Opinion
Honni soit qui
Mali pense
Brahim
Senouci
Jeudi 17 janvier
2013 L'intervention
française au Mali devrait appeler
d'autres réactions que celles, trop
convenues, qui consistent à crier à
l'impérialisme et au néo colonialisme.
Bien sûr, ces deux termes restent
pertinents. Il faudrait être bien naïf
pour croire que la France n'a rien
d'autre en vue que la détresse des
Maliens dont le territoire a été amputé
des deux-tiers. Du reste, si la France
avait encore un zeste de compassion
envers ses anciennes colonies, elle le
manifesterait d'abord envers ses
travailleurs clandestins (mais qui
paient leurs impôts) issus de ces mêmes
colonies et qui ont fui la misère
généreusement léguée par leurs anciens
maîtres. Si l'humanisme était réellement
sa boussole, elle les intégrerait dans
sa société plutôt que de les courser
dans les couloirs du métro ou de les
astreindre à des grèves de la faim à
l'issue peut-être fatale. Mais le
principal est ailleurs. Il réside dans
le fait que quelques milliers de
personnes, certes déterminées et bien
armées, aient pu prendre le contrôle
d'un territoire plus grand que la
France, presque sans coup férir. Il
réside dans le fait que l'Etat, en
principe souverain, doté de dirigeants
élus, disposant d'une armée, d'un
drapeau, d'une monnaie, ait été
incapable de s'opposer à cette opération
et soit dans l'impossibilité de
recouvrer son intégrité.
Tout le malheur africain est là. Parmi
les cinquante Etats du continent, tous
pourvus d'armées, de forces de police,
de drapeaux et d'hymnes nationaux,
combien sont bâtis sur du sable ?
Combien ont de véritables institutions ?
Combien pratiquent la démocratie ?
Combien ont perdu les réflexes tribaux
ou claniques au profit d'une soumission
à des règles citoyennes ?
Fort peu en vérité…
L'écrasante majorité de l'Afrique est
gouvernée par des dictateurs corrompus.
L'armée, véritable Etat dans l'Etat,
n'existe que pour son propre service.
Elle fait et défait les dirigeants.
Dernier exemple grotesque, au Mali
précisément, la mise à pied d'un Premier
Ministre et la nomination de son
successeur par un capitaine, initiatives
avalisées par le Président de cette «
République». Et les puissances
occidentales là-dedans ? Elles jouent
sur du velours. Maîtresses réelles du
jeu, s'appuyant sur des réseaux locaux
stipendiés, elles contrôlent
parfaitement la situation politique de
la région en s'assurant de la fidélité
sans faille de leurs obligés.
Il y a quelque chose de choquant et de
honteux à voir un pays ayant subi le
colonialisme en appeler à la nation qui
le lui a imposé pour sa protection. Quel
constat d'échec ! Quelle humiliation !
Tout ça pour ça ? Si on voulait
alimenter la glose des nostalgiques de
l'Empire colonial, on ne s'y prendrait
pas autrement…
L'Algérie n'est pas indemne de ce
reproche. Certes, la situation est plus
sophistiquée, les processus de prise du
pouvoir moins frustes. Il n'empêche que
les mêmes ressorts sont à l'œuvre. Les
leaders en place n'ont en vue que la
pérennité de leur pouvoir. Faute de
légitimité interne, ils cultivent les
réseaux des amitiés occidentales en se
présentant comme des remparts contre les
invasions barbares. Tel le « limes »
romain, notre pays, ainsi que ses
voisins, joue le rôle de ceinture de
protection de l'Occident. C'est de cette
logique suicidaire qu'il faudrait
sortir. Si l'Algérie avait eu une
politique vraiment nationale, elle
aurait dû intervenir au Mali au début du
processus de désintégration. Elle aurait
pu le faire politiquement en
encourageant un processus de dialogue
entre les autorités maliennes et les
Touaregs de l'Azawad sur leurs
revendications d'autonomie, et même avec
les islamistes locaux d'Ansar Eddine.
Cela aurait coupé l'herbe sous les pieds
des aventuriers opportunistes venus
d'ailleurs….
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