Sous le
prétexte d'une attaque chimique
Les
Etats-Unis préparent une attaque
militaire contre la Syrie
Barry Grey
© REUTERS/
Nour Fourat
Lundi 26 août 2013
Les responsables ont présenté une série
d’options qui sont envisagées pour une
attaque directe lancée par les forces
militaires américaines et alliées contre
la Syrie en utilisant comme prétexte
l’attaque aux armes chimiques présumée
de mercredi. L’accélération des
préparatifs militaires montre clairement
que les événements de mercredi font
partie d’une provocation servant à
justifier une nouvelle guerre coloniale
de plus au Moyen-Orient.
La menace
grandissante d’une intervention directe
américaine dans la guerre pour un
changement de régime menée contre le
président syrien Bachar al-Assad a aussi
été soulignée vendredi par le président
Obama qui a profité d’une interview
accordée à CNN pour indiquer qu’il
cherchait à mobiliser le soutien
international et une certaine forme de
couverture juridique pour une attaque
menée par les Etats-Unis.
Le journal New
York Times a affiché vendredi à la
Une un article selon lequel de hauts
responsables du Pentagone, du ministère
des Affaires étrangères et des agences
de renseignement ont rencontré jeudi
pendant trois heures et demie des
responsables de la Maison Blanche pour
ébaucher de possibles mesures
militaires. L’article cite des
responsables anonymes disant qu’aucune
décision n’a été prise, en raison de
divergences internes, quant au lancement
ou non d’une action militaire américaine
directe dans les prochains jours.
Selon le Times,
les options militaires discutées vont de
frappes de missiles de croisière lancés
depuis des navires américains,
actuellement déployés en Méditerranée, à
une guerre aérienne totale ciblant à la
fois des sites civils et militaires. Le
journal écrit : « Les objectifs
pourraient inclure des batteries de
missiles ou d’artillerie servant au
lancement de munitions chimiques ou de
gaz neurotoxique, ainsi que des
installations de communication et des
installations auxiliaires. Les symboles
de pouvoir du gouvernement Assad, à
savoir les quartiers généraux et les
locaux gouvernementaux, pourraient
également figurer parmi les cibles
proposées, ont dit les responsables. »
Le Wall Street
Journal, rapporte aussi à la Une que
jeudi le Pentagone a « mis à jour des
listes de cibles pour d’éventuelles
frappes aériennes contre une série
d’installations gouvernementales et
militaires syriennes… dans le cadre des
plans d’intervention d'urgence au cas où
le président Barack Obama déciderait
d’agir. »
Le journal
poursuit: « Les options militaires
américaines comprennent des frappes
potentielles contre des ‘cibles du
régime’, y compris des organes
gouvernementaux syriens cruciaux à la
poursuite de son effort de guerre. De
plus, les options incluent des frappes
contre les ‘systèmes et capacités de
livraison’ de l’armée syrienne qui sont
soit directement utilisés lors
d’attaques au gaz toxique soit qui les
facilitent, allant de postes de
commandement et de contrôle aux
batteries d’artillerie au front, ont dit
les responsables. »
D’autres options
envisagées incluraient des attaques « à
distance » ne nécessitant pas le
déploiement d’avions américains dans
l’espace aérien syrien comme dans le cas
cette année des attaques de missiles
lancées par Israël contre des cibles
syriennes.
« Ces options sont
en train d’être mises au point par les
responsables de l’armée, » a précisé le
Journal, « de sorte que M. Obama
soit en mesure d’agir à courte terme
s'il était déterminé que les forces de
M. Assad ont procédé à des attaques
chimiques et si M. Obama décidait de
répondre par la force. »
Les préparatifs
pour une action militaire directe des
Etats-Unis se déroulent dans le contexte
d’une propagande incessante du
gouvernement et des médias, qui s’appuie
sur des rapports encore infondés d’une
attaque aux armes chimiques contre des
villes à l’est de Damas pour accuser le
régime syrien de crimes de guerre et
pour justifier une intensification de la
guerre sectaire menée par l’impérialisme
et qui a déjà dévasté le pays.
Les estimations du
nombre de victimes faite par l’attaque,
estimations émanant toutes des milices
de l’opposition et de responsables de
groupes qui les soutiennent, varient
considérablement entre 130 et 2.000 et
aucune preuve n’a été apportée pour
impliquer le gouvernement syrien qui a
démenti avoir joué le moindre rôle.
Aucun responsable
américain, français ou britannique ni
aucun commentateur des médias n'a
expliqué ce que le régime syrien aurait
à gagner à perpétrer une telle attaque à
ce moment précis. Le gouvernement a
infligé, ces dernières semaines,
d’importantes défaites militaires aux
milices de l’opposition soutenues et
armées par les Etats-Unis, y compris au
Front al Nusra qui est lié à al Qaïda,
et a lancé cette semaine une offensive
pour reprendre les banlieues de Damas
qui sont actuellement contrôlées par al
Nusra.
Du reste, l’attaque
chimique présumée s’est produite
quelques jours à peine après l’arrivée
de l’équipe des inspecteurs des Nations
unis qui a été invitée par la Syrie pour
enquêter sur les précédentes et
présumées attaques à l’arme chimique.
Pourquoi le régime commettrait-il une
attaque chimique à quelques kilomètres à
peine de la capitale où est basée
l'équipe d’inspecteurs de l’ONU?
Les soi-disant «
rebelles » par contre auraient de bonnes
raisons de faire une provocation dans
une situation où ils risquent d’être
chassés de leurs sanctuaires proches de
la capitale et parce qu’ils sont
empêtrés dans une rude bataille avec les
milices locales kurdes. Les assassins
d’al Qaïda du Front al Nusra sont
parfaitement capables de tuer des
quantités voire même des centaines de
civils dans le but de promouvoir leur
programme réactionnaire.
Les milices de
l’opposition se sont vantées de posséder
des armes chimiques et d'être prêtes à
les utiliser. En mai dernier, les médias
turcs avaient fait état de l’arrestation
de « rebelles » syriens qui détenaient
du gaz sarin neurotoxique. Egalement en
mai, la responsable de l’ONU, Carla Del
Ponte avait déclaré qu’il existait des
preuves « fortes et concrètes » que du
sarin avait été utilisé par les forces
soutenues par l’Occident.
Obama avait tout
simplement ignoré ces faits et annoncé
en juin, et ce sans fournir de preuve,
que les Etats-Unis avaient conclu que le
régime syrien avait utilisé des armes
chimiques. Ceci avait servi de prétexte
pour annoncer l’armement direct par les
Etats-Unis des soi-disant « rebelles ».
On fait valoir que
pour les Etats-Unis une importante
intensification militaire en Syrie
pourrait sauver sa guerre faiblissante
visant à renverser le régime d'Assad,
unique allié arabe de l’Iran, afin de
mettre en place un régime fantoche qui
adhérerait à une guerre menée par les
Etats-Unis contre Téhéran. Washington
considère que le régime iranien est un
obstacle à sa détermination à asseoir
l’hégémonie incontestée des Etats-Unis
au Moyen-Orient riche en pétrole.
Tels sont les
véritables calculs qui se cachent
derrière les jacasseries hypocrites sur
les droits humains et la protection des
civils. Un autre avantage de
l’intensification militaire en Syrie est
que cela aurait le pouvoir de détourner
l’attention du public de l’indéniable
tuerie de masse perpétrée en Egypte par
la junte militaire soutenue par les
Etats-Unis. Aucun responsable de l’ONU
ni aucun organe de presse n’exige une
action militaire américaine pour
protéger les manifestants civils qui
sont tués en Egypte, ce qui ne fait que
prouver que l'impérialisme américain a
recours à deux poids et deux mesures
lorsqu’il est question de « droits
humains ». Le souci du respect des
droits de l'homme ne s'applique que pour
les régimes que les Etats-Unis
souhaitent supprimer, pas pour ceux
qu’ils soutiennent.
Vendredi, le New
York Times s’est associé à la
campagne médiatique pour une
intensification de la guerre en Syrie
dans un éditorial disant que « les
Etats-Unis et d’autres grandes
puissances devront très certainement
réagir bien plus agressivement qu’ils ne
l’ont fait jusque-là » si les décès
survenus près de Damas « se révélaient
être l’œuvre » du régime d'Assad.
Dans son entretien
accordé jeudi à la chaîne de télévision
CNN et diffusé vendredi matin, Obama a
qualifié l’attaque chimique présumée d’«
événement important, un sujet de grave
préoccupation. » Il a souligné la
demande de Washington, qui a été retenue
par les alliés des Etats-Unis, la
Grande-Bretagne et la France ainsi que
le secrétaire général des Nations unies,
Ban Ki-moon, pour que le gouvernement
syrien autorise l’accès immédiat à la
région où l’attaque aurait été commise à
l’équipe des inspecteurs de l’ONU.
Cette exigence qui
ignore le fait que la région à l’est de
Ghouta est encore contrôlée par al Nusra,
semble avoir pour but de créer le
prétexte à une intensification
militaire. « Nous n’attendons pas de
coopération, du fait de ses antécédents,
» a dit Obama en parlant du régime d'Assad.
Il reste à voir si
Damas approuvera cette demande qui a été
appuyée par son principal allié
international, la Russie. Assad a de
bonnes raisons de redouter un piège et
un coup monté, vu le rôle joué par l’ONU
dans l’approbation et la participation à
chaque guerre d’agression impérialiste à
commencer par l’Afghanistan, et la
Libye, en passant par l’Irak.
Tout en plaidant
pour une certaine prudence, Obama a
décidé de présenter les arguments en
faveur d’une intervention militaire
directe américaine en déclarant, « Puis
ceci commence à toucher au cœur de
certains intérêts nationaux des
Etats-Unis, tant pour s'assurer que les
armes de destruction massive ne
prolifèrent pas, que par nécessité de
protéger nos alliés et nos bases dans la
région. »
Il a de plus
indiqué le souhait de rallier le soutien
des alliés de Washington en Europe et au
Moyen Orient derrière une attaque menée
par Etats-Unis contre la Syrie ainsi que
l’inquiétude de fournir une couverture à
une telle décision. « Si les Etats-Unis
y vont et décident d’attaquer un autre
pays sans avoir reçu le mandat de l’ONU
et sans présenter de preuves évidentes,
» a-t-il dit, « alors on peut se
demander si le droit international
l’approuve, si nous disposons de la
coalition pour réussir… »
Entre-temps, les
tambours de la guerre ont redoublé
vendredi venant tant des responsables
américains que britanniques. Les
responsables du gouvernement Obama ont
dit que le service de renseignement
américain avait détecté, avant la
présumée attaque de mercredi, des
activités sur les sites d'armes
chimiques de la Syrie. Les responsables
anonymes ont déclaré que les agences de
renseignement américains « penchaient
pour la conclusion que la Syrie avait
fait usage d’armes chimiques. »
Le ministre
britannique des Affaires étrangères,
William Hague, a précisé dans une
déclaration faite à la télévision que la
possibilité que l’opposition syrienne
soit responsable de l’attaque était «
extrêmement réduite ». Il a poursuivi en
disant, « Nous pensons vraiment qu’il
s’agit d’une attaque chimique commise
par le régime d'Assad à une grande
échelle, » en ajoutant que « nous
n’excluons aucune option pour l’avenir.
»
Les responsables
russes ont continué à qualifier
l’attaque chimique présumée de
provocation faite par l’opposition.
L’ambassadeur russe au Liban, Alexander
Zasypkin, aurait dit, selon l’agence
d’information officielle syrienne, SANA,
« J’aimerais rappeler que la question
des armes chimiques ne devrait pas être
exploitée pour atteindre d’autres
objectifs, comme ce fut le cas en Irak.
»
Le ministère russe
des Affaires étrangères a déclaré, «
Davantage de preuves nouvelles
commencent à émerger, selon lesquelles
ce geste criminel était clairement
provocateur… Des rapports sont en train
de circuler, notamment sur Internet,
selon lesquels des informations faisant
état de l’incident et incriminant les
troupes gouvernementales ont été
publiées plusieurs heures avant la
soi-disant attaque. Il s’agit donc d’une
action préalablement planifiée. »
Avant même toute
attaque militaire américaine ouverte,
l’implication des Etats-Unis dans les
combats en Syrie est en train
d'augmenter. Euronews.com a cité
jeudi différents articles français et
israéliens selon lesquels des commandos
jordaniens, israéliens et américains
sont en train de diriger des centaines
de rebelles syriens qu’ils ont formés
pour les mener à Damas. « Les rapports
affirment qu’une force de quelque 300
hommes est entrée le 17 août en Syrie en
provenance de la Jordanie, et qu’un
second groupe a franchi la frontière le
19 août, » a précisé le site web.
Il poursuit: « Des
analystes disent que c’est la première
étape de la stratégie américaine,
d’entraîner et de diriger sur le terrain
des membres de l’Armée syrienne libre
triés sur volet afin de délimiter une
zone tampon le long de la frontière
jordanienne et israélienne à l’intérieur
de laquelle des forces rebelles peuvent
être entraînées et basées. »
La guerre civile
sectaire initiée et soutenue par les
Etats-Unis en Syrie continue d’attiser
des conflits sectaires dans l’ensemble
de la région. Vendredi, deux voitures
piégées ont explosé dans la ville de
Tripoli au nord du Liban, tuant 42
personnes et en blessant une centaine
d’autres. Les bombes visaient la
population sunnite et font suite à une
série d’attentats à la bombe commis
contre le mouvement libanais Hezbollah
qui est dominé par les chiites.
De plus, des avions
de combat israéliens ont frappé vendredi
des soi-disant « sites terroristes »
situés entre Beyrouth et Sidon. Il
s’agit du premier raid aérien israélien
sur cette région depuis l’invasion
israélienne du sud Liban en 2006.
La multiplication
des provocations et les préparatifs de
guerre contre le régime d'Assad menacent
de déclencher une guerre bien plus vaste
et bien plus sanglante sur l’ensemble du
Moyen-Orient, une guerre susceptible
d’opposer directement les Etats-Unis à
la Russie et à la Chine.
(Article original
paru le 24 août 2013)
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Publié le 27 août 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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