IRIS
Les
États-Unis face aux limites de leur stratégie en Irak
Barah Mikaïl
Barah
Mikail / L’Humanité / 28 mars 2007 Interview
de Barah Mikaïl, chercheur spécialisé sur le Moyen-Orient à
l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
Qu’est-ce
qui fait que l’initiative arabe de 2002 ressorte maintenant ?
Avec la guerre en Irak,
les Américains ont montré qu’ils avaient privilégié le
militaire mais que le militaire n’avait pas vraiment abouti.
On se souvient également que le rapport Baker Hamilton publié
en décembre 2006 préconisait notamment de porter une attention
très particulière au conflit israélo-palestinien. À partir
de là la Maison-Blanche est obligée de montrer d’une part
qu’elle ne prône pas forcément le militaire dans les évolutions
régionales, qu’elle peut être attachée au diplomatique.
D’autre part, elle a besoin de trouver un référent pour
asseoir un canal diplomatique qui se développerait. Or, la
proposition du plan Abdallah pour la paix est ce qu’il y a de
plus positif en tant que base de départ pouvant engager au
minimum, l’essentiel des États arabes de la région. Les États-Unis
donnent au minimum l’impression d’être attachés à ce
qu’au-delà du conflit israélo-palestinien ce soit un
rapprochement des points de vue entre les Arabes de manière générale
et les Israéliens qui puissent connaître des perspectives
positives à l’avenir.
Quelle
est la stratégie exacte alors qu’on voit que Condoleezza Rice a
du mal - ou ne veut pas - relancer des négociations israélo-palestiniennes
directes ?
Dans les circonstances
actuelles, les Américains ne peuvent pas rester les bras croisés.
On va vite arriver au lancement de la campagne pour l’élection
présidentielle américaine. Or, les États-Unis ne peuvent pas
continuer à montrer les limites de leur stratégie en Irak tout
en délaissant le reste des enjeux régionaux. Ils veulent
montrer qu’ils ont une présence active au sein du
Moyen-Orient qui n’exclue pas le recours à la diplomatie
quand la nécessité se présente ou quand les options
militaires ne semblent pas urgentes.
Est-ce
qu’on peut voir là une manière américaine de s’appuyer à
nouveau ou de façon plus forte sur l’Arabie saoudite ?
L’Arabie saoudite a été
le premier des acteurs à vouloir montrer sa disponibilité auprès
des Américains en faveur de la promotion de la paix dans la région.
Le plan Abdallah pour la paix a été proposé par les Saoudiens
en février 2002, quelques mois après les événements du 11
septembre 2001. L’Arabie saoudite voulait montrer qu’en dépit
du fait que 15 des 19 auteurs des attentats étaient des
Saoudiens cela ne voulait pas dire que les États-Unis devaient
opérer en contrepartie une rupture de leurs relations avec l’Arabie
saoudite. D’où cette impulsion. Les Américains sont
conscients qu’il peut y avoir un impact diplomatique saoudien
qui peut être porteur dans l’ensemble de la région. Quand on
voit le positionnement des Iraniens, des Syriens, quand on voit
les déplacements opérés par certains membres du Hezbollah
dans la région, on s’aperçoit que Riyad est un passage
incontournable pour quiconque cherche à capitaliser sur des
enjeux de type diplomatique ou politique. Les États-Unis ont
compris que la possibilité de voir leur stratégie diplomatique
aboutir au sein de l’essentiel des États membres de la Ligue
arabe implique de compter sur un rôle saoudien actif.
Barah Mikaïl est
l’auteur de la Politique américaine au Moyen-Orient (Dalloz
Éditions).
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