Barack Obama est, de l’avis de la grande majorité des analystes politiques américains, le candidat de l’espoir. De par son profil bien sûr, mais aussi et surtout par sa capacité à attirer les foules autour d’un véritable projet pour l’Amérique. Or, c’est justement sur cet aspect que les Démocrates sont rarement parvenus à s’imposer depuis John Fitzgerald Kennedy, à l’exception de Bill Clinton. Les autres candidats démocrates, le plus souvent battus par des Républicains en novembre, apportaient des idées, mais pêchaient à proposer un véritable projet pour la première puissance mondiale. Sur ce point, Obama se distingue très nettement des autres candidats, et c’est ce qui explique en grande partie sa montée en puissance aussi remarquable que remarquée.
Le sénateur de l’Illinois a placé le rêve américain au cœur de son programme économique et social. Il estime que ce rêve s’effrite pour une grande majorité de la population, forcée selon ses propos de « travailler plus pour gagner moins », de payer plus pour l’éducation, la couverture sociale ou les assurances maladies. Sur ces différentes questions, son diagnostic est proche de celui de John Edwards (dont nous parlons peu ici, malgré sa deuxième place dans l’Iowa, mais compte tenu du fait que sa victoire dans les Primaires est très incertaine). Mais Obama insiste sur la nécessité de relancer le rêve américain, en offrant aux classes sociales les plus défavorisées, ainsi qu’aux jeunes, l’espoir qui leur manquerait. Sur la politique étrangère, thème traditionnellement très suivi à l’extérieur mais peu influent au niveau des votes, Obama suscite également l’espoir : celui d’une Amérique qui se réhabiliterait aux yeux du monde, et redeviendrait un exemple pour les démocraties. Des slogans politiques, bien sûr, mais un projet, très certainement.
Sur ces différentes questions, Hillary Clinton est sur la défensive. Pour elle, le changement n’est pas simplement une question de promesses, mais doit se vérifier dans les faits. Et pour étayer cette position, elle s’appuie sur son expérience sur le terrain, avant de conclure que le plus important étant de désigner un président capable d’apporter du changement, elle est la mieux qualifiée, pour l’avoir déjà prouvé par le passé. Elle fait ainsi en particulier référence à ses huit années passées à la Maison-Blanche en tant que First Lady, et son bilan de sept ans de sénatrice de l’Etat de New York. Avant ces activités qui l’avaient placée sous les feux de la rampe, Madame Clinton était dans l’Arkansas avec son époux, quand celui-ci y était gouverneur, et avocate réputée. Elle a également, lors des auditions pour le scandale du Watergate, épaulé les magistrats démocrates, avant d’être proche de la présidence de Jimmy Carter.
Hillary Clinton a, indiscutablement, plus d’expérience en politique que Barack Obama, dont elle est l’aînée de quatorze ans, et ne manque pas de le rappeler à l’occasion de chacune de ses apparitions. Mais cela ne semble pas suffire dans un pays où l’expérience s’efface souvent derrière les convictions et le charisme, deux points sur lesquels le sénateur de l’Illinois (qui n’est pas non plus, faut-il le rappeler, totalement inexpérimenté, même s’il est célèbre depuis peu) est maître du terrain. L’Iowa a apporté la preuve que si la stratégie d’Obama fonctionne à merveille, comme en témoigne la forte mobilisation des sympathisants démocrates (et la mobilisation de nouveaux électeurs), les Américains ne prêtent que peu d’importance au discours sur l’expérience d’Hillary Clinton. Au lendemain de sa décevante troisième place, il aurait été opportun pour l’ancienne First Lady de changer de cap. Or, le débat télévisé qui l’a opposé à Obama le 5 janvier au soir n’a fait que confirmer son intention de continuer à batailler sur ce terrain. Madame Clinton s’est montrée vindicative à l’encontre de Barack Obama, lui reprochant son inexpérience et l’inconstance de son programme de financement de la sécurité sociale. En réponse, elle fut vivement critiquée par John Edwards, allié de circonstance d’Obama, pour son opposition aux changements, que lui souhaite également incarner. Bref, la sénatrice de New York n’est à nouveau pas parvenue à mettre en difficulté son (ou ses) adversaire (s), ce qui pourrait inquiéter son camp à deux jours d’un scrutin qui s’annonce difficile, et qu’elle ne peut se permettre de perdre aussi nettement que l’Iowa, après avoir largement dominé les sondages jusqu’à récemment. Si elle veut garder l’espoir de remporter l’investiture démocrate, qui lui semblait pourtant acquise il y a quelques semaines, il lui faudra accepter de laisser son expérience de côté.