immigration à laquelle
il n'avait pas donné la priorité en
2009, à la déception des Latinos.» (3)
Paul Ryan a mis l'accent sur la volonté
des deux hommes de prendre leurs
responsabilités et d'assumer des choix
difficiles, il dénonce aussi de manière
virulente la réforme de
l'assurance-santé du président Obama,
dite ´´Obamacare´´. ´´Obamacare revient
à plus de 2 000 pages de règlements,
mandats, taxes et autres qui n'ont
aucune place dans un pays libre´´. Il a
promis qu'en cas de victoire à
l'élection présidentielle le 6 novembre
prochain, l'Administration Romney
abrogerait cette loi.(4)
Etats-Unis: quel bilan pour la politique
étrangère d'Obama?
Qu'en est-il de la politique étrangère
qui nous parait de loin plus musclée que
celle de Bush qui avait l'avantage
«d'annoncer la couleur»? Là encore,
Barack Obama a déçu. Mitt Romney a
accusé le président Barack Obama d'avoir
encouragé le déclin de l'influence
américaine sur la scène internationale
et d'avoir opéré des coupes drastiques
dans les dépenses militaires. ´´Le monde
reste un endroit dangereux. De grandes
puissances développent rapidement leurs
forces militaires, avec parfois des
intentions très différentes des
nôtres´´, a-t-il déclaré. Il a notamment
évoqué le programme nucléaire de l'Iran,
la persistance d'une ´´menace du
terrorisme islamique´´ malgré la mort de
Oussama Ben Laden, l'instabilité au
Pakistan, ´´l'horrible violence en
Syrie´´ et la prolifération des armes
nucléaires en Corée du Nord.(5)
Justement, la Chine ostracisée se
rebelle. «Il suffit, écrit Anne
Villechinon, lasse d'être considérée par
Mitt Romney comme la source des maux
économiques des Etats-Unis, la
´´tyrannie prospère´´ - comme le
candidat républicain à la présidentielle
américaine aime la surnommer. Il faut
dire que Romney n'y va pas par quatre
chemins quand il s'agit de critiquer sur
la deuxième économie mondiale. Pékin
était alors traité de ´´manipulateur de
devise´´ qui ´´pille notre propriété
intellectuelle, pirate nos ordinateurs,
pratique des prix artificiellement bas
et tue des emplois aux Etats-Unis´´.(6)
«On se souvient qu'au Caire, écrit
Jean-Michel Demetz en juin 2009, le
président américain avait exprimé son
souhait de mettre un terme au ´´cycle de
suspicion et de discorde´´ entre
l'Amérique, l'Occident et le monde
musulman. Quel est le bilan de la
politique étrangère d'Obama? Tour du
monde des dossiers sur lesquels il est
intervenu. Oscillant entre volonté de
changement et défense des intérêts
nationaux. Fini le temps où le tout
nouvel occupant de la Maison-Blanche
s'inclinait un peu trop bas devant le
roi d'Arabie Saoudite ou l'empereur du
Japon. Ce signe d'humilité affectée
visait certes à marquer la rupture avec
l'arrogance désinvolte du Texan George
W. Bush. (...) A l'épreuve du pouvoir,
le président des Etats-Unis a gagné en
assurance. Mais peut-on dire que sa
politique étrangère est une réussite? A
l'aune des critères d'évaluation de
l'action extérieure du chef de l'Etat
outre-Atlantique - le monde est-il plus
stable? plus ouvert? plus libre? Le
leadership américain est-il conforté? -,
cela reste à démontrer. (7)
Renouer
avec l'Islam? Un voeu pieux
«En 2008, soucieux de rompre avec
l'image belliciste d'une Amérique
prompte à dégainer sans se soucier des
états d'âme de ses alliés, Barack Obama
voulait réinsérer les Etats-Unis dans le
jeu multilatéral. Il promettait de
fermer le camp de prisonniers de
Guantanamo. Affichait comme priorité
l'établissement de la paix entre Israël
et la Palestine. S'engageait contre le
réchauffement climatique. Sur tous ces
dossiers, il n'a obtenu aucun résultat.
Face à l'Iran et à son ambition
atomique, c'est d'abord la politique de
la main tendue: message à l'occasion du
Nouvel An persan (le Norouz), tiédeur à
l'égard des manifestants du Mouvement
vert, en juin 2009... L'Américain
déchante. Il s'en tient, dès lors, de
concert avec les Européens, à une
politique de sanctions et de cyberguerre
- en réalité, un containment de l'Iran,
qui voit son influence croître dans
l'Irak voisin, qu'ont abandonné, après
huit ans de présence, les derniers
soldats américains. (...) De Tunis à
Damas, tout se passe comme si la
Maison-Blanche avait laissé l'Histoire
se mettre en scène, en conservant un
rôle de spectateur attentif. Le
président change aussi d'avis sur
l'Afghanistan. Après avoir approuvé
l'envoi de renforts, il engage un
retrait progressif des troupes qui doit
s'achever en 2014. De l'héritage
bushiste, le démocrate a conservé la
politique antiterroriste. Il l'a même
intensifiée en installant des bases
secrètes en Afrique et en développant
les attaques de drones.» (7)
On se souvient que dans son discours du
Caire, le 4 juin 2009, le président
américain avait exprimé son souhait de
mettre un terme au ´´cycle de suspicion
et de discorde´´ entre l'Amérique (et
l'Occident) et le monde musulman. Il a
rendu hommage au passé brillant de la
civilisation musulmane. Quel écho a eu
ce discours? Rien! Ce n'est pas le fait
de faire un repas de rupture du jeûne à
la Maison-Blanche qui va faire illusion.
D'autant qu'Obama traine toujours un
procès en sorcellerie, on l'accuse
d'être un paléo-musulman; ce qui fait
qu'il est amené à son corps défendant à
en rajouter pour prouver sa bonne foi...
chrétienne. L'expédition punitive
franco-britannique qui a abouti, au
lynchage de Kadhafi Barack Obama les
soutient mais reste un pas en arrière.
« De Tunis à Damas, tout se passe comme
si la Maison-Blanche avait laissé
l'Histoire se mettre en scène, en
conservant un rôle de spectateur
attentif. A Bahreïn, lorsque la
monarchie sunnite fait appel à l'Arabie
Saoudite pour écraser une révolte de la
majorité chiite, Washington, qui dispose
d'une base sur place, laisse faire.»(7)
«En fait, conclut Jean-Michel Demetz, le
glissement des forces américaines vers
l'océan Pacifique est sa grande affaire,
60% de la force navale devraient être
déployés. Face à la montée du
nationalisme chinois et à une politique
de gesticulation de plus en plus
aventureuse de la part de Pékin envers
ses voisins, les Etats-Unis resserrent
le maillage de leurs alliances
régionales. Des traités bilatéraux en
cascade. A l'égard de Pékin, Obama a
évolué: au début de son mandat, il
évoquait un ´´partenariat´´
sino-américain, vu par certains
Européens comme le signal d'un nouveau
partage du monde. A Tokyo, en novembre
2009, il soutient ainsi que
´´l'émergence d'une Chine puissante,
prospère, peut être une force pour la
communauté des nations´´, en tout cas,
pas une menace. Mitt Romney affiche
aussi un soutien inconditionnel et
ostentatoire à Israël, réclame plus de
fermeté sur les dossiers des droits de
l'homme et sur le non-respect de la
propriété intellectuelle en Chine. Aux
Etats-Unis, comme ailleurs, la politique
étrangère ne fait pas l'élection. (7)
En définitive, nous rapportons cette
critique qui résume l'ère Obama. Dans
une tribune d'une rare virulence,
l'historien Niall Ferguson dénie à Obama
toute avancée sociale. Obama n'a pas su
prendre les décisions qui s'imposaient
ni faire face à la crise. Sous sa
présidence, les Etats-Unis ont reculé.
Dans son discours inaugural, Obama
promettait ´´non seulement de créer des
emplois, mais aussi de jeter de
nouvelles bases pour la croissance´´.
Sur ce point comme sur d'autres, le
bilan du président est pitoyable. (...)
Nous sommes en passe de devenir le pays
´´moitié-moitié´´: la moitié d'entre
nous paie les impôts, l'autre moitié
touche les allocations. Entre-temps, le
déraillement budgétaire a déjà pour
conséquence une réduction du budget de
la défense, alors même que le monde
n'est pas devenu plus sûr - notamment au
Moyen-Orient. Les Etats-Unis, sous ce
président, sont une superpuissance en
retrait, si ce n'est à la retraite. Dès
lors, rien d'étonnant si 46% des
Américains - et 63% des Chinois -
estiment que la Chine a déjà supplanté
les Etats-Unis en tant que première
puissance mondiale, ou finira par le
faire.» (8)
Nous pourrions ajouter que le président
Obama avait, en effet, suscité beaucoup
d'espoir au sein de la communauté
internationale après l'ère Bush. Les
Arabes crurent aux belles paroles, les
Palestiniens voyaient une perspective de
sortie du tunnel, la paix du monde
semblait à portée de main. L'Islam
pensait-on à tort, ne serait plus
diabolisé.
Ce fut au contraire, une ère
profondément anxiogène, le prix Nobel
fut celui de la guerre, de
l'élimination, dit-on, de Bin Laden. Les
pays arabes sont plus désorganisés que
jamais, notamment après l'éclosion
programmée des printemps arabes» qui se
sont soldés, entre autres, par la
liquidation des dirigeants arabes,
l'atomisation des derniers Etats debout.
Dans ce chaos réorganisateur, chaque
pays puissant veut remodeler les pays
arabes, et le Moyen-Orient selon ses
intérêts. «Il n'y aura rien de nouveau
sous le soleil, il y a un temps pour
vivre et un temps pour mourir», lit-on
dans l'Ecclésiaste.
Pour ne l'avoir pas compris, les Arabes
deviendront les scories d'une histoire
écrite par les pays fascinés par le
progrès et qui n'attendent rien de
l'extérieur. Ils comptent sur
l'intelligence de leur peuple que,
naturellement, ils respectent.
1.http://www.lemonde.fr/international/article/2012/08/24/la-revanche-d-un
heritier_1751130_3210.html
2.Joe Biden, le sniper d'Obama Le
Monde.fr | 04.09.2012
3.Corine Lesnes http://www.lemonde.fr/
elections-americaines/article/2012/09/03/le-candidat-obama-attendu-sur-son-bilan-et-sur-son-programme_1754855_829254.html
4. Paul Ryan ´´L'Amérique doit changer
de cap´´, Le Monde.fr avec AFP et
Reuters 30.08.2012
5. Romney prend pour cible la politique
étrangère d'Obama. Le Monde.fr
30.08.2012
6. Anna Villechenon: la Chine en veut à
Romney avec AFP 30 août 2012
7. Jean-Michel Demetz
http://www.lexpress.fr/ actualite/
monde/amerique/etats-unis-quel-bilan-pour-la-politique-etrangere-d-obama_
1148361.html
8. Niall Ferguson:Le bilan du président
est pitoyable, Newsweek, repris par C.I.
30.08.2012
Professeur émér. Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 7 septembre
2012 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
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