Opinion
La montée des
périls en Algérie :
Nécessité d'une vigilance
Chems
Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Samedi 2 février
2013
L'Angleterre n'a
pas d'amis, elle n'a pas d'ennemis. Elle
n'a que des intérêts permanents»
Winston
Churchill
Ce mois de janvier 2013 est assurément
un mois éprouvant. Les convulsions du
monde semblent rattraper l'Algérie.
L'affaire d'In Amenas n'a pas fini de
livrer tous ses secrets. Au-delà de la
maîtrise de la situation par l'ANP, il
demeure que l'Algérie est sur la corde
raide. Elle est entourée de pays au
mieux, indifférents, au pire, hostiles.
L'affaire du Mali risque de plonger
l'Algérie dans une situation dangereuse.
Rien ne s'oublie! Pour l'histoire, il
semblerait que lors d'une réunion des
potentats arabes, le Premier ministre du
Qatar aurait dit à notre représentant
que "le tour de l'Algérie allait
arriver".
Cela voulait dire qu'il nous promettait
un "printemps". Il en est aussi du jeu
trouble de l'Arabie Saoudite et ce n'est
pas les embrassades et salamalecs du
ministre des Affaires étrangères
saoudien qui y changeront quelque chose
du fait que les malheurs du monde sont
dus aussi aux Saoudiens. Dans l'affaire
de Tiguentourine, la responsabilité de
BP est engagée. Souvenons-nous que David
Cameron, invité en grande pompe en
Algérie s'était offusqué de n'avoir pas
été averti par l'Algérie, en principe
Etat souverain.
Une lecture attentive d'une contribution
parue dans Liberté situe les
responsabilités . On lit: "C'est le site
de Tiguentourine d'In Amenas qui allait
être choisi. (...) Liberté est ainsi en
mesure de révéler que la firme
britannique BP employait, à travers un
contractant local, une société de
transport de marchandises qui appartient
à la famille Ghediri qui n'est autre que
celle du frère de... Abou Zeïd, le chef
d'Aqmi au Sud. Bouchneb y a fait
recruter des membres de sa famille, et
la société a prospéré grâce aux contrats
avec BP. Cette société basée sous une
Sarl légalement enregistrée à Ouargla
écumait avec sa flotte de camions, au
moins une trentaine de semi-remorques,
le site d'In Amenas depuis au moins 3
ans, mais assurait également le
transport logistique entre les bases de
vie de BP et leurs sites à Illizi ou In
Salah. (...) Pourtant, de nombreux
employés étaient soupçonnés de faire
partie d'un réseau de soutien au
terrorisme. Mais à chaque fois, malgré
les avertissements algériens, la
compagnie britannique, mise au courant
des faits, n'a pas résilié le contrat
avec la société du frère du chef d'Aqmi
au Sud. (...) Et quand on constate les
interrogations légitimes de ceux qui se
demandent comment cela a-t-il pu arriver
ou les réactions intempestives du
Premier ministre britannique, David
Cameron, on se demande si les services
de renseignements britanniques du MI-6,
qui n'étaient pas dans l'ignorance d'une
telle anomalie, ou la direction générale
de BP l'ont tenu informé que sur leur
principal site en Algérie, des individus
suspects travaillaient pour... eux."(1)
La venue
de David Cameron à Alger: Une première
Pour la première fois depuis
l'indépendance, un chef du gouvernement
anglais foule le sol algérien accompagné
justement des spécialistes du MI-6 qui
ont manqué de vigilance dans l'affaire
de BP. A Alger, les deux dirigeants
algérien et anglais ont décidé de mettre
en place un nouveau partenariat
stratégique pour mieux lutter contre les
nouvelles menaces terroristes, a-t-on
précisé de source gouvernementale
britannique. Dans le cadre d'un
partenariat, Londres et Alger devraient
échanger des informations sur la
sécurité des frontières, la sécurité
aérienne et la lutte contre les menaces
visant la stabilité de l'Afrique du
Nord, selon cette source gouvernementale
ayant requis l'anonymat. "Nous avons
retenu les leçons du passé, ces
problèmes ne peuvent être traités
seulement par des moyens militaires ou
de sécurité", a poursuivi M.Cameron. "Il
nous faut combiner une réponse
sécuritaire forte, mais également
travailler avec nos partenaires
internationaux, utiliser notre
diplomatie, notre budget d'aide,
utiliser tous les moyens à notre
disposition - y compris tenter de
trouver un règlement politique à
certaines revendications sous-jacentes
dont profitent les terroristes", a-t-il
ajouté. M.Cameron a également indiqué
que l'Afrique du Nord ne devait pas
devenir un autre Irak ou Afghanistan.
"Nous ne regardons pas cette région en
pensant que la réponse est purement
militaire. Ce n'est pas le cas", a-t-il
dit(2)
On le voit, même le vocabulaire est
expressif, les politiques ne
s'interdisent pas de penser que
l'Algérie devienne un second Irak ou
Afghanistan, bref, que le chaos puisse
régner un jour. Chacun sait que l'un des
talons d'Achille du pays est la
surveillance des frontières avec la
Libye, le Niger, le Mali et la
Maurétanie. Cela ne peut se faire qu'en
érigeant un barrage électronique avec
une surveillance par satellites et
intervention par drones. Les
hélicoptères ayant un temps de réponse
long.
On se souvient que l'Algérie avait
toutes les peines du monde à acquérir
des jumelles à vision nocturne. C'est la
même chose actuellement du fait que nous
n'avons pas su ou pu développer une
recherche dans ce domaine, nous sommes
tributaires du bon vouloir des autres
L'Algérie devrait faire ce qu'il faut
pour acquérir cette technologie. Nous ne
sommes donc pas protégés! Il y a péril
en la demeure! Qu'avons-nous fait comme
étude sérieuse pour connaître le
mouvement du monde?
Il faut savoir qu'après la chute du mur
de Berlin, puis de l'empire soviétique,
plus rien ne devait s'opposer à l'hyperpuissance
américaine. Déjà George Bush père
annonçait un nouvel ordre mondial que
son fils annoncera aussi sous la forme
du GMO. Le Monde des faibles (Afrique et
Moyen-Orient) est devenu celui de la
curée d'une recolonisation rendue
nécessaire par l'appât des matières
premières. Gilles Munier rapporte que
cela continue plus que jamais sous l'ère
Obama, "Fin 2010 écrit-il, Parag Khanna,
ancien conseiller de Barack Obama en
matière de gouvernance mondiale,
estimait que le Kurdistan irakien serait
indépendant en 2016.(..) Le NIC,
organisme comprenant les 17 agences de
renseignements étatsuniennes et des
experts à la retraite ou non, la prévoit
comme la conséquence d'une fragmentation
croissante de l'Irak et de la Syrie...
et de la partition de la Turquie,
promise à une influence grandissante au
Proche-Orient, en Asie centrale et dans
les ´´affaires globales´´. (...) Selon
les rédacteurs du rapport, l'émergence
d'un Etat palestinien se ferait
graduellement, mais pas dans le cadre de
négociations de paix, mais "à travers
une série d'actions non officielles,
indépendantes, appelées "unilatéralisme
coordonné". Toutefois, "des questions
comme le droit au retour, la
démilitarisation, et Jérusalem ne seront
pas entièrement résolues". Il ne faut
pas s'attendre, d'ici là, à une "fin
complète du conflit ". (3)
Je pense que l'intervention de la France
contre le Mali, c'est la continuation de
la guerre contre la Libye et contre la
Syrie. C'est une nouvelle phase dans ce
que j'appellerais la recolonisation ou
le fait de stabiliser la colonisation de
l'Afrique en général, l'Afrique du Nord
et l'Afrique de l'Ouest. (...) Et, donc,
quand on veut voir comment la France
considère les richesses naturelles, il
suffit de voir l'exemple du Niger, c'est
le pays n°174 sur la liste du
développement humain. (...C'est une
guerre contre le Niger, dont l'uranium
est absolument stratégique. C'est une
guerre contre l'Algérie, parce que ce
pays a, lui aussi, des ressources
naturelles très importantes comme chacun
sait. (..) C'est un pays qui résiste à
Israël, qui a refusé de s'intégrer dans
l'Otan et dans Africom, l'organisation
militaire des Etats-Unis pour le
contrôle des richesses de l'Afrique.
(...) Et la question de la Chine et de
sa présence en Afrique comme partenaire
alternatif est très importante et le
meilleur exemple, c'est que le jour où
au Niger, il y a un président qui a
commencé à vouloir rencontrer les
Chinois pour discuter des alternatives
commerciales, il a été très rapidement
destitué par un coup d'Etat organisé par
la France. (...)Je pense que l'Algérie
est un pays qui a une longue histoire de
résistance au colonialisme. Sa lutte de
libération a été une des plus
courageuses et exemplaires de toute
l'Afrique. (...)" (4)
La montée
des périls
Il faut ajouter à cette anomie, une
autre donnée: le Maroc dit être sur la
même longueur que la France dont les
avions militaires ont survolé son espace
aérien pour aller bombarder les groupes
armés au Nord-Mali. En outre, Rabat
n'exclut pas d'engager, le moment venu,
ses troupes dans la guerre. Le Maroc
cherche à exploiter la guerre au Mali
pour faire valoir ses thèses contestées
sur le Sahara occidental et conforter sa
position dans la région, en s'engageant
au fur et à mesure dans le conflit. Qui
empêcherait au nom de la lutte contre le
terrorisme que les "troupes de la
coalition" menées par la France, au nom
du droit de poursuite des terroristes
guerroient à notre frontière
déstabilisant l'Algérie ?.
La même appréciation dangereuse est
donnée par Thierry Meeyssan sur la
fragilité de la position algérienne: "La
France allume la guerre au Mali pour
enflammer l'Algérie. Préparée de longue
date et annoncée par François Hollande
six mois à l'avance, l'intervention
française au Mali a été présentée comme
une décision prise en urgence en réponse
à des développements dramatiques. Cette
mise en scène ne vise pas seulement à
s'emparer de l'or et de l'uranium
maliens, elle ouvre surtout la voie à
une déstabilisation de l'Algérie.
"L'appétit vient en mangeant", dit le
proverbe. Après avoir recolonisé la Côte
d'Ivoire et la Libye, puis tenté de
s'emparer de la Syrie, la France lorgne,
à nouveau, sur le Mali, pour prendre
l'Algérie à revers. Durant l'attaque de
la Libye, les Français et les
Britanniques ont fait un large usage des
islamistes pour combattre le pouvoir de
Tripoli, les séparatistes de Cyrénaïque
n'étant pas intéressés à renverser
Mouammar al-Gueddafi, une fois Benghazi,
indépendante. À la chute de la
Jamahiriya, j'ai personnellement été
témoin de la réception des dirigeants d'Aqmi
par des membres du Conseil national de
transition à l'hôtel Corinthia, qui
venait d'être sécurisé par un groupe
britannique spécialisé venu exprès
d'Irak. Paris a imaginé un scénario dans
lequel la guerre pénètre en Algérie par
le Mali. Peu avant la prise de Tripoli
par l'Otan, les Français parvinrent à
soudoyer et à retourner des groupes
touaregs." »(5)
« "Pour conduire son intervention
militaire, la France demande l'aide de
nombreux États, dont l'Algérie. Alger
est piégé. (...) La technique
d'ingérence française est une reprise de
celle de l'administration Bush: utiliser
des groupes islamistes pour créer des
conflits, puis intervenir et s'installer
sur place sous prétexte de résoudre les
conflits. C'est pourquoi la rhétorique
de François Hollande reprend celle de
"la guerre au terrorisme", pourtant
abandonnée à Washington. On retrouve
dans ce jeu les protagonistes habituels:
le Qatar et l'émir d'Ansar Eddine est
proche de l'Arabie Saoudite." (5)
On le voit, la situation n'est pas
rassurante. Il est nécessaire d'informer
les Algériens et les Algériennes des
enjeux du futur et se remettre en
question avant de subir. La situation en
Algérie sous des dehors de quiétude
trompeurs est sérieuse. Tous les
problèmes s'accumulent en même temps. A
titre d'exemple, on nous dit que le Sud
algérien est au coeur des préoccupation
du fait de faits dangereux qui se
seraient produits et dont des solutions
superficielles n'ont pas réglé les
problèmes de fond. On apprend qu'une
rencontre régionale de concertation
tenue à Ghardaïa a permis de mettre en
avant les enjeux que représente cette
partie souvent délaissée de l'Algérie.
Il s'agit de la première rencontre
régionale réunissant des représentants
du gouvernement et des acteurs locaux.
Le but est de débattre et de proposer
des moyens pour favoriser le
développement du Sud. (...)Pour
envisager un meilleur avenir pour la
région du Sud, plusieurs représentants
du secteur. "Il faut changer les
comportements des agents de
l'administration afin qu'ils répondent,
dans la transparence, aux doléances de
la population" a souligné le secrétaire
général du ministère de l'Intérieur et
des Collectivités locales, Abdelkader
Ouali, présent lors de la
concertation."(6)
C'est bien, cela permet de ramener le
calme d'une façon conjoncturelle, mais
les problèmes de fond subsistent. Il en
est de même de "notre Grand Sud" qui
fait justement l'objet de convoitises.
Répartis sur quatre pays, (L'Algérie, la
Libye, le Niger et le Mali) les Touareg
ont, de tout temps, été des variables
d'ajustement. Manipulés par El Gueddafi,
ils ont servi longtemps d'épouvantail
brandi par El Gueddafi contre l'Algérie.
L'Algérie a toujours aidé à la
réconciliation des Touareg maliens avec
le pouvoir central. Ce dernier
retrouvant une force du fait de la
présence française n'a pas opté pour
l'apaisement au vue des exactions faites
et permises de la part des Maliens
contre les Arabes, aussi.
Rien n'interdit dans le cadre d'un
nouveau redécoupage des frontières
héritées de la colonisation, que les
grandes puissances redessinent le Sahel
en donnant un territoire aux Touareg.
C'est à peu de chose près le scénario
américain concernant les Kurdes
dispersés sur plusieurs Etats (Turquie,
Syrie, Irak, Iran). Depuis les années
1960, les Touareg n'ont cessé de
remettre en question la souveraineté du
Mali et du Niger sur leurs terres. Les
groupes armés par la France: Le
Mouvement national pour la libération de
l'Azawad (Mnla) prend le pouvoir dans
presque tout le Nord-Mali. On ne sait
comment les prochaines négociations avec
Bamako auront lieu.
Conclusion
Comment faire en sorte que les
composantes de la société algérienne se
sentent algériennes de coeur? Cela pose
encore une fois et plus, que jamais la
refondation du vivre-ensemble d'Est en
Ouest et du Nord au Sud. Le Service
national dans sa version première était
un véritable creuset de l'identité. Il
pourra s'avérer nécessaire de le
remettre en vigueur. Cela ne sera pas et
ne doit pas être la seule mesure, toute
l'imagination de nos dirigeants est
d'éviter la partition du pays qui sera
de plus en plus encouragée au vue de
notre défaillance à penser global et
dans le temps. Il s'agira d'évaluer le
jacobinisme actuel - fruit d'un héritage
colonial - qui a fait son temps au vu
des défis actuels et redéfinir la nation
avec de larges prérogatives aux régions
qui seraient fédérées. Les rodomontades
de "l'Algérie invincible" ânonnées par
les satrapes qui ont pris en otage les
espérances du peuple ont fait long feu.
Ce n'est pas avec des "boundoukia" que
l'on peut se battre en face d'une guerre
électronique de bombes à guidage laser,
de drones Prédator. L'Algérie doit
impérativement changer pour ne pas
disparaître. Seul un élan patriotique de
la taille de l'appel du 1er Novembre
avec les outils du XXIe siècle nous
permettra peut-être de conjurer les
périls. Place à la compétence, au
savoir, à l'intelligence. En un mot,
place aux nouvelles légitimités. Nous
avons une fenêtre d'opportunité où des
choix importants devront être faits pour
mobiliser- le mot n'est pas assez fort-
le pays. Il est plus que jamais temps.
1.
http://www.liberte-algerie.com/actua...-amenas-192758
2. http://www.elwatan.com//depeches/algerie-cameron-a-alger-pour-conclure-un-partenariat-de-securite-apres-in-amenas-31-01-2013-201623_167.php
3. Gilles Munier
http://www.france-irak-actualite.com/article-proche-orient-les-scenarios-du-futur-du-national-intelligence-council-nic-114924328.html
4. Michel Collon
http://www.michelcollon.
info/L-Algerie-est-clairement-la.html
5. Thierry Meyssan Al Wattan. Mali: une
guerre peut en cacher une autre 22
Janvier 2013
6.
http://forumdesdemocrates.over-blog.com/
article-sud-de-l-algerie-le-developpement-ou-le-peril-114842073.htmlI
Pr. C.E. Chitour
Publié le 2 février 2013 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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