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IRIS

Paris- Washington : l'embellie confirmée
Barthélémy Courmont


Barthélémy Courmont - Photo IRIS

IRIS, 6 novembre 2007

Tant de choses ont été écrites depuis 2003 sur la relation Paris-Washington. Tant de critiques ont fusé de part et d’autres, occultant parfois les véritables problèmes de fond, et les cachant derrière une certaine forme d’hystérie aux noms évocateurs : French bashing aux Etats-Unis, et antiaméricanisme en France. Un manichéisme souvent autiste qui empêchait les vrais débats de fond, d’un côté comme de l’autre. Il était temps que tout cela cesse ! Réjouissons-nous donc de cette visite très médiatisée de Nicolas Sarkozy à Washington, de sa rencontre avec George W. Bush, de son discours au Congrès, et de son apparition dans la résidence de George Washington.

Nicolas Sarkozy a déjà rencontré son homologue américain depuis son élection, et les deux hommes n’ont pas caché leur bonne entente, qui s’est concrétisée avec la rencontre informelle dans la résidence familiale des Bush à Kennebunkport, pendant les vacances du président français dans le Vermont. Mais loin de ces clichés, la relation franco-américaine n’a indiscutablement plus rien à voir avec la rupture de 2003, et l’opposition de la France à l’utilisation de la force en Irak. Cela est-il le résultat de l’élection de Nicolas Sarkozy ? Pas uniquement. Certes le président français est un atlantiste convaincu, et son élection a favorisé le rapprochement entre la France et les Etats-Unis. Mais il serait erroné de réduire à la personnalité du chef de l’Etat l’embellie entre Paris et Washington. Plusieurs facteurs expliquent ce rapprochement, qui remonte pour l’essentiel à la réélection de George W. Bush et la mise en place de sa seconde administration.

A la suite de la crise grave entre les deux alliés historiques, les deux parties mesurèrent rapidement les conséquences possibles de la rupture. Côté français, on s’inquiétait des propos de Condoleezza Rice, qui annonçait « punir la France », et de ses conséquences éventuelles : isolement au Conseil de Sécurité de l’ONU ou à l’OTAN, tentative de pressions auprès de la fameuse « nouvelle Europe », afin de briser la locomotive européenne franco-allemande, sans parler des possibles représailles commerciales. Avant de constater que tout cela n’était, pour de multiples raisons, pas nécessairement dans l’intérêt de Washington. Côté américain, on craignait voir émerger un groupe de pays hostiles au leadership de Washington, dont Paris serait le porte-parole. Mais c’était se tromper sur les ambitions de la France, qui ne souhaitait en rien se mettre en travers des Etats-Unis, mais simplement montrer son désaccord sur une question précise avec, faut-il le rappeler, le soutien d’une majorité écrasante de l’opinion publique (ce que certaines démocraties amies semblent avoir négligé, en soutenant la guerre malgré un non massif de leurs populations). Les hésitations de part et d’autre auraient pu durer longtemps si la guerre en Irak avait apporté les effets escomptés. Mais pour le plus grand malheur de Washington (et de Paris, n’en déplaise à ceux qui s’imaginent que les dirigeants français se délectaient d’une déroute américaine), l’opération fut une catastrophe dont les effets ne sont pas encore tous connus. Cela eut pour conséquence de précipiter un rapprochement entre les deux pays sur certains dossiers, de la Côte d’Ivoire à l’Iran, en passant par le Liban et le Darfour, afin d’éviter de voir se multiplier des situations de blocage dont la stabilité internationale ferait les frais. Avant même la fin de l’année 2003, et tout au long de l’année 2004, la France et les Etats-Unis continuaient de s’insulter par la voix d’éditorialistes de part et d’autre, mais travaillaient ensemble, même si les tensions étaient perceptibles.

La campagne présidentielle américaine de 2004 a été, plus que de raison, placée sous le signe de la relation avec la France (en partie en raison des attaches familiales de John Kerry). Paris devint un alibi pour certains milieux à Washington. Mais une fois la victoire de George W. Bush scellée, l’occupant de la Maison Blanche s’entoura de proches et favorisa, par nécessité plus que par choix, une approche pragmatique des relations internationales. Meilleurs indicateurs de cette nouvelle tendance : la nomination de Condoleezza Rice à la tête du Département d’Etat, l’arrivée de Stephen Hadley à la tête du NSC, le départ de plusieurs néoconservateurs (ou leur reconversion, qui s’avérera parfois être un échec, comme celle de Paul Wolfowitz), l’attitude face à la Corée du Nord, face à l’Iran, et le slogan du président américain, qui plaça l’année 2005 sous le signe du partenariat transatlantique.

Parallèlement à cette redécouverte du réalisme en relations internationales, Washington a également compris à cette époque la nécessité de dialoguer avec un partenaire comme la France. Et comme Paris n’y voyait pas d’inconvénient, bien au contraire, des rencontres régulières furent dès lors organisées à Paris et à Washington entre des hauts responsables et des conseillers importants de l’Elysée et de la Maison-Blanche. A titre de comparaison, et malgré la special relationship avec Londres, les Etats-Unis n’avaient pas de réunions aussi régulières à ce niveau avec le Royaume-Uni. La raison en est très simple, et relève du plus grand pragmatisme : à quoi bon s’entretenir avec un ami dont on est quasi certain du soutien ? Pour la France, ces rencontres venaient confirmer que le choix de refuser de s’engager aux côtés de nos alliés et amis les Américains dans une guerre qui n’avaient que peu de justification était le bon. Comment influencer votre allié si vous vous contentez d’approuver toutes ses actions ?

Mais si les dirigeants ne tardèrent pas à se retrouver, les opinions publiques restèrent (et restent encore ?) profondément marquées par la crise. Et après avoir servi d’alibi lors de la campagne présidentielle américaine, la France a à son tour utilisé les Etats-Unis comme un alibi pour mieux éviter de vrais débats de fond. Pendant la campagne électorale qui a précédé sa victoire, Nicolas Sarkozy fut ainsi en première ligne des attaques sur la relation transatlantique, en raison de ses penchants atlantistes. Il ne se contentait pas d’affirmer sa sympathie à l’égard de Washington, mais justifia ce positionnement pour plusieurs raisons : « Je suis partisan d’une France amie des Etats-Unis, et je vais m’expliquer sur ce point : les Etats-Unis sont un des rares pays au monde avec lequel nous n’avons jamais fait la guerre…Les Américains sont venus nous aider à deux reprises, et nous les avions nous-même aidés il y a plus longtemps. Nous partageons les mêmes valeurs, nous sommes riverains du même océan, ils sont la première puissance économique, militaire et monétaire. Nos enfants rêvent de la musique américaine et des films américains. Et quand on leur demande d’aller faire un séjour linguistique, ils préfèrent aller à New York qu’à Sheffield. Est ce que ça veut dire que l’on doit aligner nos positions sur celles des Américains ? Non. On peut parfaitement avoir des désaccords mais on doit se souvenir dans l’expression de ces désaccords, que nous sommes amis depuis longtemps et pour longtemps…il n’y a pas d’avenir dans l’opposition entre eux et nous » (1). Des propos qui ne contredisaient pas la position du tandem Chirac-Villepin en 2003, même s’ils furent souvent interprétés comme tel.

Une chose est cependant certaine, Nicolas Sarkozy fut de tous les candidats à l’élection présidentielle le premier à « inviter » les Français à se prononcer pour ou contre Washington, à l’occasion d’un déplacement aux Etats-Unis, en marge des célébrations du cinquième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Au cours de cette visite très médiatisée, et dont le point d’orgue fut une rencontre avec George W. Bush, le ministre de l’Intérieur avait fustigé « l’arrogance » de la France lors de la crise irakienne, se démarquant ainsi très nettement des positions de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin. A son retour en France, il fut très vivement critiqué par ses adversaires politiques (de gauche comme de droite) sur ses positions trop atlantistes, qualifiées pour l’occasion de « pro-américaines ». Sa position a clairement été modifiée par la suite, le ministre-candidat rendant d’abord hommage sans ambiguïté au courage de la diplomatie française en 2003, et le président à peine élu faisant un discours de politique étrangère dans lequel il rassurait les plus sceptiques sur ses intentions : la France est et sera aux côtés des Etats-Unis, dans une grande famille de démocraties, mais être de la même famille ne doit en rien exclure des désaccords sur certaines questions.

La visite aux Etats-Unis de « Sarko l’américain », comme aiment à le qualifier ses adversaires politiques et les journalistes en quête de sensations, confirme en tout cas l’embellie des relations entre les deux pays, et il serait étonnant de ne pas s’en réjouir. Elle vient en plus à un moment opportun. La France prépare sa prochaine présidence de l’Union européenne et discute de sa place dans les dispositifs de l’OTAN. Et depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, le remplacement de Tony Blair par Gordon Brown, les changements politiques dans cette « nouvelle Europe » qui ne veut plus être appelée ainsi, et les difficultés que rencontre Washington, la France redevient un allié de poids, sinon le principal, pour les Etats-Unis. Et l’un des plus influents. A ce titre, le changement de visage à la tête de l’Exécutif français est un élément de plus permettant de renforcer le partenariat et de repartir sur des bases plus saines. Mais comme le dirait George W. Bush, ne nous y trompons pas, tant que les Etats-Unis n’auront pas élu un nouveau président, et donc pendant encore un an, les relations France – Etats-Unis auront beau être on ne peut plus étroites, elles continueront de se heurter à des critiques souvent déplacées, parfois constructives, mais décidément bien décalées.

Barthélémy Courmont, chercheur à l’IRIS, a récemment publié, (avec Erwan Bénézet), Hollywood-Washington. Comment l’Amérique fait son cinéma, chez Armand Colin.

1 Entretien de Nicolas Sarkozy avec Pascal Bruckner, André Glucksmann, Michaël Prazan et Yasmina Reza, Le Meilleur des Mondes, n°2, automne 2006.



Source : IRIS
http://www.iris-france.org/...


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