Opinion
Le conflit oublié
Charles Enderlin

Charles
Enderlin
Mardi 16 octobre
2012
Très présent, il y
a seulement quelques années, le conflit
israélo-palestinien a quasiment disparu
des médias français, même si, à
l’occasion, les chaines tout-info
l’évoquent et que la presse écrite y
fait allusion de temps à autre. A
Jérusalem et à Tel Aviv, les bureaux des
chaines internationales ont
littéralement fondu. ABC, CBS, ont
fermé. ABC n’est plus représenté que par
un seul journaliste. Les rédactions
expliquent ce phénomène par l’absence de
news importants. Au Proche Orient,dit-on,
l’actualité est ailleurs avec le
printemps arabe, les conflits en Syrie
et en Libye etc. L’occupation de la
Cisjordanie, le développement des
colonies n’est pas une nouveauté et
n’intéresse plus. A cela viennent
s’ajouter les campagnes des
organisations pro-israéliennes à l’affut
de chaque reportage considéré comme
pro-palestinien. Par exemple, le
magazine « Un œil sur la planète.
Palestine », diffusé en octobre 2011, a
suscité une véritable tempête, avec des
interventions du CRIF et de l’Ambassade
d’Israël. Même si les auteurs de
l’émission ont eu le soutien du CSA et
des sociétés de journalistes, les
rédactions savent à quoi s’attendre si
elles remettent le couvert. recevant, à
coup sur, critiques injustifiées,
accusations d’antisémitisme voir
menaces. Pourquoi, en l’absence
d’actualité incontournable, prendre des
risques et diffuser un sujet qui, aussi
exact soit-il, va immanquablement, créer
la polémique ?
Donc, au moins sur ce blog, voici où en
est ce conflit qui, à tout moment risque
d’embraser à nouveau le Proche-Orient:
Eh oui ! L’Autorité palestinienne est au
bord de l’effondrement. De mois en mois,
elle fait face à des difficultés
croissantes pour payer ses 180 000
employés. A nouveau, d’ici la fin
octobre, elle ne versera que la moitié
des salaires de septembre. Explications
: si une bonne gestion économique a
permis de réduire la dépendance de
l’Autorité envers l’aide internationale
qui est passée de 1,8 à 1,1 milliards de
dollars en 2010, le déficit s’accumule
en raison du peu d’entrain des donateurs
internationaux à financer l’autonomie
palestinienne en l’absence d’un
processus de paix. L’aide américaine est
passée en trois ans de 150 millions de $
(sur les 250 millions promis !) à zéro
en 2012. Les États arabes qui, au moment
de l’accord de Paris en décembre 2007
s’étaient engagés pour au moins 400
millions ont donné à 200 millions.
Évidemment, les dirigeants de ces pays
font face à l’agitation du printemps
arabe.
La Banque mondiale et le FMI pointent du
doigt les difficultés du gouvernement du
Premier ministre Salam Fayyad à
développer la zone C en Cisjordanie qui
entièrement sous contrôle israélien et
représente 60 % de ce territoire, pour
ne pas parler de Jérusalem-Est coupé du
reste du territoire palestinien. Et les
investissements privés ? Ils sont
minimes car peu d’entrepreneurs ou de
sociétés étrangères prennent le risque
de venir s’installer chez les
Palestiniens, sachant qu’ils n’ont pas
la garantie que leurs produits pourront
passer régulièrement les barrages
militaires israéliens. Dans ces
conditions la dette de l’Autorité
atteint plus d’un milliard trois cent
millions de dollars. Pas question
d’emprunter aux banques installées à
Ramallah, elles ont déjà prêté
l’équivalent de leurs fonds propres.
Selon des économistes européens, dans
ces conditions, la faillite financière
devrait arriver vers mars-avril 2013.
Le scénario est prévisible : n’étant pas
payés les policiers, les membres des
forces de sécurité palestiniennes
démissionnent pour chercher du travail
ailleurs. Or, en coordination avec
l’armée et le Shin Beth israéliens, ce
sont eux qui assurent la lutte contre la
violence et maintiennent le calme en
Cisjordanie. Ce serait la fin de
l’administration de Mahmoud Abbas et de
son Premier ministre, Salam Fayyad,
Israël n’aurait plus le choix et devrait
réoccuper la Cisjordanie. Pour les
Israéliens, un tel développement serait
catastrophique. Il faudrait remettre en
place l’administration militaire
dissoute en 1994, assurer la collecte
des impôts, payer les salaires des
fonctionnaires, des enseignants, des
médecins palestiniens. Mais surtout, ce
serait un message à l’ensemble des pays
arabes : « la paix israélo-palestinienne
est impossible ». Les traités de paix
avec l’Egypte et la Jordanie
résisteront-ils à un tel développement ?
Ce n’est pas certain.
Dans ces conditions, dans les cercles
dirigeants à Ramallah l’atmosphère est
sombre. Certains responsables comme Saeb
Erekat parlent ni plus ni moins que de
dissoudre l’Autorité autonome. Pour
l’heure, Mahmoud Abbas envisage une
dernière tentative avant de quitter la
scène politique : déposer, en novembre,
après l’élection présidentielle aux USA,
auprès de l’Assemblée générale des
Nations Unies une demande de
reconnaissance de la Palestine en
qualité d’état non membre de l’ONU. En
principe la motion devrait être
approuvée à la majorité.
Automatiquement, comme le veut la loi
américaine, Washington suspendra sa
contribution au budget des Nations
Unies. Ce serait la crise. Abbas
proposerait alors des négociations
directes avec Israël sans conditions
préalables, sans réclamer un arrêt de la
colonisation. Le pari est risqué car le
gouvernement israélien menace déjà de
prendre des mesures de rétorsion contre
l’Autorité palestinienne si elle se
lance dans une telle initiative. Le tout
est de savoir si les 180 000 employés
palestiniens impayés et en colère
attendront d’ici là ? Et puis, sur le
fond, un accord est-il possible alors
que plus de 300 000 colons sont
installés en Cisjordanie et n’ont pas
l’intention de partir ?
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