Opinion
La France envoie
des troupes pour sécuriser
les mines d'uranium au Niger
Bill Van
Auken
Une mine
d'uranium au Niger. Crédits photo :
ISSOUF SANOGO/AFP
Samedi 26 janvier
2013 A peine deux
semaines après l’invasion du Mali par
plus de 2.000 soldats de la Légion
étrangère, la France a envoyé des forces
spéciales au Niger voisin pour sécuriser
les mines d’uranium gérées par Areva, le
groupe nucléaire détenu par l’Etat
français.
La nouvelle
intervention militaire française en
Afrique du Nord-Ouest a été rapportée
pour la première fois par le magazine
Le Point et confirmée par des
sources militaires contactées par
d’autres sections des médias français.
Le Point a rapporté que le
ministre français de la Défense,
Jean-Yves Le Drian, avait rapidement
donné son accord en début de semaine à
une « innovation majeure » en ordonnant
au commandement des forces spéciales
d’envoyer des troupes pour protéger les
sites d’exploitation d’uranium d’Areva à
Imouraren, et à Arlit, 80 kilomètres
plus loin. Le magazine a souligné qu’il
s’agit du tout premier recours à des
commandos français pour défendre
directement les intérêts de
l’entreprise.
Le magazine a
rapporté que les responsables du
gouvernement français avaient pris cette
décision après la tentative de sauvetage
ratée de l’otage français, Denis Allex
en Somalie et le récent dénouement
sanglant de la prise d’otages et du
siège à l’installation gazière d’In
Amenas en Algérie, où plus de 80
personnes ont été tuées.
Ces deux
événements, en plus du « lancement de
l’opération ‘Serval’ au Mali ont
considérablement accru les facteurs de
risque sur les installations françaises,
y compris industrielles et minières,
dans la région, » a rapporté Le Point.
En réalité, le
déploiement de commandos français aux
mines d’uranium au Niger ne fait que
souligner les motifs économiques et
géostratégiques primordiaux qui se
cachent derrière l’intervention
militaire française au Mali. Sous le
couvert d’une supposée guerre contre les
« terroristes » islamistes et une
défense du gouvernement central du Mali,
l’impérialisme français utilise sa
puissance militaire pour resserrer son
emprise sur ses anciennes colonies
africaines riches en ressources.
Les porte-parole
officiels tant d’Areva que du ministère
français de la Défense ont refusé de
commenter le nouveau déploiement
militaire en alléguant des raisons de
sécurité.
Au Niger même, les
autorités ont nié toute connaissance de
l’envoi de commandos des forces
spéciales. « Il est vrai que les menaces
terroristes se sont accrues aujourd’hui
mais, à ma connaissance, un tel accord
n’existe pas pour le moment, » a dit un
responsable à l’agence Reuters.
Un officier de
l’armée nigérienne a dit à l’agence
qu’il existait déjà un dispositif de
sécurité sur place et qui avait été
conclu avec la France et imposé après
l’enlèvement en septembre 2010 de sept
employés d’Areva et d’un de ses
contractants dans la ville d’Arlit au
Nord du Niger.
« Nous disposons
aussi d’unités contre-terrroristes dans
la région d’Agadez, » a dit l’officier.
« Pour le moment, je ne suis pas au
courant d’une décision du gouvernement
nigérien permettant aux forces spéciales
françaises de se baser au Nord. »
Que le
gouvernement nigérien n'ait pas été
informé des projets de la France ne
serait pas hors de question. Depuis
l’indépendance du Niger en 1960, la
France qui avait gouverné le pays en
tant que colonie pendant 60 ans, le
traite comme une semi-colonie.
L’uranium extrait
des mines du Niger a été considéré par
les gouvernements français successifs
comme ayant une importance stratégique.
Le concentré d’uranium (« yellowcake »)
produit à partir du minerai d’uranium du
Niger sert à la fabrication des bombes
nucléaires françaises et à
l’alimentation de ses réacteurs
nucléaires qui comptent pour plus de 75
pour cent de l’électricité du pays.
Alors que des
profits gigantesques ont été tirés de
l’uranium du Niger, les activités
minières n’ont profité qu’à une mince
couche de la bourgeoisie asservie du
pays. Selon l’indice de développement
humain (IDH) des Nations unies, le Niger
est le troisième pays le plus pauvre de
la planète avec 70 pour cent de la
population continuant à vivre avec moins
d’un dollar par jour et une espérance de
vie de 45 ans seulement.
De plus, les
activités minières ont exacerbé les
tensions ethniques et régionales au sein
du Niger. La production d’uranium est
concentrée dans la partie Nord du pays,
territoire de la minorité nomade des
Touaregs qui se sont à plusieurs
reprises révoltés en s’élevant contre le
fait que toutes les ressources résultant
des opérations minières vont à la
capitale Niamey, dans le Sud du pays.
L’une des principales revendications du
Mouvement des Nigériens pour la Justice
(MNJ), une milice en grande partie
formée par des Touaregs armés qui a
combattu l’armée nigérienne, a été en
faveur d’un partage plus équitable des
revenus issus de l’uranium.
Du reste,
l’exploitation de l’uranium par Areva a
créé une catastrophe environnementale et
sanitaire dans les régions minières.
L’organisation environnementale
Greenpeace a constaté dans un rapport
publié en 2010 que l’eau des puits de la
région était contaminée par la
radioactivité à un niveau jusqu’à 500
fois supérieur à la normale. A Arlit, le
site de l’une des principales mines d’Areva,
les causes de décès par maladies
respiratoires sont deux fois supérieures
à la moyenne nationale.
La France a toutes
les raisons de craindre que son
intervention au Mali qui a déjà entraîné
le bombardement des populations civiles
et la torture et l’exécution de civils
par l’armée malienne soutenue par la
France dans les régions à prédominance
touareg, pourrait provoquer un conflit
armé qui déborderait sur le Niger.
Cependant, en plus
de protéger installations lucratives
contre le « terrorisme » ou la révolte
populaire, la France a d’autres raisons
de faire jouer ses muscles militaires au
Niger. Dans un effort pour augmenter sa
part des profits issus de l’uranium, le
gouvernement nigérien a accordé
dernièrement des permis d’exploitation
de l’uranium à des entreprises chinoises
et indiennes. En déployant des commandos
armés, Paris est en train d’affirmer sa
domination sur son ancienne colonie en
tant que partie intégrante de sa sphère
d’influence africaine.
Alors que la France
intensifiait son intervention en
Afrique, la secrétaire d’Etat Hillary
Clinton a profité mercredi 23 janvier
lors de son audition devant la
commission des Affaires étrangères du
Sénat pour réaffirmer la détermination
de Washington d’intensifier son
intervention dans la région.
« Nous sommes
engagés dans un combat, mais c’est un
combat nécessaire, » a dit Clinton. «
Nous ne pouvons pas laisser le Nord Mali
devenir un refuge sûr. »
Clinton a reconnu
que la rébellion au Mali ainsi que la
prise d’otages au site gazier algérien
avait été en grande partie alimentés par
le renversement par les Etats-Unis et
l’OTAN du régime de Kadhafi en Libye où
Washington et ses alliés avaient armé et
appuyé des milices islamistes en tant
que force terrestre par procuration dans
la guerre en faveur d’un changement de
régime.
« Il ne fait aucun
doute que les terroristes algériens
avaient des armes venant de Libye, »
a-t-elle dit. « Il ne fait aucun doute
que les derniers éléments maliens d’AQMI
[Al Qaïda au Maghreb islamique] ont des
armes venant de Libye. »
Elle a estimé que
bien qu’il n’y ait aucune preuve que ces
forces se trouvant en Afrique du Nord
représentent une menace directe pour les
Etats-Unis, Washington devrait de toute
manière lancer une campagne préventive
contre elles. « Vous ne pouvez pas dire
que parce qu’elles n’ont rien fait,
elles ne vont pas faire quelque chose, »
a-t-elle dit.
(Article original
paru le 25 janvier 2013)
Copyright 1998 - 2012 - World Socialist
Web Site - Tous droits réservés
Publié le 26 janvier 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
Dossier Afrique noire
Les dernières mises à jour
|