Opinion
Non à une
troisième guerre mondiale en Corée du
Nord
N'humilions pas les peuples
Chems
Eddine Chitour
Samedi 6 avril 2013
«Quel serait pour
nous l'intérêt de produire une ou deux
armes nucléaires lorsque vous avez plus
de dix mille systèmes de frappe que nous
n'avons pas?»
Kim
Il-sung (interview par Michael Parenti,
CNN 14 avril 1994)
Il était une fois un petit pays, la
Corée, de près de 70 millions
d'habitants et de 220.000 km²,
ethniquement homogène (les Hans). Son
malheur est d'avoir été envahi par le
Japon et servi de variable d'ajustement
entre les deux grands à la fin de la
Seconde Guerre mondiale à savoir, les
Etats-Unis et l'Urss. Chaque camp avait
un champion, dans le camp capitaliste
c'était le vieux leader nationaliste et
anticommuniste Syngman Rhee, qui avait
été le chef du gouvernement coréen en
exil constitué en 1919 et dans le camp
communiste c'était Kim Il-sung héros de
la résistance contre le Japon. Après
Yalta, les deux camps se mirent d'accord
sur une frontière artificielle: le 38e
parallèle adoubé par les Nations unies
qui, à l'époque, étaient dans leur
majorité tournées vers le camp
occidental. En 1948 les deux Corées
furent «créées». Pendant quelques années
chaque camp renforça son adversaire de
1945 à 1950.
La guerre de Corée
Les incidents nombreux donnèrent lieu au
déclenchement de la guerre, chaque camp
rejetant la responsabilité sur l'autre.
D'un côté, l'Urss et l'armée de
volontaires chinois, de l'autre, le
«monde libre avec les Etats-Unis et 18
vassaux qui réussirent à arracher dans
les Nations Unis de l'époque, une
résolution autorisant la guerre». On ne
retient pas assez les leçons de
l'histoire car c'est toujours le même
scénario, l'Empire mobilise des nervis
pour «sa cause» et on arrache une
résolution.
Soixante ans plus tard en Irak, en
Yougoslavie, en Libye cela sera le même
scénario. Dans ce dernier pays, l'un des
vassaux, dans un zèle de bénédictin,
s'est cru mû par une mission divine,
quelques heures après le vote de la
résolution, Alain Juppé encore aux
Nations unies annonce que l'aviation
française commençait à bombarder les
troupes de d'El Gueddafi pour protéger
les populations civiles. On apprendra
bien plus tard, que ce sont les
«révolutionnaires» qui tuaient le
peuple... Comme en Syrie actuellement
Trois années et un million de morts plus
tard, une armistice est signée et il n'y
a jamais eu de paix entre les deux
nouveaux Etats- La Corée du Nord
communiste et la Corée du Sud
capitaliste- Le front se stabilisa sur
la ligne de démarcation actuelle un
statu quo ante bellum s'imposa de
lui-même. Il y eut de nombreux crimes de
guerres, chacun accusant l'autre
d'utiliser des armes chimiques et
bactériologiques. Le général Douglas Mc
Arthur, celui qui recueillit la
reddition humiliante du Japon sur le
porte-avions Le Missouri, trois jours
après la deuxième bombe atomique à
Nagasaki, joua un rôle sinistre avant
qu'il ne soit relevé. Même le napalm fut
utilisé, il le sera d'une façon
industrielle une dizaine d'années plus
tard au Vietnam.
La
situation actuelle
Les deux Corées se surveillent par
miradors interposés sur un no man's land
de quatre km. Résultat des courses, des
familles séparées, un rideau de fer
s'installa; cela sera le premier celui
de Berlin viendra moins de dix années
plus tard. Après Kim Il-sung, Kim
Jong-il gouverna comme son père, d'une
main de fer développant à marche forcée
son armée. Parallèlement, il y eut une
profonde remise en cause de l'équilibre
de la terreur. La chute de l'Union
soviétique- mais avec sa puissance
nucléaire toujours intacte- et
l'avènement de la Chine comme puissance
nucléaire puis, depuis une quinzaine
d'années, comme puissance économique
changèrent la donne. Après la mort de
Kim Jong-il son fils trentenaire Kim
Jong-un, que les occidentaux avaient
présenté comme ouvert, aimant la vie à
l'Occidental- il aurait fait ses études
en Suisse-, est depuis, diabolisé car il
affirme et s'affirme.
La Corée du Sud connut elle aussi
plusieurs dirigeants plus ou moins
disposés à coopérer, à tenter d'aller
vers la fusion des deux Corées. Ce fut
le cas de l'avant-dernier président mort
depuis. On installa même un téléphone
rouge entre les deux leaders et une zone
franche fut créée entre les deux Etats,
qui permit le développement et un
commerce profitable surtout à la Corée
du Nord dont le développement est de
loin plus faible que celui de la Corée
du Sud qui, il faut le reconnaître, est
très développée dans tous les domaines,
surtout dans l'électronique,
(Samsung...) l'industrie, notamment
automobile (Hyundai, Daewoo, Kia..). Du
côté de la Corée du Sud, le risque de
déflagration est exacerbé par la
politique menée par la présidente
conservatrice sud-coréenne nouvellement
élue, Park Geun-hye, la fille du
dictateur militaire sud-coréen Park
Chung-hee.
Pour ajouter à l'anomie, une nouvelle a
défrayé la chronique le 30 mars 2013: la
RPDC serait en état de guerre, et aurait
donc déclaré la guerre à la Corée du Sud
et aux Etats-Unis. Une telle nouvelle a
été accueillie comme pain bénit par les
faucons américains et sud-coréens dans
leur entreprise de diabolisation de la
Corée du Nord. Non seulement l'agence
officielle nord-coréenne n'a jamais
parlé de déclaration de guerre, mais une
erreur de traduction serait
intervenue... Explication de texte et
mise au point. D'après Ria Novosti, une
des meilleures sources d'informations
sur la Corée du Nord qui soit
indépendante des gouvernements des pays
occidentaux et de la Corée du Sud: ´´la
déclaration faite samedi par Pyongyang
selon laquelle la Corée du Nord était en
´´état de guerre'' avec le Sud résulte
d'une erreur de traduction, ont affirmé
les autorités nord-coréennes, précisant
qu'il s'agissait seulement de la volonté
de Pyongyang de réagir 'selon les lois
applicables en temps de guerre' à toute
agression étrangère.´´ Il n'y a donc pas
d' ´´état de guerre´´, ni a fortiori de
´´déclaration de guerre´´, comme l'ont
interprété un peu hâtivement plusieurs
médias». (1)
La technique est connue, il faut
diaboliser à outrance. Parler de
communauté internationale alors qu'il ne
faut parler en fait que de quelques pays
de l'Otan: l'Empire et ses traditionnels
vassaux boutefeux. Il faut montrer la
misère de la Corée en boucle et mentir
comme ce fut le cas lors de la
diabolique traduction de la phrase
d'Ahmadinejad: «Le régime d'Israël doit
être rayé de la carte du temps», traduit
par les agences: «Israël doit être rayé
de la carte.»
Les USA qui s'arrogent le droit de
qualifier certains pays comme ceux ´´du
mal´´, jouent une fois de plus avec le
feu. Obama poursuit la politique de son
(ses) prédécesseur (s) en l'amplifiant
plus hypocritement... La machine de
propagande est de nouveau prête pour
manipuler l'opinion mondiale... La Corée
du Nord, ce pays sous blocus et de 24
millions d'habitants, ne saurait faire
la guerre au monde entier et n'en a
certainement pas les moyens.(2)
La machine
de guerre américaine: un marteau pilon
pour écraser une mouche
Les médias aux ordres rapportent: «En
réponse aux propos belliqueux de Kim
Jong-un, les Etats-Unis ont déployé
autour de la Corée du Nord un important
dispositif militaire. Personne,
pourtant, ne pense que Pyongyang mettra
ses menaces à exécution. La Corée du Sud
et les Etats-Unis sont à peu près sûrs
que la Corée du Nord n'est pas si
sérieuse que ça et qu'elle n'a pas
réellement l'intention de mettre ses
menaces de guerre à exécution. Ce pays
ne tirerait même pas le premier dans un
conflit quel qu'il soit ´´Les Etats-Unis
déploient au moins un bâtiment de combat
près du littoral nord-coréen, et
d'autres pourraient suivre´´, signalait
Barbara Starr, de CNN. Le SBX-1,
´´plateforme navale surmontée d'un
radar, est également en phase
d'approche.´´ Le navire de guerre en
question serait l'USS Fitzgerald,
déployé dans les eaux proches de la
péninsule coréenne. ´´Il est capable
d'intercepter et de détruire des
missiles, si la Corée du Nord décidait
d'en tirer un´´, a rapporté NBC
News».(3)
De plus, les bombardiers B-2
transportaient 16 bombes nucléaires B83,
75 fois la puissance des bombes
atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki. Si
deux bombardiers B-2 lâchaient leur
cargaison sur la Corée du Nord, ils
détruiraient toutes ses villes grandes
et moyennes.
Les
positions des uns et des autres
La Russie se dit inquiète de la
dangerosité de la situation. Si les
Américains sont sûrs que les Coréens du
Sud ne déclencheront pas les hostilités
les premiers, à quoi cela sert de mettre
en ordre de bataille une armada d'avions
de destroyers, d'avions furtifs, de
drones et d'autres engins de morts aussi
sophistiqués les uns que les autres? Les
Russes et les Chinois, bien que beaucoup
moins concernés que durant la guerre
froide, sont convaincus de la méthode du
rouleau compresseur américain qui veut
reformater le monde selon sa volonté
«Ainsi, Alex Lantier dans
«Mondialisation.ca», écrit: «Le ministre
russe des Affaires étrangères, Sergeï
Lavrov, a mis en garde que «la situation
peut échapper à tout contrôle et elle
s'engagera dans la spirale d'un cercle
vicieux.» Malgré les dénonciations de la
Corée du Nord par les médias
occidentaux, l'impérialisme américain
porte la responsabilité essentielle.
Tout au long de l'année dernière,
Washington a annoncé son intention
d'installer un bouclier antimissile
visant la Chine bien que justifié comme
étant une mesure contre la Corée du
Nord. Les Etats-Unis ont aussi encouragé
une confrontation navale entre la Chine
et le Japon au sujet des îles Senkaku (Diaoyu).
Washington a utilisé la Corée du Nord
comme un moyen de faire pression sur le
régime de Beijing qui s'est avéré être
un obstacle majeur à la politique
belliqueuse des Etats-Unis contre la
Syrie et l'Iran pour qu'il s'aligne plus
directement sur la politique étrangère
américaine, Il est aussi le plus
important créancier étranger des
Etats-Unis.» (4)
Que fait la Chine? Alex Lantier nous
informe qu'elle tempère l'ardeur de son
protégé, il poursuit: «Tout en faisant
pression pour un retour à la table des
négociations, Beijing est aussi en train
de signaler à Pyongyang que la Chine
pourrait cesser de les soutenir face à
Washington. Au début du mois, elle avait
voté au Conseil de sécurité de l'ONU
pour imposer des sanctions à Pyongyang
en raison de son programme nucléaire.
Selon des dépêches publiées par
WikiLeaks, certaines sections du régime
chinois considèrent Pyongyang comme un
«enfant gâté» gênant. (..) Pour le
communiqué de Pyongyang et sa
déclaration concernant un «état de
guerre» en Corée, il s'agit d'une vérité
juridique: l'armistice qui a mis fin aux
combats de la guerre coréenne de
1950-1953 n'a techniquement jamais mis
fin à l'état de guerre en Corée.
Pyongyang réclame de longue date un
traité de paix qui a été refusé en 1953
par les Etats-Unis. Depuis lors,
Washington rejette les demandes en
faveur d'un traité de paix. (...)Les
tentatives de Pyongyang de régler ses
différends avec Washington se sont
toutefois heurtées à plusieurs reprises
à l'opposition américaine.» (4)
Dans toute cette atmosphère de bruit de
bottes, l'analyse d'un ancien ministre
des Affaires étrangères de la Corée du
Sud nous paraît de loin la plus
pertinente et la plus sereine. «La
tâche, écrit-il, qui incombe au monde de
répondre aux grondements des canons de
la Corée du Nord est d'autant plus
difficile que la communauté
internationale se heurte à un Etat
appauvri et d'ores et déjà vaincu.
C'est, en effet, dans de telles
circonstances qu'il est nécessaire
d'agir avec le plus de mesure. Tout le
génie du prince Klemens Von Metternich
de l'Empire des Habsbourg résida dans sa
décision, en vue de l'instauration d'un
nouvel ordre international à la suite
des guerres napoléoniennes, de ne pas
pousser une France vaincue dans ses
derniers retranchements. Malgré son
souhait d'empêcher toute possibilité de
résurgence française, Metternich
restaura, en effet, les frontières
françaises d'avant-guerre.» (5)
La nécessité d'une
approche réaliste pour éviter le pire
Par opposition, comme l'a fait remarquer
Henry Kissinger, il aurait été
impossible aux vainqueurs de la Première
Guerre mondiale d'amener une Allemagne
défaite à renoncer, ou de l'inciter à
accepter le Traité de Versailles. C'est
pourquoi, selon cet argument, il leur a
fallu imposer au pays un certain nombre
de dispositions sévères, dans l'espoir
d'affaiblir définitivement l'Allemagne.
Nous savons tous ce à quoi cette
stratégie a abouti. John F. Kennedy
appartenait à la même veine que
Metternich. Pendant la crise des
missiles de Cuba, il se refusa à
humilier l'Union soviétique ou à
l'écraser par une victoire totale. Il
choisit plutôt de comprendre le
personnage Nikita Khrouchtchev, et
accepta de retirer en secret les
missiles américains de Turquie et
d'Italie en échange d'un retrait
équivalent des missiles soviétiques de
Cuba.
Le pragmatisme de Kennedy nous a sans
doute évité une troisième guerre
mondiale. Malheureusement, la Corée du
Nord ne fait pas l'objet de telles
démarches clairvoyantes d'homme d'Etat.
(...) A l'époque, Kim Il-sung se heurta
en effet à un effondrement économique,
ainsi qu'à un isolement diplomatique.
Dans des entrevues conduites par Asahi
Shimbun et le Washington Times en mars
et avril 1992, Kim affirma expressément
souhaiter établir des relations
diplomatiques avec les Etats-Unis, mais
les dirigeants américains et sud-coréens
refusèrent de répondre à l'invitation de
Kim. Une autre opportunité a été manquée
au cours de la dernière décennie. Avec
la politique d'engagement du président
Bill Clinton auprès du Nord qui aurait
peut-être évolué jusqu'à une volonté de
normalisation des relations
diplomatiques entre les deux pays.(..)
Le président George Bush entreprit une
politique inverse à celle de Clinton à
l'égard de la Corée du Nord.(5)
«Je me souviens, poursuit Yoon Young-kwan
encore, lorsque j'occupais la fonction
de ministre sud-coréen des Affaires
étrangères, combien il me fut difficile
de convaincre les responsables de
l'administration Bush de négocier avec
la Corée du Nord au lieu de se contenter
d'exercer des pressions dans l'attente
d'une capitulation du pays. (...)
Quelles démarches faut-il alors
entreprendre? La première option
consisterait à dissuader toute agression
future au travers de la diplomatie. Mais
la possibilité d'une dissuasion
diplomatique dépendra de la coopération
de la Chine, ce qui nécessite que les
intérêts vitaux de la Chine en matière
de sécurité nationale soient reconnus.
(...) Ce n'est que lorsque sa propre
sécurité sera garantie que la Chine sera
disposée à s'extraire de la complicité
risquée qu'elle entretient avec la Corée
du Nord, et qu'elle sera en mesure de
mieux contrôler le comportement du Nord.
(5)
Il est à espérer que le démocrate Obama
se montrera digne du prix Nobel de la
paix et n'allumera pas un nouveau front
dans un monde de plus en plus harassé
par de multiples malheurs. La tentation
d'empire a vécu. Nous devons accepter un
monde multipolaire et nous atteler aux
vrais défis que sont la faim, la soif,
les changements climatiques. La Corée du
Nord est un petit pays et comme tout les
pays du monde avec une grande dignité.
N'humilions pas les peuples...
1.
http://www.brujitafr.fr/article-non-la-coree-du-nord-n-a-pas-declare-la-guerre-a-la-coree-du-sud-et-aux-etats-unis-116732404.html
2. http://mai68.org/spip/spip.php?article5034
3.
http://www.courrierinternational.com/article/2013/04/03/pyongyang-aboie-washington-parade
4. Alex Lantier: Les Etats-Unis envoient
des avions de chasse en Corée alors que
le risque de guerre s'accroit
Mondialisation.ca, 03 avril
5. Projet syndicate.
http://www.reporters.
dz/index.php?option=com_content&view=article&id=8989%3Acoree-du-nord-la-necessite-dune-approche-realiste&catid=22%3Agrand-angle-ouverture&Itemid=9
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Nationale Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 6 avril 2013 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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