WSWS
Huit ans après
l'invasion
Bill Van Auken
Jeudi 15 octobre 2009 Washington est confronté à une débâcle
de plus en plus grave en Afghanistan
Cela fait huit aujourd'hui que la guerre des États-Unis
contre l'Afghanistan a été lancée. Le bombardement aérien de
Kaboul, Kandahar et Jalalabad avait été suivi du déploiement de
troupes d'élite de la CIA et de l'armée qui avaient servi à
marquer les cibles de l'aviation militaire américaine pour
éliminer les combattants talibans. Les milices de l'Alliance du
Nord – un rassemblement de seigneurs de guerre ayant des liens
avec le trafic de l'opium et responsable de crimes de guerre au
cours des dix années précédentes – avaient servi d'auxiliaires
pour Washington.
En l'espace de deux mois, toutes les provinces afghanes
étaient tombés aux mains de la force d'intervention américaine,
un grand nombre des résistants talibans étaient faits
prisonniers et massacrés et d'autres étaient repoussés dans les
montagnes de Tora Bora ou derrière la frontière pakistanaise.
Durant ces deux mois, un total de 12 soldats américains avaient
été tués.
Huit ans plus tard, la Maison blanche d'Obama et le Pentagone
sont engagés dans un débat animé sur la question de savoir s'il
faut envoyer 40 000 soldats supplémentaires – en plus des 68 000
Américains et 38 000 venants d'autres pays de l'OTAN qui y sont
déjà déployés – dans une tentative de sauver une intervention
qui n'a réussi qu'à intensifier la résistance à l'occupation
sous commandement américain et à la propager dans tout le pays.
Le nombre de soldats américains et de l'OTAN tués en
Afghanistan cette année se monte à 400 pour l'instant – près de
six fois plus que le nombre de morts dans la première année de
l'intervention. La guerre dure depuis deux fois plus longtemps
que la durée de l'engagement des troupes américaines dans la
deuxième guerre mondiale.
Le gouvernement de Bush avait lancé cette guerre au nom de
l'écrasement d'Al Quaida et de la capture, ou du meurtre,
d'Oussama Ben Laden. Cela avait été justifié comme une vengeance
pour les attaques du 11 septembre 2001, événement tragique dont
les véritables origines n'ont toujours pas été l'objet d'une
enquête sérieuse.
Le gouvernement Obama se sert du même prétexte fondamental,
décrivant l'Afghanistan comme une « guerre par nécessité » - par
contraste avec la « guerre par choix » en Irak, toujours occupé
également – Comme son prédécesseur, Obama insiste sur le fait
que cette guerre vise à empêcher une nouvelle attaque
terroriste, il maintient ce prétexte alors même que son
conseiller à la sécurité nationale, le général en retraite James
Jones, a admis cette semaine qu'il n'y a pas plus de 100 membres
d'Al Quaida dans tout l'Afghanistan, et qu'ils n'ont aucun moyen
d'attaquer les États-Unis.
Le World Socialist Web Site a, dès le départ, rejeté
cette justification comme étant un mensonge. Dans une
déclaration de l'équipe de rédaction affichée le 9 octobre 2001,
deux jours après le lancement de la guerre, le WSWS expliquait :
« Si les événements du 11 septembre ont servi de catalyseur à
l'assaut contre l'Afghanistan, sa véritable cause est plus
profonde. La nature, progressiste ou réactionnaire, de cette
guerre ou de toute autre, n'est pas déterminée par les
événements qui l'ont immédiatement précédée, mais par la
structure de classe, la base économique et le rôle international
de chacun des Etats impliqués. De ce point de vue décisif,
l'action menée par les États-Unis est une guerre impérialiste.
« Le gouvernement américain a lancé la guerre pour faire
valoir les vastes intérêts internationaux de l'élite dirigeante
américaine. Qu'est l'objectif central de la guerre ?
L'effondrement de l'Union soviétique il y a dix ans a créé un
vide politique en Asie centrale, région qui constitue le
deuxième plus important bassin recensé de pétrole et de gaz
naturel au monde. »
Cette déclaration poursuivait, « En attaquant l'Afghanistan,
en y établissant un régime client et en y introduisant des
forces armées en grand nombre, les Etats-unis ont pour but
d'établir un nouveau cadre politique dans lequel ils exerceront
leur contrôle hégémonique. »
Il n'y a rien à changer à cette analyse. Depuis octobre 2001,
des preuves suffisantes sont venues confirmer que la décision
d'envahir l'Afghanistan – comme celle de conquérir l'Irak –
avait été prise bien avant les attaques du 11 septembre. Ces
attaques n'ont servi que de prétexte à deux agressions
militaires, elles n'en sont pas les causes.
La débâcle à laquelle l'impérialisme américain est confronté
en Afghanistan est de son propre fait. Al Quaida et les Talibans
sont tous deux les produits de précédentes interventions des
États-Unis en Afghanistan. À partir de 1979, Washington accorda
des milliards de dollars en armes et aides diverses aux
guérillas islamistes qui cherchaient à abattre le gouvernement
du pays soutenu par l'URSS. Ils poussèrent délibérément les
Soviétiques à envahir le pays entraînant une guerre qui fit plus
d'un million de victimes, plus de cinq millions de réfugiés et
brisa toute la société afghane.
À cette époque, Ben Laden faisait partie du réseau CIA-Arabie
Saoudite - Pakistan. L'essentiel de l'aide américaine allait aux
forces du chef Moudjahidin Gulbuddin Hekmatyar, qui est
maintenant accusé des attaques du week-end dernier qui ont tué
huit soldats dans la province reculée du Nuristan.
L'occupation américaine commencée il y a huit ans s'est
révélée être une catastrophe majeure de plus pour le peuple
Afghan. Des milliers de gens ont été tués dans les bombardements
aériens et les raids de répression dans tout le pays, et le taux
de pertes civiles est en constante augmentation.
Des conditions de vie déjà inacceptables n'ont fait
qu'empirer. Les Nations unies ont récemment rangé l'Afghanistan
à la 181e place mondiale, sur 182, pour les indices
de développement humain. Seul le Niger est en dessous.
L'espérance de vie est tombée à 43 ans depuis l'invasion
américaine. Au moins 40 pour cent de la population est au
chômage et 42 pour cent vit avec moins d'un dollar par jour. Un
enfant sur cinq meurt avant son cinquième anniversaire, et une
naissance sur 50 se termine par la mort de la mère, l'un des
taux les plus élevés au monde. Les deux tiers de la population
adulte du pays ne savent pas lire et écrire.
Les conditions de vie s'aggravent continuellement même avec
les 36 milliards de dollars d'aide étrangère qui ont afflué dans
le pays à partir d'octobre 2001, l'essentiel de ces sommes se
retrouvant dans les poches de la cleptocratie dirigée par le
pantin des États-Unis, le président Hamid Karzai.
Haïs par la majeure partie de la population et ayant
ouvertement triché lors de l'élection présidentielle du 20 août,
Karzai ne reste au pouvoir que par la grâce de Washington, qui
est arrivé à la conclusion qu'ils n'ont personne pour le
remplacer.
Ce contexte de violence, de dégradation sociale et de
corruption est à l'origine du large soutien populaire envers
ceux qui s'opposent à l'occupation. Le débat qui se déroule à
Washington porte sur le meilleur moyen de supprimer cette
résistance.
D'après les articles de presse, les deux principales options
envisagées sont : soit le déploiement de 40 000 soldats
supplémentaires pour une reprise de la campagne contre les
insurgés, ce que demandent le général Stanley McChrystal et le
pentagone, soit l'usage de drones d'attaque, de bombardements
aériens et d'opérations ponctuelles des forces spéciales au
Pakistan, ce que proposent le vice-président Joseph Biden et
d'autres membres du gouvernement. Les deux solutions impliquent
une guerre plus sanglante et plus étendue.
Bien qu'il y ait incontestablement des divisions sur la
manière dont la guerre devrait être conduite, tout le monde part
du principe qu'il faut accomplir les objectifs initiaux de cette
guerre : établir le contrôle des ressources énergétiques de
l'Asie centrale pour que l'impérialisme américain prenne un
avantage décisif sur ses rivaux économiques en Asie et en
Europe.
L'avènement de la crise financière mondiale n'a fait
qu'intensifier les contradictions qui motivent le militarisme
américain, en particulier le conflit entre une économie au
fonctionnement mondial et une organisation du monde en
Etats-nations capitalistes rivaux. Ce conflit trouve son
expression la plus explosive dans le déclin de la domination de
l'impérialisme américain.
La majorité des Américains sont contre les guerres
d'Afghanistan et d'Irak, des millions d'entre eux ont voté pour
Obama du fait de cette opposition. Mais ces deux guerres se
poursuivent, et Obama se prépare à aggraver le carnage en
Afghanistan et au Pakistan, tout en menaçant l'Iran d'une
intervention militaire.
Le gouvernement d'Obama ne représente pas moins que Bush et
les républicains les intérêts de l'oligarchie patronale et
financière qui dirige les États-Unis – que ce soit en politique
étrangère ou intérieure. Ces guerres lointaines s'accompagnent
d'une inégalité sociale croissante ainsi que d'une attaque
contre le niveau de vie et les droits démocratiques et sociaux
des travailleurs aux États-Unis mêmes.
La discussion qui a lieu actuellement à la Maison blanche –
et à l'insu du peuple américain – pour savoir comment garantir
au mieux les intérêts de l'impérialisme américain en Asie
centrale, comporte des risques immenses. Une intensification de
cette guerre, que ce soit avec plus de troupes au sol, ou avec
plus d'attaques aériennes, risque de déstabiliser le Pakistan,
qui est une puissance nucléaire, ainsi que tout le Sud et le
centre de l'Asie. La Chine, puissance montante, et la Russie,
présente de longue date dans la région, ne resteront pas
spectateurs indéfiniment devant les tentatives de Washington de
maintenir sa domination par la force armée.
La guerre entamée huit ans plus tôt et le risque de son
intensification vers une conflagration bien plus sanglante ne
peut trouver sa fin que par l'intervention de la classe ouvrière
aux États-Unis et internationalement, luttant contre le système
d'exploitation capitaliste qui est à la source du militarisme.
Dans cette lutte, il faudra exiger le retrait immédiat et
inconditionnel de toutes les troupes étrangères d'Irak et
d'Afghanistan, la fin des attaques américaines sur le Pakistan,
et le démantèlement de l'appareil militaire et des
renseignements américains, pour trouver les milliards de dollars
nécessaires aux réparations à accorder aux victimes des
agressions américaines ainsi que pour assurer des emplois et
améliorer les conditions de vie de tous les travailleurs,
américains comme étrangers.
(Article original paru le 7 octobre 2009)
Copyright 1998 - 2009 -
World Socialist Web Site- Tous droits réservés
Publié le 15 octobre 2009 avec l'aimable autorisation du WSWS
|