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Bush
défend la torture
Barry Grey
10 octobre 2007
Vendredi dernier, le président George Bush
a catégoriquement défendu son autorisation de méthodes
d’interrogation considérées comme de la torture par le droit
international et américain et perçues comme tel par le monde
entier.
Lors d’une rencontre non planifiée
d’avance avec la presse dans le bureau ovale, Bush a réagi à
un article publié le jour précédent dans le New York Times
qui révélait l’existence de deux communiqués secrets du département
de la Justice datés de 2005 qui autorisaient explicitement
l’utilisation de méthodes consistant à gifler les détenus, à
les soumettre à des températures extrêmes et à employer le
simulacre de noyade connu sous le nom de « water boarding »
(asphyxie par l’eau).
L’un des communiqués déclarait
qu’aucune des techniques utilisées à l’époque par la
Central Intelligence Agency (CIA) contre de présumés terroristes
ne constituait un « traitement cruel, inhumain et dégradant ».
Cet avis juridique, émis par le Bureau du conseil juridique du département
de la Justice, avait été obtenu dans le but de donner à
l’administration une couverture légale contre un projet de loi
du Congrès qui visait à interdire la torture et à la qualifier
de « traitement cruel, inhumain et dégradant ». Ce
projet de loi fut éventuellement ratifié en décembre 2005.
L’article du Times, qui cite des
officiels anonymes qui étaient au courant des communiqués,
rapporta aussi que l’administration avait recommencé à détenir
des prisonniers dans des prisons secrètes à l’étranger contrôlées
par la CIA.
Lors de son point de presse, Bush y est allé
de son habituel désaveu pour la forme: « Ce gouvernement ne
torture personne », tout en ajoutant, « Nous
respectons le droit américain et nos obligations internationales. »
Il est significatif que Bush ait choisi
d’employer les termes « obligations internationales »
plutôt que « droit international ». Ce n’est pas un
simple détail, étant donné que les méthodes d’interrogation
que Bush a autorisées et qu’il continue de défendre
constituent de flagrantes violations des Conventions de Genève et
des conventions internationales contre la torture et les
traitements cruels et dégradants.
Bush débuta ses remarques en déclarant :
« Si nous trouvons quelqu’un qui pourrait posséder des
informations sur une possible attaque, vous pouvez être surs que
nous allons le détenir et l’interroger. » Il a ensuite
tenté de rejeter la responsabilité de son utilisation de la
torture sur le dos du peuple américain, affirmant : « Car
le peuple américain s’attend à ce que nous trouvions des
informations, des renseignements compromettants, afin de le défendre. »
Il a ensuite ajouté, dans des mots
effrayants dignes d’un commandant de la Gestapo : « Il
existe des professionnels hautement formés qui interrogent ces
extrémistes et ces terroristes. Nous avons des professionnels qui
sont formés pour ce genre de travail... »
Bush continua en affirmant que « les
techniques que nous avons utilisées ont été entièrement dévoilées
aux membres concernés du Congrès américain ». Il conclut
en déclarant son intention de poursuivre son programme de torture :
« Le peuple américain s’attend à ce que leur
gouvernement agisse pour les protéger contre d’autres attaques.
Et c’est exactement ce que fait ce gouvernement. Et c’est
exactement ce que nous allons continuer de faire. »
Il n’y eut pas de période de questions
pour les journalistes présents.
D’autres représentants de
l’administration ont avoué l’existence des communiqués
secrets dévoilés par le New York Times mais ont refusé de révéler
ou de discuter leurs contenus, sous le prétexte qu’il s’agit
de documents secrets et au nom de la « sécurité nationale ».
La porte-parole de la Maison-Blanche, Dana
Perino, confirma que le Bureau du conseil juridique du département
de la Justice avait émis le 5 février 2005 un communiqué gardé
secret, mais a soutenu que ce communiqué ne contredisait ou
n’invalidait pas un communiqué public émis par le département
de la Justice en 2004 qui qualifiait la torture d’« odieuse ».
Elle refusa de dire si l’administration
considérait les méthodes consistant à simuler la noyade ou à
gifler un détenu comme de la torture.
Le conseiller à la sécurité intérieure,
Fran Townsend, a donné, peut-être par inadvertance, un aperçu
de la brutalité de la procédure utilisée contre les présumés
terroristes emprisonnés par les Etats-Unis. Elle a dit à la télévision
de CNN : « Nous commençons par la mesure la moins
dure. Ça s’arrête… si la personne devient plus coopérative. »
La porte-parole de la Maison blanche, Tony
Fratto, a réitéré le refus de l’administration de confirmer
ou de nier certaines techniques d’interrogation, invoquant le
motif standard que cela pourrait donner un avantage à « nos
ennemis ». En fait, le secret total du gouvernement
sur ses méthodes de torture vise à garder le peuple américain
dans le noir.
Fratto s’est alors attaqué au New York
Times pour avoir publié les révélations, disant qu’avec
la « publication de cette sorte d’information » nous
avons « compromis la sécurité de l’Amérique. »
Les communiqués divulgués par le Times
font partie d’une série qui remonte à l’infâme communiqué
sur la « torture » rédigé secrètement en 2002 et dévoilé
en 2004, lequel faisait suite aux révélations d’Abu Ghraib.
Les communiqués restreignent la définition de la torture aux
techniques qui entraînent la destruction d’organes. Depuis ce
temps, l’administration a mis de l’avant des directives pseudo
légales qui définissent la torture et les « traitements
cruels et dégradants » de manière à éluder les décisions
des tribunaux et les arrêtés du Congrès, et elle continue son
traitement sadique des prisonniers.
Après la décision de la Cour suprême en
juin 2006 déclarant illégales les commissions militaires de Bush
et statuant que tous les prisonniers détenus par les Américains,
y compris des présumés terroristes d’Al Qaïda, tombent sous
la juridiction de la Convention de Genève qui interdit la torture
et les traitements abusifs, Bush a utilisé ses pouvoirs exécutifs
pour émettre une nouvelle ordonnance autorisant « des
techniques d’interrogation musclées ».
Elle a été suivie par l’adoption en
octobre 2006 de la Loi sur les Commissions Militaires, en vertu de
laquelle le Congrès donne sa bénédiction à l’administration
et à sa politique de détention indéfinie, de tribunaux
militaires fantoches et de méthodes d’interrogation définies
par la loi internationale comme étant de la torture, tout en protégeant
le gouvernement de toute poursuite. Elle donne également au président
l’autorité « d’interpréter » la Convention de
Genève.
D’anciens prisonniers détenus secrètement
dans les prisons de la CIA ou dans les prisons militaires à
Guantanamo Bay, Cuba, ont témoigné qu’ils avaient été soumis
à la torture systématique. Ils se sont plaints d’avoir été
privés de sommeil et de la lumière du jour, gardés nus dans de
minuscules cellules qui les exposaient à une chaleur suffocante
ou à un froid glacial, forcés de conserver des heures durant une
position douloureuse, ou bombardés de musique assourdissante.
Plus tôt cette année, le FBI a divulgué
certains courriels de 2004 envoyés par des agents revenant d’un
déploiement à Guantanamo dans lesquels ils dénoncent le
traitement dégradant des prisonniers dont ils ont été témoins.
La dégénérescence politique et la
complicité de tout l’establishment politique dans de tels
crimes monstrueux ont été mises en évidence par l’absence de
la moindre réponse sérieuse à la défense inflexible de la
torture offerte par Bush. Aux nouvelles du vendredi soir, la
prestation de Bush à la Maison-Blanche n’a même pas été
diffusée par deux chaînes de télévision, CBS et ABC, et NBC a
placé cette nouvelle au troisième rang. Les trois chaînes ont
consacré la plus grande part de leur temps d’antenne à la
coureuse vedette américaine Marion Jones et sa consommation de stéroïdes.
La réponse des démocrates a été
inaudible et timorée. Comme l’ont souligné Bush et d’autres
responsables de son gouvernement, au moins quelques démocrates en
vue du Congrès ont été mis au courant des communiqués de 2005
et des méthodes d’interrogation approuvées par la
Maison-Blanche.
L’un de ceux-là est le sénateur John D.
Rockefeller IV, le président du comité du sénat sur le
renseignement. Après la publication de l’article du New York
Times, Rockefeller a écrit à Peter Keisler, le procureur général
en exercice, pour lui demander des copies de tous les avis
juridiques sur les méthodes d’interrogation depuis 2004. Il a
pris soin dans sa lettre et dans ses déclarations sur la question
de passer sous silence le fait qu’il avait été mis au courant
du programme de torture.
De manière similaire, le député John
Conyers, le président démocrate de la commission des Affaires
judiciaires de la Chambre, a écrit à Keisler, qualifiant les
communiqués de 2005 de « troublants » et exigeant des
copies des avis juridiques. Conyers a dit que son comité allait
tenir des auditions sur la question.
Le sénateur Patrick Leahy, le président démocrate
de la commission judiciaire du Sénat, a dit qu’il allait
questionner le choix de Bush comme nouveau ministre de la justice,
Michael Mukasey, sur ses vues concernant les méthodes
d’interrogation lorsque Mukasey se présente devant son comité
pour des auditions de confirmation plus tard ce mois-ci. Il n’a
pas dit, toutefois, qu’il considérait la défense de la torture
offerte par Bush comme étant un obstacle à la confirmation de
Mukasey.
Mukasey appuie ouvertement Bush dans son
assertion qu’il a le droit de garder des individus, y compris
des citoyens américains, en détention militaire indéfinie rien
qu’en les qualifiant de « combattants ennemis illégaux ».
En tant que juge fédéral de New York, Mukasey a statué que Jose
Padilla, un citoyen américain, pouvait être détenu indéfiniment
par les militaires. Padilla allait être torturé durant les trois
ans et demi qu’il a passés dans un cachot de l’armée.
Aucun démocrate n’a suggéré la moindre
mesure sérieuse contre Bush et ses co-conspirateurs. Il n’y a
eu aucun appel à la destitution, à des poursuites criminelles
– tel que mandaté par la Convention de Genève contre des représentants
de gouvernement qui autorisent la torture – ou à toute autre
action visant à forcer l’administration Bush à rendre des
comptes pour avoir passé outre des jugements rendus par les
tribunaux et violé tant la loi internationale qu’américaine.
Les démocrates sont, en fait, entièrement
complices des crimes de l’administration Bush. Ils étaient au
courant des méthodes illégales et barbares qui étaient utilisées,
et ils les ont tacitement approuvées.
Des enquêtes parlementaires sur la torture
pratiquée par les États-Unis ne mèneront à rien. Elles ne
viseront qu’à cacher la vérité et à limiter les dégâts,
tout comme le théâtre parlementaire auquel s’adonnent les démocrates
depuis leur prise de contrôle du Congrès, que ce soit autour de
la guerre en Irak ou des mesures d’état policier prises par
l’administration aux États-Unis.
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Publié le 10 octobre 2007 avec l'aimable autorisation du WSWS
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