IRIS
« Le
mauvais calcul » des Occidentaux
Barah Mikaïl
Barah Mikaïl par
Michel Vagner / L’Est républicain / 16 juin 2007 Sans
perspective politique à court terme, un embrasement généralisé
est à craindre, estime un expert de la région. Le
Hamas peut-il poursuivre son coup de force jusqu'en Cisjordanie ?
Non. Mais ce n'est pas,
pour autant, rassurant : si les deux parties, le Hamas et le
Fatah, ne s'assouplissent pas l'une vis-à-vis de l'autre, une véritable
guerre civile est à craindre en Cisjordanie. Désormais, le
Hamas est déterminé à clarifier la donne et à prendre
l'ascendant au niveau des orientations exécutives et
institutionnelles palestiniennes.
L'Iran
ou une autre puissance de la région est-elle derrière cette
prise de pouvoir à Gaza du mouvement islamiste ?
Non. La stratégie du
Hamas se suffit à elle-même. Je ne crois pas qu'il y ait de
suggestion ni de la part de la Syrie, ni de la part de l'Iran, même
si ces deux pays fournissent une aide logistique et financière.
Le Fatah a aussi des connexions tierces. Le soutien à 100 % des
Etats-Unis n'est pas que verbal. Mais chacune des deux
formations agit en fonction de ses propres analyses.
Un
Etat palestinien étant plus que jamais improbable, un Hamasland
va-t-il coexister avec un Fatahland ?
Les violences de ces
derniers jours ne sont que la continuité du bras de fer initié
entre le Hamas et le Fatah au lendemain des élections législatives
du 25 janvier 2006 (favorables au Hamas, NDLR). La communauté
internationale a fait un mauvais calcul, en considérant que les
Palestiniens devaient regretter ce vote et s'exprimer à travers
de nouvelles élections qui auraient porté à nouveau au
pouvoir le Fatah. A supposer qu'un scrutin anticipé
intervienne, il n'y a aucune garantie, au contraire, qu'il
renforce le Fatah. Le Hamas pourrait se maintenir ou se
fortifier, avec le risque que des formations encore plus
radicales, telles que le Djihad islamique, participent à ces élections
et constituent une minorité de blocage.
Les
Etats-Unis ne sont-ils pas les premiers responsables de la
situation d'aujourd'hui ?
Certes, mais sont aussi
concernés les autres membres du Quartet : la Russie, l'Union
européenne et l'ONU. De même qu'Israël. L'absence de relance
des négociations israélo-palestiniennes a poussé à la
radicalisation de beaucoup de Palestiniens, de même que
l'affaire des subsides qui a privé de salaires de milliers de
fonctionnaires. Les sondages palestiniens des années 90 étaient
très intéressants : il y avait un effet automatique ou de
levier entre la tenue des négociations et les aspirations de la
population. Quand il y avait négociations, aussi imparfaites
qu'elles aient été, le soutien majoritaire allait au Fatah. Dès
qu'il y avait crise, ce sont les formations armées radicales
qui prenaient le dessus.
Comment
sortir de la crise ?
Le politique doit être érigée
en tête de liste des priorités non seulement pour la résolution
du conflit inter-palestinien mais aussi du conflit israélo-palestinien.
C'est la seule lueur d'espoir. S'il n'y a pas de perspective à
court terme, la porte est ouverte à un embrasement généralisé.
Il y a des gages à trouver pour pousser les Palestiniens à
opter pour une voie moins radicale que celle pour laquelle ils
ont voté en janvier 2006. Mais pour l'instant, le Quartet ne
passe pas pour un acteur crédible, ce qui ne fait qu'assombrir
la visibilité de l'avenir
Barah Mikaïl
Chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques
(IRIS), spécialisé sur le Moyen-Orient. Auteur de La Politique américaine au
Moyen-Orient (Dalloz, 2006)
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