4 novembre 2008
Les Américains votent. Pour leur futur
président bien sûr, mais aussi pour renouveler un tiers du
Sénat, et l’ensemble de la Chambre des représentants. Deux
élections qui, sauf énorme et improbable surprise, devraient
profiter aux Démocrates (de nombreux sondages indiquent ainsi
que le parti de l’âne pourrait occuper jusqu’à 60 sièges au
Sénat, sur 100, et renforcer sa majorité à la Chambre des
représentants), et apporter à Barack Obama une majorité dans les
deux chambres du Congrès, à condition bien sûr qu’il s’impose.
A ce titre, rappelons que l’une des
particularités de cette campagne, historique pour de multiples
raisons, est le changement annoncé dans la relation
Exécutif-Congrès.
La raison est en très simple : Barack Obama,
John McCain, Joe Biden et Hillary Clinton n’ont ainsi pas
seulement en commun d’avoir animé la campagne présidentielle
américaine 2008. Ils sont également tous sénateurs. Seule Sarah
Palin, colistière de John McCain, et gouverneur de l’Alaska,
fait exception. Quoi qu’il arrive, un sénateur occupera la
Maison-Blanche après le 20 janvier prochain et, dans le cas
d’une très probable victoire du ticket Obama-Biden, deux.
Comment expliquer que cette élection rassemble un si grand
nombre de sénateurs, là où les précédentes tournaient facilement
le dos à la chambre haute du Congrès ? Et surtout, quelles
conséquences attendre de l’arrivée à la Maison-Blanche d’un
sénateur ?
Une longue série de gouverneurs et membres de
l’administration
Depuis près de 50 ans, tous les locataires de
la Maison-Blanche sont issus de l’Exécutif, sans exception.
George W. Bush était gouverneur du Texas avant d’accéder à la
Maison-Blanche, Bill Clinton était gouverneur de l’Arkansas,
George Bush était vice-président de Reagan, Ronald Reagan était
gouverneur de Californie, Jimmy Carter était gouverneur de
Géorgie, John Ford vice-président de Nixon, Richard Nixon
vice-président d’Eisenhower (même s’il fut également sénateur),
Lyndon Johnson vice-président de Kennedy… Il faut remonter à
JFK, qui était sénateur du Massachusetts de 1952 à 1960, pour
trouver un président issu du Congrès. Kennedy fut d’ailleurs le
dernier président à passer directement du Congrès à la
Maison-Blanche, ce que fera également le vainqueur du scrutin du
4 novembre. A l’inverse, les vaincus récents, comme John Kerry,
John Edwards, Al Gore (qui fut entre temps vice-président) ou
Joe Lieberman ont tous en commun d’avoir siégé au Congrès. En
d’autres termes, et sans caricaturer, la Maison-Blanche ne
sourit traditionnellement pas aux parlementaires. Cette élection
constitue une exception qui s’explique en grande partie par le
rejet par la population américaine de l’administration Bush, qui
imposait aux Républicains de trouver un candidat n’en étant pas
issu, et la cristallisation des tensions partisanes autour du
Congrès à majorité démocrate imposant au parti de l’âne de
puiser dans les parlementaires le candidat pour la
présidentielle.
Huit ans de mise à l’écart
Arrivé à la Maison-Blanche en janvier 2001,
George W. Bush était porté par la majorité républicaine au
Congrès, issue de la vague conservatrice du milieu des années
90. Les relations Congrès-Exécutif étaient alors harmonieuses,
après plusieurs années d’une cohabitation difficile. Après une
pause entre juin 2001 et janvier 2002 (les Démocrates contrôlant
le Sénat pendant cette période), les Républicains contrôlèrent
l’ensemble des pouvoirs jusqu’à la victoire, en novembre 2006,
des Démocrates aux élections mi-mandat. Mais les deux
présidences Bush furent marquées par une mise entre parenthèse
des prérogatives parlementaires, dans ce que de nombreux
analystes ont qualifié de « présidence impériale ». Une période
de mise à l’écart que les élections mi-mandat de novembre 2006
n’ont qu’en partie effacée, et qui ne prendra réellement fin
qu’au lendemain de l’élection présidentielle. Cette élection est
donc cruciale pour le Congrès, d’abord parce qu’un tiers des
sénateurs et l’ensemble des représentants se présentent devant
les électeurs, comme c’est le cas tous les deux ans, ensuite
parce que l’élection présidentielle le concerne directement, et
marque son retour sur le devant de la scène.
Quelles conséquences pour la Maison-Blanche, et
pour les Etats-Unis ?
Dès lors que le prochain président des
Etats-Unis sera un ancien sénateur, il convient de s’interroger
sur les effets que cela pourrait avoir en terme de manière de
diriger la première puissance mondiale. Il est indiscutable que
l’arrivée à la tête de l’Exécutif d’un ancien sénateur aura pour
effet de favoriser les relations entre les deux pouvoirs, après
plusieurs années de crispation, et la prochaine administration
verra un dialogue plus étroit entre l’Exécutif et les
parlementaires. Cela pourrait également marquer une plus grande
reconnaissance des travaux parlementaires, notamment sur les
questions de politique étrangère. Plutôt que de s’emmurer, comme
c fut trop souvent le cas sous la présidence de George W. Bush,
la Maison-Blanche pourrait donc s’ouvrir au Congrès, et se
montrer plus à l’écoute de ses prérogatives autant que de ses
idées. De même, les tensions partisanes très nettes au cours des
deux dernières années pourraient être réduites dans le cas d’une
victoire d’Obama et d’un maintien de la majorité démocrate au
Congrès, mettant ainsi un terme au gridlock (cohabitation
Congrès-Exécutif à l’américaine).
Reste le poids du futur vice-président des Etats-Unis, qui sera
également président du Sénat. A cet égard, le déséquilibre entre
les deux tickets est assez éloquent, en particulier si les
Démocrates conservent la majorité. Dans le cas d’une victoire de
Barack Obama, Joe Biden, sénateur de façon continue depuis sa
première victoire en novembre 1972, président de la commission
des affaires internationales à deux reprises, et membre
particulièrement influent de la chambre haute du Congrès, n’aura
pas de difficulté à imposer son autorité auprès de ses
collègues. A l’inverse, dans le cas d’une victoire de John
McCain, Sarah Palin pourrait éprouver de grandes difficultés à
s’imposer face aux sénateurs, même dans le cas d’une victoire
des Républicains aux élections sénatoriales.
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Publié le 5 novembre avec l'aimable autorisation de l'IRIS.