Opinion
Le peuple syrien
dans l'épreuve :
La nuisance des roitelets du Golfe
Chems
Eddine Chitour
Lundi 1er avril 2013
Le malheur des
Arabes est dû à une interminable chute
de Grenade»
Nezzar
Quebanni (immense poète syrien)
Il y a une semaine, dans la plus pure
tradition de la violation de la légalité
internationale, la République arabe de
Syrie se voyait au sein de la Ligue
arabe- dépossédée de ses attributs en
tant que membre de la Ligue arabe,dont
elle a été parmi les premiers adhérents,
au profit d'un Otni «Objet Tuant Non
Identifié» appelé selon le cas de
résistance, de coalition, darmée
syrienne libre, du Conseil national et
naturellement de terroristes par l'Etat
légaliste encore reconnu par 99% de
pays. Même les Occidentaux, exception
faite de la France- n'ont pas franchi le
pas d'une rupture diplomatique.
Le Qatar est parvenu à obtenir l'octroi
du siège de la Syrie à la Ligue arabe à
la Coalition nationale de l'opposition,
après d'ultimes tractations marquées
notamment par la valse-hésitation de son
président, Moaz Al-Khatib. La Coalition
nationale a ensuite fait savoir que son
Premier ministre par intérim, Ghassan
Hitto, la représenterait au sommet. Dans
une résolution adoptée le 6 mars au
Caire, les ministres des Affaires
étrangères arabes ont appelé
l'opposition syrienne à ´´former une
instance exécutive pour occuper le siège
de la Syrie à la Ligue arabe´´, siège
resté vacant depuis la suspension de
Damas, en novembre 2011. Mais l'Irak et
l'Algérie ont émis des réserves et le
Liban ne s'est pas associé à l'appel.
Commentant cette dérive du droit, le
professeur des Relations internationales
de l'Université de Damas, Bassam Abou
Abdallah, a indiqué à Al-Ahednews que la
Ligue arabe était une ombrelle pour la
mise en oeuvre des politiques
américaines dans la région. Il a rappelé
que ce rôle de la Ligue avait commencé
depuis l'invasion de l'Irak, arrivant à
la violation, à l'heure actuelle, du
pacte selon lequel fut fondée cette
Ligue. Selon M.Abou Abdallah, les
pétromonarchies du Golfe accaparent les
décisions de la Ligue. Il a noté dans ce
contexte que «l'appel à l'exécution de
la volonté du peuple syrien, n'a pas
pris en compte l'avis des peuples des
émirats et monarchies du Golfe».
«Inviter l'opposition syrienne à occuper
le siège vacant de la Syrie, devrait
ouvrir la même voie à d'autres
oppositions», a-t-il ironisé, appelant
au moins à engager l'opposition
bahreïnie dans les réunions de la Ligue,
cette opposition étant plus légitime que
pareille syrienne. (1)
L'Iran a jugé «hâtive et irrationnelle»
la décision du Qatar d'autoriser
l'opposition syrienne à ouvrir une
représentation diplomatique à Doha. Le
ministre syrien de l'Information, Omrane
al-Zohbi, a dénoncé hier une «escalade»
des opérations des rebelles à Damas, au
lendemain de la mort de 15 étudiants
dans des tirs d'obus sur un campus de la
capitale. «L'armée, le peuple et le
commandement de ce pays ont pris la
décision décisive de défendre le pays
jusqu'à la dernière minute», a-t-il
assuré. (...) Selon M.Zohbi, les ordres
pour mener une escalade proviennent «du
Qatar, de la Turquie et de certains
services de renseignements arabes et
occidentaux qui tentent désespérément de
faire tomber l'Etat syrien». Depuis le
début de la rébellion en Syrie, qui
s'est militarisée, Damas accuse l'Arabie
Saoudite, le Qatar et la Turquie voisine
de financer et d'armer les rebelles,
qualifiés de terroristes par Bachar al-Assad.
(2) Pour ajouter à l'horreur après la
mort de Al Bouti, un dignitaire
religieux respecté dans le monde, c'est
au tour d'un autre imam Cheikh Hassan
Seifeddine d'une mosquée d'Alep, la
grande ville du nord de la Syrie, qui a
été assassiné par des rebelles qui ont
par la suite traîné son corps à terre,
´´Les ulémas d'Alep dénoncent ce crime
ignoble commis par les ennemis de
l'humanité qui ont assassiné cheikh
Hassan Seifeddine et ont posé sa tête
sur le minaret de la mosquée
al-Hassan´´, a rapporté la télévision.
Qui est cette
instance syrienne que l'on veut
introniser
La situation est tragique pour le peuple
syrien. Les Occidentaux et leurs valets
honteux du Golfe pensaient que le domino
syrien c'était une promenade de santé à
la tunisienne, la libyenne ou
l'égyptienne. Cruelle erreur! Le régime
en place qui est loin d'être démocrate,
a pu mobiliser autour de lui, autour de
la nation la majorité des Syriens. Les
Occidentaux furent désemparés, à
commencer par le tandem Sarkozy- Juppé
qui mit en avant un universitaire
franco-syrien, Burhan Ghalioun, et Besma
Kodmani une autre chercheuse française,
fille d'un ancien ambassadeur syrien en
France. Rien n'y fit, ces deux
dirigeants furent débarqués. On joua
alors la carte d'Ahmed Moaz al-Khatib,
un ancien cadre pétrolier d'Exxon: ce
sera la carte américaine. Cela ne
suffisant pas, les roitelets du Golfe se
mélêrent et proposèrent un autre
«américain» en la personne de Ghassan
Hitto, le «Premier ministre» rebelle
syrien choisi le 19 mars après des
discussions houleuses à Istanbul. En
fait, des membres importants de la
Coalition, dont son porte-parole Walid
al-Bounni, avaient décidé de geler leur
appartenance pour ne pas participer à
cette élection qu'ils jugeaient
illégitime. Ce qui a amené Ahmed Moaz
al-Khatib, à donner sa démission. Le
chef de la coalition de l'opposition
syrienne, Ahmed Moaz al-Khatib a décidé
de démissionner pour condamner les
conditions de l'élection du ´´Premier
ministre´´ de l'opposition, Ghassan
Hitto dont il estime qu'il a été poussé
en avant par Qatar.
Dans toute cette tragédie pour le peuple
syrien, on apprend graduellement que la
révolution syrienne est en fait un bric
à brac de tous ceux qui veulent en
découdre, au nom de la religion, au nom
du pouvoir personnel, mais surtout dans
la pire tradition du mercenariat au nom
d'intérêts stratégiques régionaux. Les
véritables responsables de ces tueries
sont les pays du Golfe avec deux
tendances: celle du ventripotent émir du
Qatar et celle de l'Arabie Saoudite. A
laquelle il faut ajouter la Jordanie, la
Turquie et les pays occidentaux.
Pendant plus d'un an et demi, les
Occidentaux armaient et formaient sans
retenue et dépensaient sans compter.
Cependant, sur le terrain on s'aperçoit
que les idéaux de liberté, de démocratie
ont fait place à l'horreur alimentée à
partir d'armements venant de Turquie et
de Jordanie. Les Occidentaux
s'apercevant que les combattants de la
liberté étaient en fait des terroristes
comme ceux qu'ils combattaient
ailleurs...au Mali. A tout prendre,
l'état laïc de Bachar El Assad, qui a
permis à des communautés religieuses et
ethniques de vivre en paix, était pour
eux préférable à ces barbus.
«Le coup de frein, écrit Sarah Difallah,
est aussi inattendu que l'accélération
dont a fait l'objet ce projet porté par
Paris et Londres. Que s'est-il passé?
Lors de son intervention télévisée,
François Hollande a annoncé que la
France ne livrerait pas d'armes aux
rebelles syriens sans la garantie
qu'elles ne tomberaient pas aux mains de
djihadistes: ´´Il ne peut y avoir de
livraison d'armes à la fin de l'embargo,
c'est en mai, s'il n'y a pas la
certitude que ces armes seront utilisées
par des opposants légitimes et coupés de
toute emprise terroriste.Pour l'instant,
nous n'avons pas cette certitude´´.»(3)
«Le coup de frein poursuit-elle, est
aussi inattendu que l'accélération dont
a fait l'objet ce projet porté de
manière tonitruante, voire arrogante
pour certains, par Paris et Londres.
Hier soir, volte-face. Le chef de l'Etat
a garanti au contraire: ´´Aujourd'hui,
il y a un embargo, nous le respectons´´.
Alors que la France a voulu être
l'artisan d'une résolution du conflit
syrien, que s'est-il passé? François
Hollande a d'abord justifié ce
retournement par les divisions continues
au sein de la Coalition nationale
syrienne. Officieusement, de nombreuses
voix dénoncent la mainmise de l'Arabie
Saoudite et du Qatar sur l'opposition,
qui mènent une lutte interne pour en
prendre le contrôle. Présenté comme un
modéré, Ahmed Moaz al-Khatib était
considéré comme un rempart contre
l'influence des Frères musulmans et les
groupes djihadistes qui se sont immiscés
parmi les combattants rebelles. Par
ailleurs, l'Armée syrienne libre a
refusé la nomination du nouveau
´´Premier ministre´´, Ghassan Hitto,
chargé de diriger les zones de la Syrie
libérées. Le refus des pays de l'Union
européenne a peut-être aussi convaincu
de la mission hasardeuse du projet
franco-britannique. Le week-end dernier,
lors d'une réunion à Dublin, les 27
n'ont pas suivi. Selon les services
secrets français, 200 à 250 djihadistes
venus d'Irak, du Liban, d'Arabie
Saoudite, d'Egypte et Maghreb combattent
en Syrie. Des djihadistes venus en
nombre, non pas pour instaurer un Etat
démocratique, mais pour bouter hors du
pays le clan alaouite de Bachar al-Assad
considéré comme des hérétiques. Parmi
les groupes figure le front Al-Nosra,
classé sur la liste des ´´organisations
terroristes´´ par les Etats-Unis et
soupçonné d'avoir des liens avec
Al-Qaîda.» (3)
Pourtant, la France aurait déjà commencé
à livrer des armes. François Hollande
avait décidé à la mi-décembre de livrer
directement des armes à des groupes
sélectionnés par le renseignement. en
coordination aves les Britanniques et
les Américains. Les cours portent
notamment sur la communication cryptée.
Par ailleurs, l'envoi d'armes
non-létales (gilets pare-balles, système
de visée nocturne...) est depuis
longtemps à l'ordre du jour. (4)
Quelle est
la configuration actuelle et d'où
viennent les armes?
´´Si on veut éviter que la Syrie éclate
et que ce soit finalement les
extrémistes qui l'emportent, il faut une
solution politique. Pour cela il faut
qu'il y ait un rééquilibrage sur le
terrain des forces militaires´´, a
déclaré Laurent Fabius, sur Europe 1. Le
New York Times a rapporté que des pays
arabes et la Turquie avaient fortement
accru leurs livraisons d'armes aux
rebelles avec l'aide de la CIA
américaine. Un pont aérien mis en place
à petite échelle début 2012 a pris de
l'ampleur ces derniers mois,
ajoute-t-il. Des avions jordaniens,
saoudiens ou qataris chargés de matériel
ont atterri en Turquie et en Jordanie.
On sait que les divisions de
l'opposition syrienne, sont le fruit des
rivalités entre Doha et Riyadh. Les
dissensions, lit-on dans le Nouvel Obs.,
au sein de l'opposition syrienne ont
révélé au grand jour l'ampleur d'une
lutte d'influence régionale menée, à
coups d'argent, de propagande médiatique
et d'armes, entre l'axe Qatar-Turquie et
celui de l'Arabie Saoudite. «Notre
peuple refuse qu'on lui impose une
quelconque tutelle. Les différends
régionaux et internationaux ont
compliqué la situation», a lancé le
président démissionnaire Ahmed Moaz al-Khatib.
Simultanément, quelque 70 personnalités
de l'opposition ont dénoncé dans un
message adressé au sommet arabe une
politique d'«exclusion» suivie par un
courant de la Coalition, en référence
aux Frères musulmans, et une «hégémonie
arabe et régionale scandaleuse» sur
l'opposition, allusion au Qatar. (5)
On le voit, nous sommes loin des idéaux
de libération de la Syrie: «Il y a,
lit-on sur le Nouvel Obs, une lutte
d'influence entre deux axes principaux
qui ne représentent pas toute
l'opposition, mais qui sont essentiels
pour l'aide matérielle et militaire:
l'axe Qatar-Turquie qui soutient le
mouvement des Frères musulmans et l'axe
saoudien, en harmonie avec les
États-Unis», a expliqué Ziad Majed,
professeur de sciences politiques à
l'Université américaine de Paris. «Cela
a un impact sur la composition interne
de l'opposition politique et
l'affiliation des différents groupes
militaires», a-t-il ajouté. Lors de la
réunion de la Coalition la semaine
dernière à Istanbul, les participants
ont marqué leurs divisions entre
partisans et adversaires d'un
«gouvernement intérimaire» pour gérer
les «zones libérées». Certains opposants
ont dénoncé Ghassan Hitto, élu chef de
ce gouvernement, comme «le candidat du
Qatar», et d'autres ont suspendu leur
appartenance au groupe. Pour M.Majed,
«l'axe saoudo-américain préférait
reporter la formation du gouvernement
intérimaire, et l'axe Qatar-Turquie
voulait le former rapidement et aurait
ainsi poussé pour choisir Hitto».
La rivalité entre les riches monarchies
pétrolières du Golfe et la Turquie
voisine, en quête d'un rôle de puissance
régionale, se traduit également sur le
plan militaire. Après la réunion
d'Istanbul, Riyadh a laissé entendre
qu'il était «mécontent du choix de Hitto,
conduisant l'Armée syrienne libre (ASL)
à rejeter ce choix». Des combattants
rebelles à Daraya dans la province de
Damas racontent que, faute d'armes et de
munitions, ils étaient sur le point de
perdre la ville. Mais, précise l'un
d'eux, «lorsque M.Khatib a fait son
offre de dialogue avec le régime, les
armes ont afflué rapidement». «Cela veut
dire que les armes étaient stockées à la
frontière. Mais n'étant pas favorables à
l'offre de Khatib, la Turquie et le
Qatar ont libéré ces armes pour
favoriser une escalade sur le terrain et
mettre en doute le bien-fondé de cette
offre», explique un autre combattant.»
(5)
Le Koweit
aussi
Enfin, à tous ces donneurs d'ordre, il
faut ajouter le Koweit. On lit: «Les
armes envoyées par le Qatar arrivent à
des groupes proches des Frères musulmans
via la Turquie. En revanche,
ajoute-t-il, les Saoudiens préfèrent
financer et armer les conseils
militaires dirigés par des dissidents de
l'armée «de crainte d'un rôle croissant
des islamistes radicaux», une approche
appuyée par les États-Unis. Les
livraisons saoudiennes arrivent par la
frontière jordanienne. Quant aux
combattants salafistes, dont ceux du
Front al-Nosra, ils sont financés par
des ONG basées notamment au Koweït, aux
Émirats arabes unis, selon le
spécialiste arabe de la Syrie, qui ne
veut pas être cité. La rivalité
régionale se joue aussi notamment dans
les télévisions al-Jazeera et al-Arabiya,
en compétition pour offrir une tribune
aux divers groupes de l'opposition.» (5)
Dans ces conditions, on peut se demander
s'il y a une cohérence dans la politique
arabe vis-à-vis de la «défense» des
Arabes au vu du fait qu'elle n'arrête
pas de se déjuger en fonction des
instructions reçues qui sont aux
antipodes de l'émancipation arabe. Tout
se passe comme si les Arabes se tiraient
une balle dans le pied au profit de qui?
La réponse nous est donnée par l'aveu de
l'ancien dirigeant des services secrets
israéliens (le Mossad), Shabtaï Shavit
(1989-1996), qui vient de déclarer que
le Qatar a joué un rôle historique en
faveur d'´´Israël´´ ´´plus important que
celui de la Grande-Bretagne´´,c'est ce
qu'a rapporté le quotidien israélien
Yediot Aharonot. Selon l'ancien chef du
Mossad, le Cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani,
Emir du Qatar, s'était toujours rangé
aux côtés des Etats-Unis et d' «Israël»
dans les dossiers régionaux. Pour Shavit,
la politique étrangère du Qatar est
comme le levier arabe des politiques de
Tel-Aviv et de Washington» (6)
Tout est dit. C'est à se demander à quoi
sert la Ligue arabe dans ce conclave de
défaitistes qui n'a aucune influence
sous la coupe égyptienne (siège et
secrétaire général à vie). Quant au
peuple syrien, nous compatissons avec sa
détresse et nous souhaitons qu'il s'en
sorte
1. http://french.moqawama.org/essaydetails.
php?eid=8903&cid=284
2.
http://www.lexpressiondz.com/internationale/171441-damas-denonce-une-escalade-des-rebelles.html
Samedi 30 Mars 2013
3. http://tempsreel.nouvelobs.com/la-revolte-syrienne/20130329.OBS6176/syrie-le-pas-en-arriere-de-hollande-sur-les-livraisons-d-armes.html
4. http://tempsreel.nouvelobs.com/la-revolte-syrienne/20130321.OBS2603/les-francais-entament-l-entrainement-des-rebelles-syriens.html
5.
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130327.AFP7992/syrie-les-divisions-de-l-opposition-fruits-des-rivalites-entre-doha-et-ryad.html
6.
http://sos-crise.over-blog.com/article-l-etat-terroriste-du-qatar-salue-par-l-ancien-chef-du-mossad-pour-les-services-rendus-116672926.html
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Nationale Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 1er avril 2013 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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