Opinion
Des milliers de
femmes défilent au Caire contre la junte
militaire
Barry
Grey
Jeudi 22 décembre
2011
Des milliers de
femmes ont défilé mardi dans le centre
du Caire pour manifester contre la
répression meurtrière des manifestants
par l’armée et pour exiger la démission
de la junte militaire qui dirige
l’Egypte depuis le renversement d’Hosni
Moubarak en février dernier.
Jusqu’à 10.000
manifestants, en majorité des femmes
protégées par un cordon de sécurité
formé par des hommes, se sont rendues de
la Place Tahrir au Syndicat de la presse
en scandant, « femmes d’Egypte : la
ligne à ne pas dépasser ! » et « A bas
le régime militaire. » Nombre d’entre
elles brandissaient des pancartes
affichant des soldats en train
d’attaquer des femmes, notamment une
pancarte a montré une femme voilée, à
qui la moitié des vêtements avaient été
arrachés, en train d’être traînée par
des soldats qui étaient sur le point de
la piétiner.
Cette image, ainsi
que d’autres, montrant des soldats en
train de battre des manifestants et de
tirer sur eux à balles réelles, avaient
été largement diffusées au cours du
week-end sur Internet et par certains
journaux égyptiens, provoquant
l’indignation populaire. Au moins 14
personnes ont été tuées par l’armée et
la police et plus de 850 ont été
blessées dans une série d’attaques
perpétrées depuis vendredi à l’encontre
des protestataires anti-régime.
Quatre des décès sont
survenus mardi lorsque, pour la deuxième
journée consécutive, les troupes et la
police ont lancé une attaque avant
l’aube contre les manifestants qui
occupaient la place Tahrir. Toutes les
personnes mortes avaient été tuées par
balles. Un jeune de 15 ans restait dans
un état critique suite à une blessure
par balle à la poitrine.
Les affirmations du
Conseil suprême des forces armées (SCAF)
selon lesquelles ses troupes
n’utilisaient pas de munitions réelles
et que la violence était provoquée par
les manifestants furent anéanties mardi
par un rapport publié par le médecin
légiste en chef égyptien. Selon le
service d’information officiel MENA, le
docteur Ehsan Kamil Georgi, après avoir
autopsié 10 des 13 personnes tuées
depuis vendredi, avait conclu que 9 «
avaient été atteintes par des balles. »
Une autre personne «
avait rendu son dernier souffle en
détention dans un tribunal de la région
Sud du Caire avant de comparaître devant
le juge » a constaté le rapport. « La
cause du décès, » poursuit-il, « était
une blessure traumatique à la tête et
qui a entraîné une hémorragie interne. »
La violence
meurtrière de la junte qui recourt à des
armes et à des munitions fournies par
ses protecteurs de Washington et qui
font partie d’une aide militaire
annuelle de 1,3 milliards de dollars,
est la réponse à la nouvelle vague de
protestation de masse qui a éclaté la
veille des élections parlementaires en
cours actuellement. L’objectif ultime
visé est une série de grèves impliquant
jusqu’à 750.000 travailleurs et qui a
débuté à la fin du Ramadan.
La répression
militaire souligne la nature frauduleuse
des élections et de la soi-disant
transition démocratique réalisée sous le
contrôle du SCAF. Elle est en train de
saper les dernières illusions existant
encore au sein de grandes parties de la
population à l’égard de l’armée,
présentée tant par les libéraux que par
les adversaires pseudo-gauches de
Moubarak comme protectrice de la
révolution.
Cette violence
militaire incessante a suscité au cours
de ces derniers jours des critiques
officielles de la part de responsables
des Nations unies et du gouvernement
Obama. Ban Ki-Moon, le secrétaire
général de l’ONU, a condamné ce qu’il a
appelé la « force excessive » de
l’armée. La secrétaire d’Etat
américaine, Hillary Clinton, a publié
dimanche un communiqué standard disant
qu’elle était « profondément préoccupée
» par la violence et demandant
instamment aux forces de sécurité de «
respecter et de protéger les droits
universels de tous les Egyptiens. »
Dès lundi toutefois,
en réponse à des signes d’indignation
grandissante en Egypte après la
diffusion de séquences vidéo sur
Internet, Clinton s’est sentie obligée
de publier une déclaration plus
circonstanciée et qualifiant le
traitement par l’armée des manifestantes
de « choquant » et de « honteux ». Tous
ces reproches sont foncièrement
hypocrites vu que Washington soutient
pleinement l’armée qu’elle considère
être l’épine dorsale de l’Etat
capitaliste et le principal protecteur
des intérêts de l’impérialisme américain
dans la région.
Le deux poids deux
mesures entre le soutien de la junte
égyptienne par Washington et sa guerre
pour un changement de régime en Libye et
ses tentatives de renverser Assad en
Syrie, prétendument pour des raisons
humanitaires et démocratiques, devient
de plus en plus manifeste. Depuis qu’il
a pris la relève de Moubarak, le SCAF a
tué plus de 80 manifestants, en a blessé
plusieurs milliers et a interpellé et
jugé 12.000 civils, dont nombre d’entre
eux furent torturés. Le jour même où
Clinton publiait sa réprimande à la
junte égyptienne, le Département d’Etat
américain réitérait sa demande en faveur
de la démission du régime de Damas.
Le gouvernement Obama
a ignoré un appel lancé par Amnesty
International pour que les gouvernements
étrangers cessent de fournir des armes
de petit calibre et des munitions à
l’Egypte et qui sont utilisées pour tuer
des civils.
Encouragée par le
soutien de Washington, la junte
égyptienne semble croire qu’elle peut
tuer et mutiler en toute impunité.
Lundi, le général Adel Emara, un membre
du SCAF, a donné une conférence de
presse télévisée lors de laquelle il a
rejeté l’entière responsabilité de la
violence sur les manifestants leur
reprochant de « chercher à détruire le
pays. » Il a aussi attaqué les médias,
leur demandant, « Pourquoi ne
parlez-vous pas du recourt excessif à la
violence de la part du côté adverse ? »
L’attitude générale
des chefs militaires – et leur intention
ultime – fut résumée dans une remarque
publique faite par Abdul Moneim Kato, un
général à la retraite qui continue de
servir en tant que conseiller militaire.
Il a déclaré que les manifestants
méritaient d’être jetés dans les « fours
crématoires de Hitler. »
Alarmé par la marche
des femmes et craignant que ses
déclarations provocatrices n’incitent à
une révolte de masse – et très
certainement après consultation de
Washington – le conseil militaire a
publié mardi soir une excuse pour les «
violences » en adressant ses « profonds
regrets pour l’atteinte faite aux
formidables femmes d’Egypte, » et en
promettant d’adopter les mesures
nécessaires à l’encontre de ceux
responsables des attaques contre des
femmes.
Les signe de crise
grandissante pour la junte ont amené les
représentants de l’opposition libérale à
se joindre aux Frères musulmans pour
exiger que l’armée accélère son
programme de transmission du pouvoir à
un gouvernement civil. Le libéral Amr
Hamzawy et d’autres membres nouvellement
élus au parlement ont été rejoints lundi
par Mohamed Beltagy, des Frères
musulmans, ainsi que d’autres dirigeants
politiques pour une manifestation sur
les marches de la Haute cour. Ils ont
appelé le SCAF à transmettre le pouvoir
à la Chambre basse du parlement sitôt
terminée l’élection de cette assemblée
qui sera dominée par le parti bourgeois
droitier des Frères musulmans et par
d’autres groupes islamistes. Ils ont
proposé une date limite pour le 25
janvier.
Ces forces qui ont
tenté de légitimer la junte militaire en
la dotant de références démocratiques,
cherchent à présent à préparer une
alternative au cas où ceci s’avérerait
nécessaire pour la défense de l’Etat
capitaliste et pour écraser la
résistance de la classe ouvrière. Elles
jouissent du soutien de diverses
organisations petites bourgeoises
pseudo-gauches. Dimanche dernier, le
dirigeant des Socialistes
révolutionnaires, Kamal Kahlil, a signé
une déclaration aux côtés de plus de 170
politiciens et intellectuels en faveur
d’un tel gouvernement de « salut
national. »
(Article original paru le 21 décembre
2011)
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Publié le 22 décembre 2011 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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