Opinion
« DELENDA EST
SYRIA » : La finalité du GMO
Chems
Eddine Chitour
Pr Chems
Eddine Chitour
Jeudi 5 avril 2012
"«Delenda est
Carthago»; «Il faut détruire
Carthage!»"
Caton l'Ancien
Bien que les Romains aient remporté les
deux premières Guerres puniques, ils
connurent quelques revers et
humiliations dans leur lutte d'influence
contre la cité-État maritime et
phénicienne de Carthage. Cela les poussa
à rechercher par vengeance la victoire
totale qui s'exprime par cette formule.
Carthage s'acheva par la destruction
complète de la ville à la fin de la
Troisième guerre punique. La cité fut
brûlée, rasée et les survivants vendus
en esclavage. Selon la tradition, Caton
l'Ancien prononçait cette formule à
chaque fois qu'il commençait ou
terminait un discours devant le Sénat à
Rome, quel qu'en soit le sujet.
Peut-elle s'appliquer à la Syrie?
Depuis le 17 février 2011, la révolte
gronde à juste titre en Syrie. C'est un
fait, des morts tous les jours sont à
déplorer. C'est un fait que la rébellion
est aidée en armement lourd, on parle
même de mercenaires occidentaux arrêtés
par larmée syrienne qui est en train de
payer un lourd tribut, mais qui est
absente des statistiques. Réagissant au
massacre de Homs, le ministre français
des Affaires étrangères Alain Juppé a
affirmé que les autorités syriennes
«devront répondre de leurs actes devant
la justice» internationale, M. Juppé a
aussi appelé «la Chine et la Russie à
entendre la voix des Arabes et de la
conscience mondiale et à se joindre à
nous» pour condamner la répression en
Syrie. Lundi à New York, le chef de la
diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a
affirmé que le Conseil de sécurité est
«manipulé» sur la crise syrienne comme
il l'avait été sur la Libye. L'émissaire
des Nations unies reçu par Al Assad lui
a soumis des propositions pour une
sortie de crise. Aux dernières
nouvelles, la Syrie y a répondu
favorablement.
Historique
de la Révolte syrienne
Il était une fois un pays arabe riche de
son histoire plusieurs fois millénaire
qui fut un terrain de conquête et de
passage de différentes civilisations qui
se sont succédé. Nous pourrions citer
les plus importantes: perse, grecque
avec Alexandre le Grand, romaine, la
période florissante des Omeyyades et
enfin la période ottomane. Dès la moitié
du XIXe siècle au nom de la défense des
minorités - notamment chrétiennes - les
Anglais et les Français fomentent des
troubles. Des émeutes ont alors lieu,
les plus importantes sont celles de
Damas, des Chrétiens en payèrent le
prix. Un homme, en l'occurrence l'Emir
Abdelkader, exilé par les Français, eut
le courage et la dignité au nom de
l'amour du prochain prôné par l'Islam de
sauver d'une mort certaine des milliers
de chrétiens, hommes, femmes et enfants,
qu'il ramena dans sa maison, nourrit et
soigna jusqu'à la fin des émeutes.
Résultat des courses: la perfide Albion
et son acolyte français imposèrent à
l'Empire ottoman vieillissant un
moutassarif, sorte de gouverneur
chrétien pour s'occuper des affaires des
Chrétiens. L'histoire de l'ingérence
occidentale continua et les accords de
Sykes-Picot durant la Première Guerre
mondiale alors même que la guerre
faisait rage, mirent en coupe réglée
l'Empire ottoman. Les Français
héritèrent de la Syrie, du Liban, du
sandjak d'Alexandrette, les Anglais
occupèrent l'Irak, redessinant de ce
fait le Moyen-Orient non pas en fonction
des ethnies et civilisations mais en
fonction des intérêts des envahisseurs.
C'est à cette occasion dit-on, que le
général Gouraud piétinant à cheval le
catafalque du mausolée dans la Mosquée
des Omeyyades interpelle Salah Eddine el
Ayyoubi.: «Saladin, le petit-fils de
Godefroy de Bouillon est devant toi, où
sont tes troupes?»
Après une lutte incessante, la Syrie fut
indépendante en 1946. Depuis, elle
connut plusieurs convulsions jusqu'au
jour où le général Hafed El Assad prit
le pouvoir et le garda pendant trente
ans jusqu'à sa mort en 2000. Son fils
Bachar el Assad suscita beaucoup
d'espoirs qui furent finalement déçus,
le nouveau président verrouillant le
champ politique, les libertés et
laissant à sa famille et à son clan de
s'accaparer de l'essentiel des
ressources du pays amenant le désespoir.
«Le
printemps arabe»
A la faveur du printemps arabe, un vent
d'espoir souffla aussi sur la Syrie et
beaucoup parmi eux pensèrent que le
moment de secouer le joug était venu.
D'autant que les révoltes arabes
arrivèrent rapidement à bout de Ben Ali,
Moubarak. Un premier os dans la
stratégie occidentale de reformatage du
Monde arabe apparut aux Occidentaux avec
la résistance d'El Gueddafi avec son
fameux «zenga zenga, dar dar». Une
résolution de l'ONU arrachée donna des
ailes au camp occidental pour
«sécuriser» l'espace aérien libyen en
théorie mais en fait, casser le régime.
Quatre heures après le vote de la
résolution, l'aviation française
démolissait des colonnes militaires
libyennes.
Résultat des courses: El Gueddafi fut
attaqué, fut fait prisonnier par les
Occidentaux et puis fut livré à ses
ennemis qui le lapidèrent au-delà de
toute horreur sous l'oeil impavide des
Occidentaux qui fêtèrent la libération
de la Libye avec BHLévy. Le cadeau
occidental au peuple libyen se décline
par le chaos, une guerre civile qui ne
dit pas son nom, des menaces de
partition, mais qu'on se rassure, les
puits de pétrole sont intacts et la
production recouvre graduellement le
débit d'avant-guerre. En Syrie, Bachar
El Assad résiste mais il faut bien
reconnaître que la Russie et la Chine
échaudées par la tromperie de la
résolution sur la Libye où elles furent
en définitive exclues de l'eldorado
libyen, fit qu'elles s'opposèrent à
toutes résolutions d'ingérence
militaire. Les Français les Anglais et
les Américains usèrent de tous les
subterfuges, envoi d'armes,
intronisation d'un CNS sur le modèle
libyen pas encore reconnu si ce n'est
comme mouvement parmi d'autres.
Utilisation des réseaux Facebook, envoi
d'armes par les potentats du Golfe,
l'inamovible baudruche quatarienne qui
pense que tout le monde est «achetable»
il suffit d'y mettre le prix, le fossile
saoudien et même la Tunisie qui se
découvre une âme de révolutionnaire des
droits de l'homme en ayant obtempéré à
l'ordre d'abriter la première conférence
des amis de la Syrie.
Malgré tout ce tapage, malgré les
reportages partiaux, Al Assad tient bon.
La Russie ayant pu faire voter une
résolution équilibrée où pour la
première fois on parle de violence du
côté des «révolutionnaires», et où on ne
parle plus du départ de Bachar el Assad.
Kofi Annan, qui eut le privilège d'être
aux premières loges en fermant les yeux
sur l'aventure irakienne en 2003, fut
nommé par le Conseil de sécurité le 10
mars. De ses entretiens avec le
président syrien il réussit à arracher
un accord «humanitaire».
Cet accord n'a pas plu au camp
occidental. Dans la deuxième conférence
des amis de la Syrie, qui eut lieu la
semaine dernière en Turquie, c'est
encore et toujours une rhétorique
guerrière, on parle de reconnaissance du
CNS avec Borhan Ghalioun protégé de la
France et pour cause, le professeur
Ghalioun était enseignant à Paris. Sans
même attendre les résultats de la
dernière initiative acceptée par Damas
et qui consiste en l'envoi
d'observateurs des Nations unies - le
rapport des observateurs arabes ayant
été torpillé par le Qatar qui ne voulait
pas entendre parler de paix - Les
Etats-Unis commencent à condamner.
Mieux, le ministre français Juppé exige
en vain un ultimatum pour la réponse de
Damas.
Là encore, les Russes ont tenu à mettre
les choses au point. Kofi Annan n'a de
compte à rendre qu'au Conseil de
sécurité et la conférence des amis du
peuple syrien n'a aucune légitimité.
Dernier rebondissement, la réunion des
chefs d'Etat arabes le 29 mars à Baghdad,
qui revient sur la scène internationale,
a permis de rééquilibrer le débat. Nouri
el Maliki remplace en termes de
présidence tournante de la Ligue arabe,
le Qatar qui, faut-il le rappeler, a
acheté le tour de la Palestine pour
quelques centaines de millions de
dollars, en vain. A Baghdad le
communiqué parle de la nécessité d'un
dialogue pour Bachar el Assad avec
l'opposition mais on est loin de
l'acharnement qatari qui voulait
déstabiliser la Syrie, en mettant à la
place de Bachar el Assad un président
fantoche malléable par l'Occident. Nouri
el Maliki s'en est pris d'ailleurs
violemment à l'Arabie Saoudite et au
Qatar en disant que Bachar El Assad
restera et qu'il est temps de cesser de
diaboliser les chiites...
Que
peut-on dire en conclusion?
Voilà un régime stalinien qui tient
d'une main de fer son pays mais qui -
par une chance insolente sans doute -
tient de par l'aide de la Chine et
surtout de la Russie qui voit d'un très
mauvais oeil cette tentative de
décomposition-recomposition - Le chaos
constructeur de Condoleezza Rice - du
Moyen-Orient où à l'évidence, ils
n'auraient plus leur place comme ce qui
s'est passé il y a un siècle de cela.
L'Occident avait pensé qu'en remettant
Al Assad en selle auprès de la
«communauté internationale», encore
qu'il faille comprendre par cela les
pays occidentaux et Israël,ils
arriveraient à le détacher de l'Iran qui
est la destination finale du Chaos
moyen-oriental qui ferait apparaître
définitivement Israël comme le gendarme
à demeure, d'autant que l'Egypte a mis
un genou à terre depuis Camp David. Il
ne resterait alors plus rien du «Front
du Refus» mis en place par Boumediene,
Al Assad et El Gueddafi pour sauver la
Palestine.
Pourtant, la boîte de Pandore syrienne
est riche en calamités. Cette région du
monde qui vit le début du christianisme,
qui donna à l'Eglise six papes mais qui
dans le même temps a donné à l'Islam ses
heures de gloire avec les Omeyyades est
un subtil équilibre de la mosaïque des
religions qui firent du vivre-ensemble
leur credo. On le voit avec les cris
pathétiques des chrétiens syriens qui
appellent à ne pas ouvrir cette boîte de
Pandore. Ceci dit, Al Assad devra dans
tous les cas, organiser la transition,
d'une façon endogène et dans les
meilleurs délais. La Russie ne
continuera pas longtemps à protéger la
Syrie surtout si elle reçoit des
garanties quant au maintien de sa flotte
en Méditerranée. Sinon à Dieu ne plaise,
la phrase de Caton à propos de Carthage
s'appliquera à la Syrie et c'est
peut-être cela que les boute-feux
occidentaux recherchent. Israël devra
seule être maître du Monde arabe.
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 6 avril
2012 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
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