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Le visage meurtrier
de la « poussée » d'Obama en Afghanistan
Bill Van Auken
Dimanche 27 décembre 2009 « La poussée a sérieusement
commencé » a annoncé jeudi 17 décembre un porte-parole du
Pentagone. Bien que seules quelques unités avancées d’un
bataillon de Marines soient arrivées en Afghanistan, l’escalade
de la mort et de la destruction qui accompagnera le déploiement
supplémentaire de 30.000 soldats a déjà commencé.
Une suite d’événements qui se sont produits ces derniers
jours donne déjà une idée du caractère prolongé de la soi-disant
poussée que le président américain Barack
Obama a ordonné au début du mois de décembre.
Obama a dit le 1er décembre, dans son discours à
l’académie militaire de West Point, qu’il appliquait
« une stratégie fonctionnant des deux
côtés de la frontière » entre le Pakistan de l’Afghanistan. Ce
qui est déjà clair, c’est que cette stratégie comporte une
intensification de la tuerie dans les deux pays et qu’elle a le
potentiel de déclencher une crise bien plus importante dans
cette région du monde.
Les 17 et 18 décembre, des avions américains sans pilote
effectuèrent des attaques parmi les plus violentes de toute une
suite d’attaques au missile, qui par ailleurs se multiplient,
contre des cibles pakistanaises le long de la frontière Afghane.
Le 17 décembre, ce qui a été décrit comme une « flottille de
drones » a pilonné un village du Nord-Waziristan, tuant
dix-sept personnes. Selon des
informations parues dans les médias, dix missiles Hellfire
furent largués sur une zone d’habitation prétendument occupée
par des « militants ». Deux autres missiles furent lancés sur
une voiture, tuant trois personnes. Le 18 décembre, trois autres
personnes qualifiées elles aussi de « militants » furent tuées
dans une attaque séparée.
Le choix des cibles – les missiles sont lancés à distance par
des employés de la CIA devant des écrans vidéo
à Langley, Virginia – était de toute évidence politique.
L’administration Obama et le Pentagone ont fait pression sur le
gouvernement pakistanais et lui ont demandé de lancer une
offensive au Nord-Waziristan, mais Islamabad a, jusqu’à présent,
refusé.
Les forces de sécurité pakistanaises ont conclu une trêve
avec les talibans de la région et craignent que toute action
contre eux « n’anime », selon les mots d’un responsable des
services de renseignements américains parlant au Long War
Journal, « les éléments nationalistes de l’armée
[pakistanaise] et de l’ISI [Inter-Services Intelligence —
services secrets] à se ranger du côté des pro-islamistes et à
déclencher une guerre civile au sein de l’armée ».
Ce barrage de missiles sans équivalent est un message pas
trop subtil au gouvernement pakistanais pour lui dire que s’il
ne fait pas ce que Washington veut, la CIA et l’armée
américaine s’en chargeront eux-mêmes.
Il y a maintenant, selon le Los Angeles Times, un
vif débat au sein de l’administration américaine sur une
proposition d’étendre les frappes de missiles lancés à partir de
drones à la plus grande des provinces pakistanaises, le
Baloutchistan, et même à la ville peuplée de Quetta, sa
capitale, où certains dirigeants talibans sont censés avoir
cherché refuge.
La politique de plus en plus agressive et aventurière des
Etats-Unis vis-à-vis du Pakistan fait que la « poussée » d’Obama
risque de déstabiliser profondément cette nation disposant de
l’arme nucléaire et crée les conditions d’une guerre encore plus
étendue et plus catastrophique.
Du côté afghan, les victimes civiles continuent de se
multiplier alors qu’on met progressivement en place les éléments
de la « poussée ».
Trois civils non armés furent tués et une femme blessée
lorsqu’un hélicoptère américain piqua et ouvrit le feu sur leur
camionnette alors qu’elle roulait sur la principale autoroute
Afghane au soir du 17 décembre. Un porte-parole des forces
d’occupation américaines dit que leurs hélicoptères avaient
réagi à une information faisant état d’hommes en train de placer
des IED (engins explosifs improvisés) sur la route.
Le commandement américain a averti que la « poussée »
entraînerait une forte augmentation des victimes américaines et
afghanes. Des incidents meurtriers comme celui du 17 décembre se
multiplieront alors que l’armée américaine déchaînera ses
bombes, ses missiles et ses barrages d’artillerie au nom de sa
« force protection ».
Mais cette multiplication des attaques meurtrières sera
dirigée avec beaucoup plus de précision. Comme le rapporta le
Los Angeles Times le 17 décembre : « Le commandement
militaire américain a sans bruit modifié la mission des forces
d’opération spéciales clandestines en Afghanistan ».
L’article indique qu’on a ordonné aux unités opérant en
secret de monter une campagne d’assassinats dans le but
d’éliminer à présent des dirigeants, des membres et des
partisans des talibans – un terme vague par lequel Washington et
les médias désignent tout Afghan résistant à l’occupation
étrangère. « Le nombre de raids effectués en Afghanistan par des
unités telles que la Force Delta de l’armée de terre et les Seal
Team Six de la Marine a plus que quadruplé ces derniers mois »,
écrit ce journal.
Toujours selon le Los Angeles Times, le Pentagone a
ordonné à ces unités, utilisées sur le théâtre d’opération
afghan pour une bonne part à la poursuite
des membres d’al-Qaïda, de se concentrer
désormais sur la résistance afghane.
Selon toute apparence et sous prétexte de « protéger le
peuple Afghan » la stratégie américaine comprendra le
déploiement de troupes de combat conventionnelles dans le but de
« nettoyer et tenir » des centres peuplés, utilisant les raids
et la répression pour en expurger les éléments résistants,
auxquels ont fera ensuite la chasse dans les régions plus
rurales.
Un rapport délivré mercredi par une sous-commission du Sénat
chargée de la supervision des contrats éclaire lui aussi sur la
nature de la « poussée » d’Obama. Selon ce rapport on a trouvé
qu’entre juin et septembre de cette année le nombre de
personnels privés travaillant sous contrat pour le Pentagone en
Afghanistan a augmenté de 40 pour cent. Le nombre des personnels
de sécurité privés actifs en Afghanistan est passé de 5.000 à
10.000 pendant la même période.
Selon un rapport préparé par le Service de recherches du
Congrès l’on s’attend à ce que le nombre total de personnels
sous contrat en Afghanistan atteigne entre 130.000 et 160.000
individus, dépassant ainsi largement le nombre de militaires en
uniforme.
Et enfin, l’ambassadeur des Etats-Unis en Afghanistan, Karl
Eikenberry (un général en retraite ayant commandé les troupes
américaines d’occupation dans le passé) assura des responsables
Afghans, dans un discours au ministère des Affaires étrangères
du gouvernement fantoche, que Washington n’avait aucune
intention d’en finir avec l’occupation militaire, en dépit de
l’engagement pris par Obama d’un retrait des troupes à partir de
juillet 2011.
« Il ne s’agit pas d’une date limite, en dépit de ce que
certains ont dit aux Etats-Unis et en Afghanistan » dit
Eikenberry à son auditoire. Il insista aussi pour dire que
« notre engagement militaire ne prendra pas fin ni ne diminuera
même si nos troupes de combat [se retirent]. »
En d’autres mots, les promesses de retrait des troupes
d’Afghanistan dans un an et demi ont juste été faites pour les
oreilles du public aux Etats-Unis – un moyen de tromper le
peuple américain sur la nature réelle de l’intervention
américaine. La vérité elle, est importante pour les responsables
du régime de Karzaï dont la survie dépend
entièrement de la protection des troupes américaines et c’est
que Washington a l’intention d’occuper l’Afghanistan de façon
permanente.
On commence ainsi à discerner la physionomie de l’escalade d’Obama.
Elle comprend une extension dangereuse de la guerre au Pakistan,
une forte augmentation des victimes civiles, l’usage d’escadrons
de la mort dans le but d’assassiner ceux qui sont suspectés de
faire partie de la résistance et l’usage de mercenaires à une
échelle encore jamais vue. Il s’agit sous tous les aspects d’une
guerre sale de type colonial, destinée à réprimer la résistance
populaire et à soumettre l’Afghanistan – et finalement toute la
région riche en pétrole de l’Asie centrale – à la domination
américaine.
(Article original paru le 19 décembre 2009)
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Publié le 28 décembre 2009 avec l'aimable autorisation du WSWS
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