Opinion
Obama: pourquoi
pas la Palestine
Charles
Enderlin

© Charles
Enderlin
Lundi 25 mars 2013
Il fallait bien quelques jours pour
évaluer l’impact de la visite d’Obama
dans la région. D’abord, un sondage
diffusé le lendemain de son départ, par
la seconde chaine israélienne. 54%
croient que le président des États Unis
est sincère lorsqu’il déclare qu’il ne
laissera pas l’Iran se doter de l’arme
nucléaire. C’est exactement le contraire
d’une étude d’opinion publiée une
semaine avant son arrivée. 54 % des
israéliens interrogés ne lui faisaient
pas confiance. Ses discours, ses gestes,
petits et grands ont donc eu de l’effet
sur le public israélien, avec un message
fondamental : « Israël a le soutien
inébranlable du plus puissant pays de la
planète ». Identité de vues sur la
crise syrienne et les risques que
représente son arsenal chimique. Entente
quasi complète au moins sur le nucléaire
iranien. Reste le dossier palestinien.
Avec, à Washington, un congrès où
démocrates et républicains sont
unanimement opposés à toute forme de
pression sur Israël, et une opinion
publique américaine massivement
pro-israélienne, Obama a une marge de
manœuvre extrêmement limitée et les
quatre années écoulées l’ont visiblement
convaincu que le déblocage ne peut venir
que des israéliens eux même. C’était le
but de son discours devant les étudiants
à Jérusalem : « Je peux vous assurer
de ce fait : les leaders politiques ne
prendront pas de risques que si le
peuple ne le leur demande pas. Vous
devez créer le changement que vous
voulez voir se réaliser » a-t-il
dit.
Bien sur, John Kerry va tenter de
relancer un processus de négociations
avec les palestiniens. Son but est
d’abord de trouver le moyen de surmonter
les conditions israéliennes acceptées
par son patron, le chef de l’exécutif.
Pas de gel de la colonisation et
reconnaissance d’Israël comme état juif.
Le secrétaire d’état tente donc
d’obtenir des israéliens des gestes
envers Mahmoud Abbas qui le
persuaderaient de reprendre les
pourparlers directs. Libération de
détenus palestiniens, évacuation de
certains secteurs de Cisjordanie. Il
faudrait que la direction de l’OLP
puisse présenter de réels acquis à son
public. Pour l’heure on est encore loin
du sommet que Kerry voudrait organiser à
Amman.
De là, à qualifier Obama de «
fossoyeur du plus tangible espoir de
paix au Proche-Orient » comme l’a
écrit le Monde dans son éditorial du 23
mars, c’est aller bien loin. D’abord
parce que le processus de paix
israélo-palestinien est, depuis au moins
une dizaine d’années, sinon mort, du
moins moribond. N’importe quel visiteur
se rendant en Cisjordanie ne peut que
constater l’importance de la
colonisation. Danny Dayan, l’ancien
directeur général du Conseil des
implantations est certainement très près
de la vérité lorsqu’il se répand en
proclamant qu’avec 350 000 israéliens
habitant les colonies - sans parler des
200 000 habitants des nouveaux quartiers
juifs de Jérusalem Est - la création
d’un état palestinien indépendant est
quasi impossible. Parmi les fossoyeurs
de la paix il faut donc compter, outre
les fidèles et militants du sionisme
religieux, tous les gouvernements
israéliens, de droite et aussi certains
de gauche, qui ont développé la
colonisation depuis le début des années
70. Cela, sous le regard bienveillant de
la communauté internationale qui,
toujours, s’est contenté de
condamnations prononcées du bout des
lèvres… Sur cette liste, le Hamas a une
place de choix. Le combat de
l’organisation islamiste contre toute
solution à deux états - les attentats
suicides à chaque tournant critique des
négociations - est un des principaux
facteurs de l’échec du processus d’Oslo.
Dans ces conditions, on comprend
mieux la décision pragmatique d’Obama.
La composition du nouveau gouvernement
israélien ne présage pas d’un arrêt dans
la politique de colonisation. Donc,
autant se réconcilier avec Netanyahu
tout en renforçant les liens
stratégiques avec Israël. Pour le
président des États Unis, il y a des
crises plus urgentes que l’affaire
palestinienne que, pour l’heure, il
suffit de gérer.. . Bien entendu, si les
jeunes israéliens suivent son conseil et
poussent leurs dirigeants politiques à
avancer sur la voie d’une paix …

Paru au Seuil, il
sortira en librairie début avril
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