Opinion
Washington invente
le prétexte des armes chimiques
pour justifier une guerre contre la
Syrie
Bill Van
Auken
Le
président al-Assad visite une centrale
électrique à Damas
à l'occasion de la journée des ouvriers
- Photo: Sana
Mercredi 1er mai 2013
Dans une tentative de frayer la voie à
une intervention militaire directe pour
renverser le gouvernement du président
Bashar al-Assad, Washington, ses alliés
de l’OTAN, Israël et le Qatar ont tous
lancé des accusations montées de toutes
pièces au cours des derniers jours
voulant que la Syrie ait fait l’usage
d’armes chimiques. Dans une lettre aux
membres du Congrès jeudi, la
Maison-Blanche a déclaré : «La
communauté des renseignements américains
estime à des niveaux de confiance variés
que le régime syrien a fait usage
d’armes chimiques à petite échelle en
Syrie.»
Au milieu d’un voyage au Moyen-Orient
qui visait à conclure une entente de 10
milliards de dollars US pour fournir à
Israël et aux monarchies droitières
arabes des armes sophistiquées dirigées
contre l’Iran, le secrétaire à la
Défense américain Chuck Hagel a dénoncé
l’utilisation d’armes chimiques, disant
qu’elle «violait toute convention de
guerre». Il a ensuite reconnu que «nous
ne pouvons confirmer l’origine de ces
armes, mais elles proviennent fort
probablement du régime Assad».
De façon similaire, le premier
ministre britannique David Cameron a
accusé la Syrie de «crime de guerre»,
affirmant : «Les preuves sont limitées,
mais il est de plus en plus évident que
nous avons aussi été témoins de l’usage
d’armes chimiques, probablement par le
régime.»
Toutes ces déclarations alambiquées –
«à des niveaux de confiance variés», «ne
pouvons confirmer l’origine de ces
armes», «preuves limitées» et
«probablement par le régime» –
soulignent le caractère mensonger de ces
accusations.
Il n’y a aucune preuve que le régime
Assad a utilisé des armes chimiques. Le
gouvernement syrien a lui-même accusé
les rebelles soutenus par les États-Unis
– dominés par des éléments liés à
Al-Qaïda qui se sont vantés d’avoir
obtenu de telles armes et d’être
préparés à les utiliser – d’avoir mené
une attaque au gaz dans le village de
Khan al-Assal près d’Alep en mars
dernier. D’après l’armée syrienne,
l’arme était une roquette transportant
du chlore gazeux qui a été tirée à
partir d’une région contrôlée par les
rebelles en direction d’un point de
contrôle militaire sous contrôle du
gouvernement. Parmi les victimes se
trouvaient plusieurs soldats.
Le régime Assad a demandé que les
Nations Unies envoient une équipe
d’inspection afin d’enquêter sur
l’incident, mais les États-Unis, la
Grande-Bretagne et la France ont demandé
qu’un accès complet à tout le pays et à
toutes les installations syriennes soit
donné à cette équipe. Cela aurait créé
le même genre d’inspection qui fut
utilisé pour préparer l’invasion
américaine de l’Irak.
Sachant qu’ils ne possèdent aucune
preuve et que les seuls renseignements
qui existent montrent du doigt des
éléments affiliés à Al-Qaïda qu’ils ont
soutenus, les États-Unis et ses alliés
sont néanmoins déterminés à utiliser les
accusations d’armes chimiques pour
vendre une autre guerre à la population.
De puissantes sections de la couche
dirigeante aux États-Unis sont
déterminées à provoquer une intervention
militaire directe et martèlent le
prétexte du gaz toxique. La plupart des
médias de la grande entreprise exigent
que l’administration Obama concrétise
ses menaces, elle qui affirmait que
l’utilisation d’armes chimiques en Syrie
était la «ligne à ne pas franchir».
Mais qu’est-ce qui donne aux
États-Unis l’autorité morale de
proclamer une «ligne à ne pas franchir»
sur cette question? Dans sa guerre de
près de neuf ans en Irak, l’armée
américaine a utilisé des armes chimiques
qui ont eu des conséquences
dévastatrices. Dans son siège barbare de
Falloujah, elle a employé des bombes au
phosphore blanc et une forme avancée de
napalm, les deux étant bannis par les
conventions internationales, pour brûler
vif des hommes, des femmes et des
enfants.
L’héritage de ces armes continue de
troubler le peuple iraquien – avec
d’importantes hausses de leucémie et de
cancer infantile, une épidémie de
malformations congénitales
cauchemardesques à Falloujah, Basra et
d’autres villes soumises au siège de
l’armée américaine.
Il faut aussi rappeler que ce sont
les Britanniques qui ont introduit la
guerre chimique au Moyen-Orient,
larguant des bombes au gaz moutarde sur
les tribus iraquiennes qui résistaient à
la domination coloniale britannique.
Winston Curchill, alors secrétaire
d’État à la Guerre, a déclaré :
«J’appuie fortement l’utilisation du gaz
toxique contre les tribus non
civilisées… pour semer une terreur
vive.»
Washington continue de défendre ses
propres stocks gigantesques «d’armes de
destruction massive», et se réserve le
droit de répondre à toute attaque
chimique par l’arme nucléaire.
Ce tournant soudain vers la promotion
du prétexte des armes chimiques pour une
intervention militaire directe exprime
la frustration que ressentent de plus en
plus les États-Unis et leurs alliés
européens devant l’échec de leurs forces
par procuration en Syrie à faire un
quelconque avancement dans le
renversement du régime Assad.
C’est en grande partie parce que le
gouvernement syrien garde une base
populaire et que, même parmi ceux qui
détestent le régime, plusieurs haïssent
et craignent encore plus les éléments
islamistes, que ce soit les Frères
musulmans ou Al-Qaïda, qui cherchent à
le remplacer.
Les États-Unis et leurs alliés se
méfient de plus en plus du «contrecoup»
potentiel de la guerre civile sectaire
qu’ils ont encouragée. Les gouvernements
britannique et allemand, ainsi que
l’Union européenne, ont tous fait des
déclarations au cours de la semaine
dernière, soulignant les dangers posés
par les centaines d’islamistes de leurs
propres pays qui vont en Syrie pour
joindre des éléments d’Al-Qaïda.
Derrière le prétexte que les
assassins qui dirigent les États-Unis et
l’Europe se préoccupent des droits de
l’homme et des vies syriennes, ceux-ci
préparent des bombardements,
l’utilisation de missile de croisière et
de drones ainsi qu’une invasion
terrestre potentielle qui fera augmenter
de façon dramatique le nombre de morts
en Syrie.
Les motivations qui sous-tendent une
telle guerre n’ont rien à voir avec des
scrupules envers les armes chimiques,
mais concernent plutôt des intérêts
géostratégiques bien définis. «La Syrie
et la carte énergétique changeante du
Moyen-Orient», un article de Ruba Husari,
une experte de l’énergie du Moyen-Orient
et rédactrice en chef de
IraqOilForum.com, publié plus tôt cette
année par le Carnegie Middle East
Center, offre un aperçu des vraies
raisons de la pression croissante pour
une intervention directe des États-Unis
et de l’OTAN.
«La Syrie n’est peut-être pas un
grand producteur de gaz ou de pétrole au
Moyen-Orient, mais – dépendamment du
résultat du soulèvement syrien – elle
peut déterminer la forme de la future
carte énergétique régionale»,
écrit-elle. «La position géographique du
pays offre l’accès méditerranéen à des
entités enclavées à la recherche de
marchés pour leurs hydrocarbures et à
des pays cherchant l’accès à l’Europe
sans avoir à passer par la Turquie. Pour
beaucoup d’États dans la région, les
opportunités présentées par le régime
syrien actuel pourraient être perdues
dans une Syrie d’après-crise. Pour
d’autres, de nouvelles opportunités vont
émerger sous un nouveau régime syrien.»
Les principaux perdants d’une guerre
victorieuse pour un changement de régime
seraient l’Iran, qui a récemment signé
une entente majeure d’oléoduc – à
laquelle s’est farouchement opposé
Washington – avec la Syrie et l’Irak,
qui vise ultimement à amener le pétrole
iranien à la mer méditerranéenne, puis
la Russie, qui a cherché à élargir sa
propre influence dans le développement
énergétique de la région.
Les principaux bénéficiaires seraient
les États-Unis et leurs alliés, ainsi
que les grands conglomérats énergétiques
américains et d’Europe occidentale.
Ultimement, le but de l’impérialisme
américain et de ses alliés de l’OTAN en
Syrie est d’isoler et de préparer une
guerre plus importante contre l’Iran,
avec l’objectif d’imposer un contrôle
néocolonial sur la vaste région
productrice d’énergie qui s’étend du
golfe Persique à la mer Caspienne.
La vraie question dans ce conflit
n’est pas la nature du régime syrien,
mais la nature des régimes qui dirigent
les États-Unis, la Grande-Bretagne, la
France et l’Allemagne. Ces régimes se
lancent dans une autre division
prédatrice du monde comme celles qui ont
produit les deux grandes guerres
mondiales.
(Article original paru le 27 avril
2013)
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Publié le 1er mai 2013 avec l'aimable
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