Opinion
Hillary Clinton et
les crimes de guerre au Moyen-Orient
Bill
Van Auken
Mercredi 7 mars
2012
En témoignant mardi devant une
commission du Sénat, la secrétaire
d'Etat américaine, Hillary Clinton, a
déclaré que le président syrien Bachar
al-Assad pourrait être qualifié de «
criminel de guerre ».
«
Si l'on se base sur les définitions d'un
criminel de guerre et des crimes contre
l'humanité, on pourrait défendre qu'il [Assad]
entre dans cette catégorie », a dit
Clinton devant la Commission.
Le durcissement rhétorique de Washington
vise à rallier le soutien de l'opinion
publique pour une nouvelle intervention
impérialiste au Moyen-Orient, où
l'objectif d'un changement de régime est
une fois de plus déguisé en croisade
pour les droits humains. La déclaration
de Clinton toutefois soulève la question
: comment exactement détermine-t-elle
quand une violence exercée contre des
civils constitue un crime de guerre ?
La définition fixée par la loi
fondatrice de la Cour pénale
internationale et tirée en grande partie
de la charte ayant établi le tribunal de
Nuremberg qui a traduit en justice les
dirigeants survivants du régime nazi
allemand après la Deuxième Guerre
mondiale. D'après cette définition, un
crime de guerre est un certain nombre
d'actes - dont le meurtre,
l'extermination, la torture,
l'emprisonnement et la disparition
forcée de personnes - sciemment « commis
dans le cadre d'une attaque généralisée
ou systématique dirigée contre toute
population. »
Alors que Clinton accepterait volontiers
cette définition contre le régime
syrien, il semble y avoir une
restriction tacite quant aux individus
ou gouvernements qui pourraient « entrer
dans cette catégorie ». En ce qui
concerne la politique américaine et
l'establishment des médias, c'est
très bien d'utiliser la qualification de
criminel de guerre pour décrire la
violence lorsqu'elle est perpétrée par
un régime que les Etats-Unis cherchent à
renverser à l'encontre de « rebelles »
ou d'« opposants » jouissant du soutien
de Washington.
Toutefois, lorsqu'une violence bien plus
grande est perpétrée par les Etats-Unis
eux-mêmes contre un peuple s'opposant à
l'occupation de leur pays par les
troupes américaines, la même catégorie
est exclue.
L'insistance de définir Assad comme un
criminel de guerre s'est intensifiée
face au siège de 27 jours du quartier de
Baba Amr à Homs qui fut pris d'assaut
par des milices armées ayant à leur
actif l'enlèvement et le meurtre
d'habitants non sunnites de la ville.
Jeudi, ces « rebelles » soutenus par les
Etats-Unis, ont annoncé qu'ils se
retiraient de la zone au vu des forces
gouvernementales syriennes supérieures.
Il ne fait pas de doute que des
centaines de personnes sont mortes
durant le siège qui a duré un mois, y
compris des civils sans armes. Et
pourtant, si l'on considère le barrage
de dénonciations des médias, des
résolutions des Nations unies et des
communiqués d'indignation diffusés par
Washington et d'autres capitales
occidentales, il est bon de rappeler
l'indifférence silencieuse avec laquelle
ces mêmes sources médiatiques et ces
mêmes gouvernements ont réagi au
massacre d'au moins 20 fois plus de
civils en un tiers de temps en un
endroit distant à peine de 650
kilomètres de la ville assiégée de Homs.
Cela s'est passé en novembre 2004. Le
site du massacre était Falloujah, en
Irak. Lors de ce siège barbare, les
marines américains ont transformé une
ville entière en une zone de feu à
volonté après avoir prévenu les
habitants de la quitter. Les hommes et
les garçons, furent cependant refoulés
et obligés de subir une attaque au
napalm, de bombes de fragmentation, de
bombes au phosphore blanc et autres
munitions qui ont incinéré leurs
victimes et fait s'écrouler leurs
maisons sur elles. Sur les 50.000
habitants de Falloujah qui soit
refusèrent de fuir, soit furent
incapables de le faire, plus de 6.000
ont perdu la vie. Au moins 60 pour cent
des bâtiments de la ville furent démolis
ou endommagés.
Sept ans plus tard, les habitants de
Falloujah continuent de payer un
terrible tribut pour le châtiment
collectif qui leur a été infligé. Ils
endurent une épidémie d'anomalies
congénitales, de cancer chez les enfants
et d'autres maladies causés par des obus
à uranium appauvri et autres bombes
largués sur la ville.
Comment se fait-il que les actions du
régime Assad à Homs sont déclarées
propres à pouvoir « entrer dans la
catégorie » de crimes de guerre tandis
que les actions beaucoup plus sanglantes
perpétrées par l'armée américaine à
Falloujah et d'innombrables autres
atrocités commises sous les
gouvernements Bush et Obama dans des
guerres non provoquées contre les
populations en Irak et en Afghanistan
sont jugées être des mesures justifiées
dans une « guerre contre le terrorisme
», pour laquelle personne n'a jamais eu
de compte à rendre.
Avant le bombardement de Falloujah qui a
réduit la ville à l'état de ruine,
l'armée américaine avait affirmé que
l'attaque avait été nécessaire parce que
la ville irakienne était devenue le
quartier général d'Al Qaïda en Irak. En
effet, les deux guerres tant en
Afghanistan qu'en Irak furent présentées
au peuple américain comme des guerres
menées pour vaincre Al Qaïda et pour
empêcher que l'organisation n'obtienne
des « armes de destruction massive ».
La semaine dernière, Hillary Clinton a à
plusieurs reprises employé une phrase
identique lors de son audition devant le
Sénat et lors d'interviews accordés aux
médias en réponse aux questions
concernant des propositions d'armer les
« rebelles » syriens. Elle avait posé la
question : « Soutenons-nous Al Qaïda en
Syrie ? »
Tout en abordant la question d'une
manière rhétorique pour suggérer que
Washington émettait des réserves pour
fournir des armes à ceux qui cherchent à
renverser Assad, Clinton sait très bien
que dans le monde réel des armes sont
déjà envoyées et la réponse à sa
question est, « oui, nous les soutenons
». Tout comme dans le cas de la guerre
contre la Libye, l'impérialisme
américain collabore étroitement en Syrie
avec les mêmes éléments islamistes qu'il
a pendant longtemps dépeints comme la
plus grande menace pour le peuple
américain.
Tout en servant d'épouvantail bien
pratique pour terroriser le peuple
américain dans le but de lui faire
accepter les guerres d'agression
impérialiste, la réalité est que les
rapports entre Washington et Al Qaïda -
fondée par des forces financées et
armées par la CIA durant la guerre
soutenue par les Etats-Unis contre le
régime prosoviétique en Afghanistan dans
les années 1980 - ont toujours été
plutôt complexes.
Dès les années 1950, l'impérialisme
américain avait, en guise de contrepoids
au socialisme et au nationalisme
radical, accordé son soutien secret aux
organisations islamistes réactionnaires
et obscurantistes au Moyen-Orient. A
présent, il emploie ces forces une fois
de plus pour tenter de redéfinir la
carte géostratégique de la région en
plaçant ses vastes ressources
énergétiques sous la férule de
Washington.
Derrière les larmes de crocodile versées
par les criminels de guerre à
Washington, les exigences pour un
changement de régime en Syrie ont autant
à faire avec la défense des droits
humains que l'Afghanistan et l'Irak
avaient à faire avec la protection du
peuple américain contre le terrorisme.
(Article original paru le 3 mars 2012)
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Publié le 7 mars 2012 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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